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«Le ministère de la Santé ne reconnaît pas la psychanalyse»
FAIKA MEDJAHED, PSYCHANALYSTE AU MIDI LIBRE
Publié dans Le Midi Libre le 30 - 01 - 2010

Un air de sérénité se dégage de la silhouette de la dame. Le regard scrutateur et perçant, elle écoute tranquillement et observe son auditoire passionné qui parfois ne la laisse pas achever ses phrases. Faika Medjahed, née à Constantine, est psychanalyste depuis 2007. Elle est venue mercredi au café littéraire de L'Ile Lettrée, de la rue Zabana à Alger pour débattre des conditions d'exercice du métier de psychanalyste en Algérie. D'emblée, elle réfute la thèse d'une psychanalyse sans ancrage dans le pays.
 « Je ne sais pas ce qui peut faire dire que la psychanalyse n'est pas populaire, je pense qu'elle est populaire, la preuve, les gens qui sont présents ici, sont tous intéressés par cette discipline. Je pense que la psychanalyse est populaire, ne serait-ce qu'à travers la littérature, c'est une science, qui peut-être n'est pas développée en Algérie, mais qui parle beaucoup aux Algériens ». Et d'ajouter :
« Le problème, c'est que les gens aimeraient bien faire une analyse, mais est-ce qu'il y a des psychanalystes aujourd'hui ? ». On ne sait pas combien il y en aurait en Algérie, il y en avait un certain moment, ils sont partis en France, maintenant, ce qui serait intéressant, c'est de faire cette cartographie des psychanalystes, pour recenser les gens de la profession, les lieux de leur exercice, et comment ils recrutent leurs malades.
Le ministère de la Santé ne reconnaît pas encore aujourd'hui la psychanalyse, peut-être qu'il faut lui poser la question. Il a le devoir de permettre l'exercice de la psychanalyse en Algérie. La loi ne dit rien. La psychanalyse n'existe pas en tant que telle en Algérie. Si elle a trouvé le moyen de la pratiquer, c'est parce que, explique Faika Medjahed, « nous sommes un groupe qui exerce en tant que psychologues psychanalyses, et thérapeutes de famille, pas en tant que psychanalystes seulement, c'est-à-dire qu'on a une fonction autre que la psychanalyse mais on peut l'accoler à côté de ce que nous faisons ».
Elle dit ne pas avoir de cabinet. «je reçois des malades mais à titre, pour l'instant, informel, parce qu'il faut absolument que le ministère de la Santé puisse reconnaître cette science » qui pour elle a fait ses premiers pas en Algérie avec Frantz Fanon.
Je reçois la plupart du temps des névrosés qui se posent des questions concernant la vie, la mort, les pertes qu'ils ont eues dans leurs familles, leur devenir, il s'agit en somme de problèmes existentiels. La majorité d'entre eux sont des jeunes, certains travaillent, certains non, la consultation est déterminée en fonction du salaire de l'analysant, si c'est un étudiant, il paye une somme symbolique.
Toutes les conditions sont réunies, on a des écrivains, on a des peintres, des réalisateurs, on a tout pour qu'une psychanalyse puisse exister, il faut que la société accepte la civilisation et la promeut, il y a des signes de cette civilisation. Elle cite l'œuvre de Aïcha Kassoul qui aurait abordé des sujets très intimistes, preuve, dit-elle, qu'on est passé à une nouvelle étape. Pour Faika Medjahed, les Tunisiens et les Marocains sont en avance sur nous. Des lectures psychanalytiques du Coran y sont tentées a-t-elle soutenu.
Après des études de médecine, Faika Medjahed est passée sur le divan. Car avant d'exercer le métier, tout psychothérapeute se doit de faire sa propre analyse. Cela a pris quinze ans, chez un psychiatre-psychanalyste pied-noir Bernard Chouraqui installé alors en Algérie. J'ai mis quinze ans pour faire le tour de mes questionnements, j'ai eu la chance de tomber sur un psychanalyste qui connaît d'abord la culture algérienne, qui était du côté de la Révolution algérienne et qui voulait absolument soutenir le combat des Algériens.
Nous sommes un peuple qui passe d'un traumatisme à l'autre, d'un drame à l'autre, toutes les nations font la collection des trésors, des tableaux, des perles, des bijoux, de l'or et nous, on fait la collection des malheurs.
