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«Dur, dur est notre métier !»
Entretien avec Chérif Rabah Chikh Echioukh, Régisseur Général du théâtre Mahieddine-Bachtarzi d'Alger
Publié dans Le Midi Libre le 13 - 03 - 2010

Chérif Rabah Chikh Echioukh, 38 ans, est ce qu'on appelle un homme de l'ombre, c'est-à-dire un personnage que vous ne voyez jamais sur la scène d'une pièce de théâtre alors qu'il prend une part des plus actives dans le montage du spectacle. Son rôle est aussi indispensable que celui des comédiens que vous avez sous les yeux. Le CV de Chikh Echioukh est tellement long qu'on aurait dit celui d'une personne plus âgée.
Chérif Rabah Chikh Echioukh, 38 ans, est ce qu'on appelle un homme de l'ombre, c'est-à-dire un personnage que vous ne voyez jamais sur la scène d'une pièce de théâtre alors qu'il prend une part des plus actives dans le montage du spectacle. Son rôle est aussi indispensable que celui des comédiens que vous avez sous les yeux. Le CV de Chikh Echioukh est tellement long qu'on aurait dit celui d'une personne plus âgée.
Midi Libre : Vous êtes régisseur général du théâtre Mahieddine-Bachtarzi d'Alger, en quoi consiste votre métier ?
Chérif Rabah Chikh Echioukh : Le régisseur est chargé de gérer le plateau. Pour parler simplement, disons qu'en tant que chef de ce service, il est le premier à venir chaque matin au théâtre, il doit vérifier si la salle et les tréteaux sont nettoyés, si les projecteurs et les perches du jeu de rideau sont opérationnels. Il vérifie tout ce qui concerne un plateau. Si à l'affiche figure une pièce théâtrale, il doit préparer le décor, l'éclairage bref s'assurer que tout est fin prêt pour le bon déroulement du spectacle.
C'est lui qui s'occupe des répétitions, il se concerte avec le metteur en scène, prépare la salle et le planning des répétitions ainsi que le matériel pour répéter. C'est à lui aussi qu'échoit la mission d'instaurer la discipline au sein de l'équipe. Il s'occupe également de la coordination entre les corps artistique, administratif et technique. Lors des déplacements, c'est lui qui est en charge des billets d'avion, de l'hébergement, de la restauration et du transport. Il est en contact permanent avec les comédiens, il leur indique l'heure à laquelle ils doivent répéter, etc. Je fais ce travail depuis les années 93-94.
Apparemment ce n'est pas une partie de plaisir…
C'est un métier très difficile. Même si le public a l'air de ne pas se rendre compte de notre existence, nous ne pouvons échapper au trac. Pendant les répétitions, on fait des filages pour que tout le monde sache ce qu'il va faire au moment du spectacle. Tout est minuté. A tel moment, on prévoit l'intervention de tel machiniste qui doit changer très rapidement le décor. L'un va manipuler les rideaux, l'autre déplacer un objet. C'est un travail pénible, il faut assister continuellement aux répétitions qui durent jusqu'à une ou deux heures du matin. Vous sortez de la maison à 7h du matin et vous n'y retournez que le lendemain à 2 ou 3 h du matin. Il faut veiller sur tout, c'est une très grande responsabilité.
Le régisseur doit être souple, il doit aimer le métier, avoir des connaissances, les artistes, les chanteurs, même les menuisiers, celui qui fait le plexiglas, qui vend les fleurs, les vêtements. Vous avez besoin de tout ce monde-là. Il faut connaître les gens, dénicher le bon soudeur qui puisse faire l'affaire. Si on ramène quelqu'un pour fabriquer une porte, il faut qu'il triche, on n'a pas besoin d'une véritable porte, on a besoin de quelqu'un qui sait faire un vrai décor et non pas une vraie porte.
On peut comprendre que le comédien puisse avoir le trac, mais en ce qui vous concerne, on ne comprend pas …
Si, si on a le trac. Ça se passe en direct comme à la télévision, on n'a pas le droit à l'erreur. Si un technicien fait une erreur, si le décor a bougé, ou s'il y a un problème de son, le régisseur intervient en usant de son casque de théâtre afin de remédier à la situation.
