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Insécurité fiscale et bonne gouvernance
L'impôt en Algérie:
Publié dans Le Maghreb le 07 - 01 - 2008

a) L'action de déstructuration économique et sociale
La colonisation a immédiatement réglementé une ségrégation fiscale qui privilégia les colons au détriment des algériens, mais aussi des français de la métropole puisque les colons, soumis aux mêmes impôts que les français de France, n'y contribuaient qu'à des taux réduits. C'est surtout par une action directe sur l'économie algérienne que la colonisation a porté gravement atteinte au système fiscal algérien de redistribution des richesses appliqué depuis des siècles. Nous citerons à cet égard seulement trois exemples édifiants :
(1)le Sénatus consulte de 1865 a permis la privatisation de la terre par la spoliation des algériens de leur terre attribuée aux colons. Cette opération se fera sous le prétexte d'organiser l'appropriation privative des terres sur le fondement de titres de propriété. Or la conception islamique de la propriété est différente de la conception coloniale. Le résultat de l'opération a porté préjudice à l'équilibre économique et social des algériens.
(2)En 1875 la colonisation introduit la culture de la vigne en Algérie en raison des catastrophes ayant touché le vignoble français. La culture de la vigne se fera dorénavant en Algérie à grande échelle au détriment des céréales et des cultures maraîchères mettant fin ainsi à l'autosuffisance alimentaire et aggravant la situation économique et sociale des algériens, contraints d'abandonner leur statut initial pour se transformer en prolétariat rural au bénéfice des colons. Dès lors, les surplus dégagés par l'activité économique et qui permettaient au système fiscal algérien de fonctionner ont vite fait de se réduire et disparaître dans certaines régions.
(3)Les institutions musulmanes d'entraide sont agressées.
La France coloniale a du pour cela instaurer pour l'Algérie un régime d'exception à l'Etat laïc. La loi de séparation des Eglises et de l'Etat est violée, permettant au gouverneur général de contrôler les cultes par l'octroi d'indemnités temporaires de fonction aux ministres du culte soumis préalablement à une procédure d'agrément auprès de ses services . La sélection des imams, basée sur des enquêtes qui jaugeaient leur loyalisme à la France, a permis de mettre la haute main des autorités coloniales sur les lieux de culte et l'intégration dans le Domaine public des fondations pieuses (habous).
b) Introduction graduelle du système fiscal français adapté à la colonisation
L'obligation d'une contribution foncière sur les propriétés bâties à été introduite en Algérie par la colonisation dès 1885. Cette contribution n'est légitimée au regard de l'Islam que si elle s'applique aux revenus tirés de la location des propriétés bâties. Mais la contribution obligatoire nouvelle était due par tous, y compris par ceux qui habitent leur propre propriété ou y exercent une activité économique comme le commerce et l'artisanat. L'Algérie indépendante a gardé cet impôt injuste sur la propriété bâtie habitée par son propriétaire.
Par la loi du 19 décembre 1900, la France donne la personnalité juridique et l'autonomie financière à l'Algérie coloniale. Les commerçants et artisans furent contraints dès 1917 à payer la patente, qui est une contribution forcée même en cas de non exercice effectif d'une activité ou d'un exercice déficitaire de celle-ci. Par le décret du 30 novembre 1918, le système fiscal musulman est supprimé officiellement au nord du pays. Un nouveau système fiscal lui est substitué, fondé sur l'évaluation forfaitaire. Officiellement l'a'chour et le hokkor sont supprimés, la zakat et sa forme appliquée aux palmeraies du sud sous le nom de lezma est maintenue. De nouvelles contributions sont instituées pour frapper le revenu agricole et le capital foncier. La contribution foncière pour les propriétés non bâties est imposée au taux de 12 %. Peu à peu cette contribution se substituera à la zakat dont les conditions d'exigibilité sont de moins en moins réunies en raison de l'appauvrissement général de la population. C'est ainsi que la gharama au taux de 5 %, due par les non-musulmans, n'est acquittée à l'est du pays que de façon exceptionnelle mais toujours volontairement, sans passer par l'autorité administrative. Elle est peu à peu abandonnée.
En 1936 l'impôt indirect dit taxe sur le chiffre d'affaires est introduit en Algérie du nord. Comme lors de la guerre 14/18, la colonisation institue la conscription et le prélèvement forcé " temporaire ". En 1945, le régime fiscal réel fondé sur la comptabilité formelle et le contrôle fiscal est introduit. Dès 1947, le système fiscal des contributions directes imposé au Nord du pays est étendu au Sud selon deux taux : 33 % de l'impôt direct sur le revenu applicable au Nord est réservé à une partie du Sud (Biskra, Djelfa, Ouled Jellal, Mécheria . . . ), le deuxième taux est de 50 % applicable au reste du sud algérien, qui demeurera un territoire militaire, violant le principe d'égalité devant les charges publiques.
