L'ex ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, et Farid Béjaoui, neveu d'un autre ancien ministre, auront été, incontestablement, les deux acteurs du feuilleton estival de cette année 2013. Oui, l'été algérien se distingue toujours par une grosse histoire qui fait les choux gras de la presse locale et retient l'attention du citoyen lambda. Cette fois, Khelil et Béjaoui ont nettement volé la vedette aux remous spectaculaires qui agitent les états-majors du FLN et le RND, les deux partis au pouvoir. On doit reconnaître que l'affaire Sonatrach recèle tous les ingrédients pour cela, et ne manque pas de suspens et de rebondissements pour mériter l'«intérêt» du lectorat et des internautes. Il est question de gros bakchich blanchi dans l'acquisition de villas à Montréal, d'appartements de haut standing à Dubaï, de biens divers aux Etats-Unis, de voitures de luxe et de voyages aux quatre coins du monde. C'est les mille et une nuits! Il n'est pas du tout exclu que ceux-là mêmes, qui critiquent et dénoncent à cor et à cri les deux présumés corrompus, ne soient hypocritement tentés d'être à leur place, de jouir de tout ce faste. De toute façon, parmi le lectorat, il y a des gens qui avouent franchement leur prédisposition à se barrer définitivement avec un tel pactole en poche. Concrètement, les deux hommes sont poursuivis par la justice algérienne pour «corruption» dans la conclusion de marchés de sous-traitance de la firme pétrolière nationale. Saipem, une filiale de l'énergéticien italien ENI, la multinationale canadienne SNC-Lavalin, le trust égyptien Orascom construction et BRC, une succursale du géant pétrolier américain Halliburton, auraient versé de substantiels pots de vin aux accusés pour rafler de juteux contrats en Algérie et profiter, en retour, de nombreuses largesses. Officiellement, des mandats d'arrêt internationaux ont été lancés à leur encontre pour se présenter aux enquêtes et, ultérieurement, au procès. Justifiant son absence à une première convocation en qualité de témoin, Khelil se dit prêt à répondre présent, de lui-même et sans contrainte, devant le juge. Il appartient évidemment à ce dernier de choisir le moment. Se montrant sûr de lui-même, l'ancien ministre, longuement présenté comme un fuyard, n'a visiblement rien à se reprocher. En clair, pas de preuves accablantes de son implication. Si cela se trouve, il serait complètement blanchi et aurait même droit à des dommages et intérêts. Béjaoui, un intermédiaire présumé, peut également tout nier. Les vrais coupables sont toujours ceux qui signent au bas des contrats. Et là, on retrouvera, encore une fois, des directeurs malléables qui obéissent au doigt et à l'œil de leurs mentors et patrons. On reparlerait, alors, de lampistes et de petit gibier. Le vrai problème réside dans le système de cooptation des P-dg et des managers des grandes entreprises publiques. Comme dans le sport, le système politique ne devrait pas s'immiscer dans ce domaine où seule la performance compte. C'est à ce niveau qu'on doit agir pour confier ces genres de responsabilités à des gens réellement compétents et qui ont suffisamment de caractère pour ne pas se laisser marcher sur les pieds. Un cadre de cette espèce remettrait sa démission si on le force à faire un choix contraire à ses prérogatives et contreproductif pour son entreprise. Le petit corrompu accepte les ordres et les contre-ordres de ses chefs du moment que, dit-on, «sauvegarder le pain de ses enfants». Il préfère la pitance de sa smala à son honneur d'homme et aux intérêts suprêmes de son peuple. A quelques exceptions près, rien que des mangeurs de pain, pour paraphraser les propos d'une célèbre magistrate de chez-nous. K. A.