Notre histoire est une histoire très riche, tant qu'on ne s'approprie pas toutes les composantes d'une histoire qui ne commence pas avec l'islam, tant qu'on ne reconnaît pas qu'on est des Berbères, des Amazighs, qu'il y a une civilisation millénaire, on continuera dans ce cycle dramatique, de conflits et de guerres.
Faika Medjahed s'est laissée séduire par la psychanalyse pendant, dit-elle, « les années sans nom, les années 90 où tout le monde se faisait assassiner, où il y avait un effondrement de tout, tout le monde partait, c'était les exils, c'était vraiment des départs, les assassinats, je ne comprenais pas ce qui se passait autour de moi, et en moi.
Je me demandais qu'est-ce qui se passe et comment je pourrais me lever le matin et aller travailler. J'étais persuadée que seule une analyse peut sauver ma peau, et me permettre de continuer à exister.
C'est une période dramatique. La psychanalyse a des ennemis. Puisqu'elle ne délivre pas d'ordonnance, les entreprises pharmaceutiques orchestrent périodiquement des propagandes à son encontre, pense Faika Medjahed. Le regain de charlatanisme, la rokia, le taleb ?
« Ce n'est pas moi qui ait avancé l'idée, c'est une intervenante qui a dit qu'il y a des anthropologues français qui travaillent sur cette question. Pour les besoins de leur enquête, ils ont créé un peu partout des « cabinets » de consultation. Ces anthropologues veulent savoir si on est un peuple primitif, qui ne se soigne que par la magie. Le taleb c'est la magie, ce n'est pas de la médecine traditionnelle comme celle qu'ont les Chinois. Là c'est la sorcellerie et tout, ça veut dire qu'on est un peuple primitif pas prêt d'être moderne.»
Pour Faika Medjahed, les citoyens ne devraient pas être abusés, on n'a pas le droit de ne pas les informer qu'ils servent de cobayes. Allez faire un tour dans les hôpitaux psychiatriques, vous allez voir des chaînes interminables, les lits sont très occupés. Aujourd'hui, les gens sont dans une perte de sens incroyable, ils ne savent pas à quel saint se vouer, ils ne savent plus comment redonner sens à leur vie, et redonner sens au sens. Alors ils vont n'importe où, là on leur dit, vous allez trouver là la solution, ils y vont. L.G.
Un air de sérénité se dégage de la silhouette de la dame. Le regard scrutateur et perçant, elle écoute tranquillement et observe son auditoire passionné qui parfois ne la laisse pas achever ses phrases. Faika Medjahed, née à Constantine, est psychanalyste depuis 2007. Elle est venue mercredi au café littéraire de L'Ile Lettrée, de la rue Zabana à Alger pour débattre des conditions d'exercice du métier de psychanalyste en Algérie. D'emblée, elle réfute la thèse d'une psychanalyse sans ancrage dans le pays.
 « Je ne sais pas ce qui peut faire dire que la psychanalyse n'est pas populaire, je pense qu'elle est populaire, la preuve, les gens qui sont présents ici, sont tous intéressés par cette discipline. Je pense que la psychanalyse est populaire, ne serait-ce qu'à travers la littérature, c'est une science, qui peut-être n'est pas développée en Algérie, mais qui parle beaucoup aux Algériens ». Et d'ajouter :
« Le problème, c'est que les gens aimeraient bien faire une analyse, mais est-ce qu'il y a des psychanalystes aujourd'hui ? ». On ne sait pas combien il y en aurait en Algérie, il y en avait un certain moment, ils sont partis en France, maintenant, ce qui serait intéressant, c'est de faire cette cartographie des psychanalystes, pour recenser les gens de la profession, les lieux de leur exercice, et comment ils recrutent leurs malades.
Le ministère de la Santé ne reconnaît pas encore aujourd'hui la psychanalyse, peut-être qu'il faut lui poser la question. Il a le devoir de permettre l'exercice de la psychanalyse en Algérie. La loi ne dit rien. La psychanalyse n'existe pas en tant que telle en Algérie. Si elle a trouvé le moyen de la pratiquer, c'est parce que, explique Faika Medjahed, « nous sommes un groupe qui exerce en tant que psychologues psychanalyses, et thérapeutes de famille, pas en tant que psychanalystes seulement, c'est-à-dire qu'on a une fonction autre que la psychanalyse mais on peut l'accoler à côté de ce que nous faisons ».