Par décret du 31 janvier 1948, le système fiscal sera uniformément appliqué à toutes les régions d'Algérie. Il comportera les impôts directs: bénéfices industriels et commerciaux et bénéfices non commerciaux (actuellement impôt sur les bénéfices des Sociétés ou IBS et impôt sur le Revenu Global ou IRG), impôt foncier (les charges de famille ne sont pas prises en considération), bénéfice agricole (BA), impôts sur les traitements et salaires et impôt complémentaire sur le revenu (regroupés actuellement IRG) et les impôts indirects comme les droits de douane, les taxes sur le chiffre d'affaires, les droits d'enregistrement, etc. En 1949 la structure des recettes fiscales de l'Algérie selon le rapport Maspétiol (1955) donnera 45 % d'impôts directs et le reste (55 %) d'impôts indirects. Par la loi n°57-1344 du 30 décembre 1957 des codes fiscaux sahariens seront créés pour l'organisation des impôts dans les Oasis et la Saoura au profit du budget de la France.
c) Le système fiscal algérien actuel
Si sa nature et sa structure sont aussi critiquables, son caractère injuste est mieux exprimé par la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) et par l'Impôt sur le Revenu Global (IRG). La TVA est en l'occurrence insensible, puisqu'elle frappe plus les bas revenus que ceux élevés, en violation du principe de prise en compte des capacités contributives du redevable. Impôt de consommation, elle est subie par les sans-emploi, les sans-logis et la société marginalisée au même titre que les consommateurs nantis. La TVA ampute le pouvoir d'achat des ménages car elle constitue une ponction sur leurs revenus. A contrario, l'exonération de la TVA pour certains produits de première nécessité est, depuis que les produits ne subissent pas l'effet de la spéculation par fait de pénurie, un dopage du pouvoir d'achat. Elle permet aux ménages à faibles revenus d'accéder aux produits de base.
Concernant l'IRG, l'Etat ne souhaite reconnaître qu'un seul interlocuteur (taxation par ''ménage fiscal''), le mari chef de ménage, ce qui contredit le principe d'égalité ainsi que celui de la séparation des biens entre époux du régime musulman. La femme mariée paie toujours plus d'impôt que le travailleur célibataire ou les hommes mariés pour un même revenu. Les systèmes de cumul sont un incitant au maintien de la femme au foyer, et avantagent les ménages à un seul revenu. Ceci viole les principes de neutralité et d'égalité que le système musulman, qui base la taxation sur l'individu, quel que soit son statut et son sexe, garantit. L'IRG est un impôt de superposition, s'ajoutant à d'autres. Un chef d'entreprise le paye sur les sommes qu'il reçoit après avoir payé l'impôt dus par sa société.
De plus, les pouvoirs que la loi donne à l'administration et aux services du contrôle fiscal, les obligations de renseignements pesant sur toute administration, entreprise publique ou privée et toute personne physique d'informer le fisc de tout élément concernant le citoyen ou l'entreprise contrôlé sont sur bien des points en contradiction avec les droits de l'homme, et en particulier avec le droit de ne pas s'incriminer, le droit à la vie privée, à la protection du domicile et des lieux d'exercice de ses activités... La Constitution et les Code de procédure (civile et pénale) garantissent différents droits qui caractérisent la sécurité juridique, et il serait intéressant de confronter tous ces textes. L'administration fiscale justifie, par exemple, ses prérogatives exceptionnelles de contrôle et de sanction par le caractère déclaratif dont elles seraient le corollaire naturel. C'est ainsi que l'un des principes de la fiscalité musulmane est corrompu.
