Visant les marchés émergents comme terres de croissance, Julius Bär rachète à Bank of America les affaires de gestion de fortune hors Etats-Unis et Japon de Merrill Lynch. Sur la base du transfert de 72 milliards dollars d'avoirs sous gestion, la transaction se chiffre à 860 millions de francs. Etape clef dans le développement de l'établissement fondé en 1890, le rachat représente une occasion rare d'acquérir des affaires internationales d'une taille significative exclusivement réservées à la gestion de fortune, a relevé, hier, à Zurich Daniel Sauter, le président du conseil d'administration de Julius Bär. La banque avait confirmé le projet en juin dernier après des rumeurs de presse. La transaction devrait rapporter entre 57 et 72 milliards de francs supplémentaires en actifs gérés d'ici à deux ans, a pour sa part précisé le patron de Julius Bär, Boris Collardi. Et le Vaudois de noter que deux tiers de ces fonds proviennent des marchés émergents, soit pour moitié d'Asie, ainsi que d'Amérique latine et du Moyen-Orient. Dans sa composante principale, l'opération devrait être finalisée d'ici la fin de l'année, voire le premier trimestre 2013. Le processus d'intégration des affaires de gestion de fortune de Merrill Lynch est pour sa part attendu entre la fin 2014 et les trois premiers mois de 2015. Augmentation de capital Renforçant Julius Bär en tant que pur gestionnaire de fortune, le rachat fera gonfler les avoirs de la clientèle à 341 milliards de francs, les actifs sous gestion bondissant eux à 251 milliards. Ces montants, qui placent la banque derrière les deux géants UBS et Credit Suisse, sont calculés sur la base d'un transfert atteignant 72 milliards, a poursuivi M. Collardi. Le prix de la transaction a été fixé à une somme représentant 1,2% des avoirs sous gestion transférés, soit entre 680 et 860 millions de francs. Julius Bär s'attend en outre à devoir accroître ses fonds propres dits "durs" de 300 millions, alors que les charges de restructuration devraient elles avoisiner les 400 millions. Pour financer l'opération, dont le besoin en capitaux se chiffre au total à 1,47 milliard de francs, Julius Bär entend utiliser les fonds disponibles et procéder à une augmentation de capital de 750 millions, dont 240 millions réservés à Bank of America. Un financement que les actionnaires devront approuver lors d'une assemblée générale extraordinaire agendée au 19 septembre prochain. A fin juin, la masse sous gestion des activités internationales de gestion de fortune de Merrill Lynch hors Etats-Unis se montait à 84 milliards de dollars (81 milliards de francs).Le chef des finances de Julius Bär, Dieter Enkelmann, a expliqué la différence entre ce dernier montant et celui de la hausse attendue des actifs gérés (72 milliards) par le fait qu'il faut compter sur une perte de 3 à 10% sur ces fonds. Opération complexe Comme l'opération est complexe, cette perte devrait plutôt approcher les 10%, raison pour laquelle le montant maximal de 72 milliards de francs pour les avoirs transférés a été retenu. Une partie des conseillers financiers de Merrill Lynch, environ la moitié selon M. Enkelmann - devra décider si elle souhaite ou non rejoindre Julius Bär. Les activités reprises, qui appartiennent à Bank of America depuis 2008 avec le rachat de Merrill Lynch en pleine crise des subprimes, emploient 2243 collaborateurs, dont 528 conseillers financiers. L'établissement américain est présent à Zurich et Genève où il compte quelque 250 salariés. Julius Bär en compte pour sa part près de 400 dans la Cité de Calvin, sur un total de 3 650. En ligne avec la stratégie de focalisation sur la gestion de fortune définie en 2009, la reprise de Merrill Lynch Wealth Management apporte aussi des compléments au réseau des représentations de Julius Bär, avec de nouvelles implantations dans les métropoles indiennes de Mumbai, New Delhi, Calcutta, Chennai et Bangalore, notamment. Reste que l'opération, jugée délicate par certains analystes, n'a pas le moins du monde convaincu les investisseurs. À la mi-séance, à la Bourse suisse, le titre Julius Bär plongeait de 5,28% à 33,56 francs, dans un marché des valeurs vedettes stable à 6 483 points.