Elle dit ne pas avoir de cabinet. «je reçois des malades mais à titre, pour l'instant, informel, parce qu'il faut absolument que le ministère de la Santé puisse reconnaître cette science » qui pour elle a fait ses premiers pas en Algérie avec Frantz Fanon.
Je reçois la plupart du temps des névrosés qui se posent des questions concernant la vie, la mort, les pertes qu'ils ont eues dans leurs familles, leur devenir, il s'agit en somme de problèmes existentiels. La majorité d'entre eux sont des jeunes, certains travaillent, certains non, la consultation est déterminée en fonction du salaire de l'analysant, si c'est un étudiant, il paye une somme symbolique.
Toutes les conditions sont réunies, on a des écrivains, on a des peintres, des réalisateurs, on a tout pour qu'une psychanalyse puisse exister, il faut que la société accepte la civilisation et la promeut, il y a des signes de cette civilisation. Elle cite l'œuvre de Aïcha Kassoul qui aurait abordé des sujets très intimistes, preuve, dit-elle, qu'on est passé à une nouvelle étape. Pour Faika Medjahed, les Tunisiens et les Marocains sont en avance sur nous. Des lectures psychanalytiques du Coran y sont tentées a-t-elle soutenu.
Après des études de médecine, Faika Medjahed est passée sur le divan. Car avant d'exercer le métier, tout psychothérapeute se doit de faire sa propre analyse. Cela a pris quinze ans, chez un psychiatre-psychanalyste pied-noir Bernard Chouraqui installé alors en Algérie. J'ai mis quinze ans pour faire le tour de mes questionnements, j'ai eu la chance de tomber sur un psychanalyste qui connaît d'abord la culture algérienne, qui était du côté de la Révolution algérienne et qui voulait absolument soutenir le combat des Algériens.
Nous sommes un peuple qui passe d'un traumatisme à l'autre, d'un drame à l'autre, toutes les nations font la collection des trésors, des tableaux, des perles, des bijoux, de l'or et nous, on fait la collection des malheurs.
Notre histoire est une histoire très riche, tant qu'on ne s'approprie pas toutes les composantes d'une histoire qui ne commence pas avec l'islam, tant qu'on ne reconnaît pas qu'on est des Berbères, des Amazighs, qu'il y a une civilisation millénaire, on continuera dans ce cycle dramatique, de conflits et de guerres.
Faika Medjahed s'est laissée séduire par la psychanalyse pendant, dit-elle, « les années sans nom, les années 90 où tout le monde se faisait assassiner, où il y avait un effondrement de tout, tout le monde partait, c'était les exils, c'était vraiment des départs, les assassinats, je ne comprenais pas ce qui se passait autour de moi, et en moi.
Je me demandais qu'est-ce qui se passe et comment je pourrais me lever le matin et aller travailler. J'étais persuadée que seule une analyse peut sauver ma peau, et me permettre de continuer à exister.
C'est une période dramatique. La psychanalyse a des ennemis. Puisqu'elle ne délivre pas d'ordonnance, les entreprises pharmaceutiques orchestrent périodiquement des propagandes à son encontre, pense Faika Medjahed. Le regain de charlatanisme, la rokia, le taleb ?
« Ce n'est pas moi qui ait avancé l'idée, c'est une intervenante qui a dit qu'il y a des anthropologues français qui travaillent sur cette question. Pour les besoins de leur enquête, ils ont créé un peu partout des « cabinets » de consultation. Ces anthropologues veulent savoir si on est un peuple primitif, qui ne se soigne que par la magie. Le taleb c'est la magie, ce n'est pas de la médecine traditionnelle comme celle qu'ont les Chinois. Là c'est la sorcellerie et tout, ça veut dire qu'on est un peuple primitif pas prêt d'être moderne.»
Pour Faika Medjahed, les citoyens ne devraient pas être abusés, on n'a pas le droit de ne pas les informer qu'ils servent de cobayes. Allez faire un tour dans les hôpitaux psychiatriques, vous allez voir des chaînes interminables, les lits sont très occupés. Aujourd'hui, les gens sont dans une perte de sens incroyable, ils ne savent pas à quel saint se vouer, ils ne savent plus comment redonner sens à leur vie, et redonner sens au sens. Alors ils vont n'importe où, là on leur dit, vous allez trouver là la solution, ils y vont. L.G.


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