L'après-Brexit va peser sur l'économie mondiale: le FMI a abaissé mardi ses prévisions de croissance face à "l'incertitude exceptionnelle" créée par le vote britannique pour une sortie de l'Union européenne, dans un contexte de reprise déjà cahotante. "Le résultat du vote au Royaume-Uni (...) a donné corps à un important risque de détérioration pour l'économie mondiale", écrit le Fonds monétaire international dans ses nouvelles prévisions économiques trimestrielles. Le produit intérieur brut (PIB) mondial ne devrait plus progresser que de 3,1% en 2016 et de 3,4% en 2017, marquant un recul de 0,1 point par rapport à avril et une inquiétante stagnation par rapport à 2015. La dégradation est pour l'heure minime mais, prévient le FMI, elle pourrait prendre une tout autre ampleur si Londres et les Etats membres de l'UE peinaient à s'entendre sur leur nouvelle relation économique et la question cruciale de l'accès au marché unique européen. "Les négociations prolongées qui vont probablement précéder l'établissement d'une nouvelle relation entre le Royaume-Uni et l'Union européenne pourraient affecter plus que prévu la croissance mondiale", prévient le FMI. Dans un scénario noir jugé peu probable par l'institution, la croissance mondiale ralentirait ainsi à 2,8% dès cette année et la zone euro serait la proie de "tensions généralisée" dans son secteur bancaire. L'impact sur le Royaume-Uni, lui, ne se fera pas attendre: le FMI se montre bien moins optimiste pour la croissance britannique cette année (-0,2 point, à 1,7%) et surtout en 2017 (-0,9 point, à 1,3%). Dans l'hypothèse du scénario noir, l'institution envisage même une "récession" britannique en cas de chute brutale de l'activité à la City de Londres et de recul de l'investissement dans le reste du pays. "Les effets futurs du Brexit sont exceptionnellement incertains", résume le chef économiste du FMI, Maurice Obstfeld.
Vulnérabilités Le contexte général n'est par ailleurs pas spécialement porteur. Le vote pour le Brexit "ajoute une incertitude considérable à une reprise mondiale déjà fragile", note ainsi le FMI, qui était toutefois prêt à relever légèrement ses prévisions mondiales avant le choc du référendum. Première puissance économique mondiale, les Etats-Unis ont démarré l'année d'un mauvais pied avec une croissance atone plombée notamment par la balance commerciale et l'appréciation du dollar. La Chine, en pleine transition économique, continue d'afficher une insolente croissance (6,6% attendus cette année selon le FMI) mais doit négocier son expansion avec prudence pour éviter une surchauffe. "L'utilisation continue du crédit pour soutenir l'activité augmente le risque d'un ajustement désordonné" dans la deuxième puissance économique mondiale, met en garde le Fonds. Les pays du Sud continuent de souffrir de la chute des cours des matières premières qui ampute considérablement leurs recettes. Premier producteur de pétrole en Afrique, le Nigeria devrait tomber en récession cette année (-1,8%), au risque de ralentir considérablement la croissance dans l'ensemble de l'Afrique sub-saharienne. Un tel scénario aurait des implications "dramatiques" dans la région, selon M. Obstfeld: la croissance de l'économie serait alors inférieure à celle de la population, provoquant "un déclin du revenu" par habitant dans une zone déjà rongée par l'extrême pauvreté. A ces facteurs économiques viennent par ailleurs se greffer des éléments géopolitiques qui peuvent, eux aussi, grever la croissance. Le Fonds s'inquiète également des "divisions politiques" dans les pays riches qui compliquent la recherche de solutions à la crise des réfugiés et alimentent un discours de repli sur soi économique. "Un virage vers les mesures protectionnistes est une réelle menace", note l'institution à l'heure où, aux Etats-Unis, le candidat républicain Donald Trump menace d'imposer des droits de douanes contre le Mexique ou la Chine. Seules légères --et très relatives-- éclaircies sur le front économique, la Russie et le Brésil devraient voir la sévérité de leur récession s'atténuer cette année avec des reculs respectifs de leur PIB de 1,2% et 3,3%.