Parmi les principes hérités du système francais (inconnus du système musulman) on trouve le principe de la territorialité de l'impôt, ainsi que le principe de séparation ordonnateur/payeur. Le premier empêche d'imposer les nationaux qui réalisent des revenus à l'étranger, alors qu'ils bénéficient de la protection diplomatique et de services consulaires. Le second remonte, comme d'autres principes de droit budgétaire, à la Restauration et est destiné à assurer le contrôle étatique. L'administration fait des opérations aboutissant, d'une part, à faire naître une créance au profit de l'Etat ou une dette à sa charge et, d'autre part, à encaisser les sommes dues à l'Etat ou à payer celles dues à ses créanciers. Ces deux types d'opérations sont confiées à des agents distincts (ordonnateurs et comptables ou receveurs), qui les réalisent et les rapportent dans des écritures distinctes. Les ordonnateurs n'ont pas le droit d'exercer les fonctions des comptables, et inversement. En rapprochant les comptes des ordonnateurs de ceux des comptables, les organes du contrôle peuvent découvrir d'éventuelles irrégularités. Mais, ce faisant, l'administration se dédouble et génère la bureaucratie.
Conclusion
Dès l'indépendance de l'Algérie le législateur décide de reconduire la législation coloniale dans son ensemble (législation fiscale comprise) sauf dans ses dispositions contraires à la souveraineté nationale. Les codes fiscaux sahariens sont abrogés ainsi que toutes les dispositions qui attribuent au budget de la France les contributions levées en Algérie pour lui substituer le budget de l'Algérie indépendante. D'instrument de soumission coloniale, elle a gardé les mêmes techniques pour servir une autre fin: moyen socialiste de la solidarité du groupe social, et, aujourd'hui, moyen libéral de développement.
Les dizaines de réformes entreprises n'ont été que des retouches, hier inspirées par le socialisme et aujourd'hui par le libéralisme. Toutes les réformes fiscales entreprises depuis l'indépendance à ce jour n'ont pas réussi à créer un système fiscal cohérent authentiquement algérien. Au contexte socialiste fondamentalement différent, succède l'assaut de la mondialisation, laquelle génère la mobilité des hommes et des capitaux et amplifie le phénomène de concurrence fiscale entre les Etats. Le législateur a toujours agi par touches successives sans doctrine, rendant le système tout à fait anarchique.
Les rapports du Doing Business démontrent sa complexité et sa lourdeur. Sa dénonciation par ses victimes signale son injustice. Nous espérons avoir contribué à expliquer pourquoi la fiscalité algérienne demeure réputée pour sa complexité et a un effet dissuasif de l'esprit d'entreprise, du travail et de l'épargne.
La question qui demeure est celle de savoir quelle fiscalité est légitime d'un point de vue moral, financier, économique, sociologique et politique. Les mutations que connaît la société algérienne devraient amener inévitablement à reconsidérer les théories, principes et dispositifs fiscaux acquis ou institués. Ainsi, plutôt que de réponses ponctuelles à des problèmes conjoncturels ou à des revendications particulières, il conviendrait que se dégage dorénavant une conception stratégique de la fiscalité correspondant elle-même à une conception de l'Etat. En d'autres termes, il y a un problème de gouvernance.
Comme cette notion est constamment citée sans être définie, précisons qu'il s'agit des normes, procédés et traditions qui assurent la clarté, la prévisibilité, l'efficacité, l'équité et la transparence du cadre légal, ainsi que la primauté du droit de sorte que tout décideur soit comptable de sa décision et de l'action qu'il a menée. En plus d'augmenter la capacité des systèmes législatifs, judiciaires (un système judiciaire sur lequel on peut compter) et exécutifs à la transparence, la gouvernance garantit la sécurité juridique.
Le fait de placer le "droit" au centre de la notion de gouvernance implique également de responsabiliser la population. Or, on ne peut assurer la participation publique par le seul aménagement procédural de la décentralisation. Il faudrait que le contenu des normes soit compris et accepté au cours de sa formation. C'est un processus par lequel la société s'approprie les normes ou s'y reconnaît. En effet, la gouvernance n'est pas seulement une affaire de gouvernement. Lorsque la norme est démocratiquement formée, elle rend aisée l'interaction entre l'Etat, la société et le marché. La gouvernance permet donc de juger la manière de l'exercice du pouvoir, de la prise de décision et de la façon dont les citoyens font entendre leur voix.
Appliquée à la fiscalité, la gouvernance exige une concertation systématique et large entre l'Etat, la société et le marché sur les projets de texte mais aussi sur les projets d'instruction fiscale avant leur adoption.
Elle exige également une évaluation périodique de leur mise en oeuvre pour en corriger les distorsions. Cette discussion démocratique aura l'avantage de mettre fin au monopole des bureaucrates et experts, de rendre la fiscalité dite en termes compréhensibles au commun des mortels à ses propriétaires (ceux qui payent) et d'instaurer un contrôle démocratique des dépenses de ceux qui en bénéficient.
Ibrahim Taouti, avocat au Danemark et à Alger, Lawhouse


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