Moyen-Orient Le Fonds monétaire international (FMI) a relevé sa prévision de croissance pour le Moyen-Orient et l'Afrique du nord, sur fond de redressement des prix du pétrole, tout en maintenant celle de l'Arabie saoudite. Dans ses perspectives économiques actualisées, le FMI a relevé à 3,4% sa prévision de croissance en 2016 pour le Moyen-Orient, l'Afrique du nord, le Pakistan et l'Afghanistan, soit 0,3 point de plus que celle d'avril. Mais il a réduit de 0,2 point sa prévision pour 2017 qu'il estime désormais à 3,3% pour cette région en expliquant cette projection par les retombées du "terrorisme" et des tensions géopolitiques. La région Moyen-Orient, Afrique du nord, Pakistan et Afghanistan comprend des pays exportateurs de brut comme ceux du Golfe, l'Irak l'Iran et l'Algérie, et des pays importateurs comme l'Egypte ou le Maroc. Après la levée de certaines sanctions internationales, la production de l'Iran a atteint les 2 millions de barils par jour (mbj), un niveau proche de celui d'avant ces sanctions. Le FMI a expliqué avoir fondé ses nouvelles projections sur la base d'un prix du baril de pétrole en hausse de 10 dollars. "Au Moyen-Orient, les pays exportateurs bénéficient du modeste redressement du prix du pétrole alors qu'ils continuent de consolider leurs budgets en réponse à la chute des prix", écrit l'institution. "Les tensions géopolitiques, les soulèvements armés et le terrorisme pèsent sur les perspectives économiques de nombreux pays, notamment au Moyen-orient", ajoute-t-elle. Le FMI a maintenu sa projection de croissance pour l'économie de l'Arabie saoudite, premier exportateur de pétrole au monde, en 2016 au niveau modeste de 1,2% et l'a relevé de 0,1% à 2% pour 2017. Les économies de l'Arabie saoudite et de ses voisins arabes du Golfe ont été durement affectées par la chute des prix du pétrole, amorcée il y a plus de deux ans. Ces pays, qui ont accusé un manque à gagner de plusieurs centaines de milliards de dollars, ont lancé des mesures d'austérité et commencé à emprunter pour combler leurs déficits budgétaires. Le FMI s'est félicité des mesures d'austérité mais en a recommandé davantage. Dans un rapport publié en juin, le FMI avait estimé que la valeur des exportations de pétrole et de gaz des pays du Conseil de coopération du Golfe (Arabie saoudite, Bahreïn, Emirats arabes unis, Oman, Qatar et Koweït) et de l'Algérie allait baisser de 450 milliards de dollars (408,2 milliards d'euros) en 2016 par rapport à 2014. Les déficits budgétaires cumulés des sept pays devraient atteindre 900 milliards de dollars (816,4 milliards d'euros) d'ici 2021, selon le FMI.
Ralentissement "dramatique" en Afrique Le FMI a nettement abaissé ses prévisions de croissance économique en Afrique sub-saharienne sur fond de récession au Nigeria et mis en garde contre les "implications dramatiques" de ce ralentissement sur la lutte contre la pauvreté. L'économie de la région ne devrait plus progresser que de 1,6% cette année, marquant un net recul de 1,4 point par rapport à avril et un ralentissement spectaculaire par rapport à 2015 (3,3%), indique le Fonds dans ses prévisions économiques mondiales. Selon le FMI, cette contre-performance s'explique principalement par la dégringolade du Nigeria, première puissance économique africaine. Touché de plein fouet par la chute des cours du pétrole, le pays devrait voir son produit intérieur brut se contracter de 1,8% cette année alors qu'une expansion de 2,3% était encore prévue il y a trois mois. L'autre poids lourd économique du continent, l'Afrique du Sud, n'échappe que d'un cheveu à une contraction mais devra se contenter d'une quasi-stagnation (+0,1%) cette année. "La réduction de la croissance en Afrique sub-saharienne (...) a une implication dramatique", affirme le chef économiste du Fonds, Maurice Obstfeld. "En 2016, la croissance de l'activité régionale ne parviendra pas à atteindre celle de la population, conduisant à une baisse du revenu par habitant". Selon la Banque mondiale, près de 43% de la population sub-saharienne doit déjà survivre aujourd'hui avec moins de 1,90 dollar par jour.