J'ai le trac parce que je suis dans le même bain. S'il y a une erreur, elle se saura en direct. Si le sonorisateur ne met pas la musique à temps, ou le bruitage qu'il faut, le comédien peut déconner. Le technicien attend la phrase que va prononcer le comédien pour mettre la musique. Si le technicien oublie, le comédien va se mettre en attente, donc on a toujours le trac. On est un théâtre classique, on joue toujours avec des projecteurs anciens. Il est vrai qu'on n'utilise pas souvent les effets spéciaux qu'on obtient avec la machine à neige, à fumigène, ou le stroboscopes, les robots lignt et les max (mélangeurs de couleur).
Il ne faut pas croire les gens qui disent qu'ils n'ont pas le trac. Même Medjoubi, Alloula, Rouiched, Keltoum, Nouria et Sissani, éprouvaient du trac avant de monter sur scène.
Lorsqu'un comédien oublie un passage, il s'en trouve toujours un collègue qui le remet sur les rails. Un métier existait pour pallier cette défaillance, celui de souffleur, qui tend aujourd'hui à disparaître car on s'est aperçu que sa présence encourage la paresse.
Quelles sont les difficultés que vous rencontrez ?
Il y a beaucoup de travail lors des festivals, on n'a pas droit au congé, il faut travailler sans interruption. Répéter, faire l'éclairage et le lendemain, on refait la même chose pour le décor d'une autre pièce. Parfois, on n'arrive pas à se concentrer à cause de la fatigue. On ne peut pas s'organiser en deux équipes, l'une qui travaille aujourd'hui et l'autre qui le remplace le lendemain pour la laisser se reposer. Il faut que tout le monde travaille.
Des fois, pour monter une pièce, on ne trouve pas la matière qu'il faut pour monter un décor, il faut se déplacer dans une autre wilaya ou à l'étranger pour se la procurer. Si vous avez besoin de masques, il vous faut des masques spéciaux. Pour la fabrique des décors, il faut une matière spéciale. Les matières ignifugées, sont introuvables en Algérie. Et pourtant, ils sont nécessaires pour éviter les incendies. Les rideaux, les pendrions, les fonds, et les frises pour cacher les projecteurs, les fauteuils et même la moquette doivent être faits avec d'une matière ignifugée et qui, en cas d'incendie, ne prennent feu qu'après 3 heures.
Pourquoi régisseur général au lieu de régisseur tout court ?
Le régisseur général a sous sa responsabilité plusieurs régisseurs. Dans chaque théâtre, il y en a plusieurs. Le régisseur général est l'aiguilleur. Chaque pièce théâtrale a sa propre régie. On ne mélange pas. C'est elle qui veille sur la pièce, du début jusqu'à la fin. De l'état de chantier jusqu'à la première ou la générale. Chaque pièce a ses propres machinistes, éclairagistes, costumiers, accessoiristes, techniciens et comédiens.
Comment vous est venue l'idée faire carrière dans le théâtre ?
J'avoue que j'avais voulu devenir d'abord journaliste, surtout journaliste au JT de 20 h. Finalement je n'ai pas pu le faire. Je n'ai pas eu mon Bac, et donc, j'ai fait des cours du soir à l'université de Bouzaréah pour préparer une licence en lettres arabes. Un jour, notre professeur nous a conseillé d'aller au TNA pour assister à une représentation théâtrale. On était en 1990, je crois. Ça a été le coup de foudre. Ça m'a vraiment enchanté, je venais de découvrir la beauté du théâtre que ce soit au niveau du spectacle ou de l'édifice.
Après les études, j'ai rejoint le Ballet national où j'ai été recruté comme aide-régisseur général. Ensuite j'ai atterri au TNA. Mais j'ai dû par la suite le quitter pour aller au Conservatoire central d'Alger. Là, j'ai occupé le poste de directeur intérimaire de 1998 à 2000, ensuite je suis revenu une nouvelle fois au TNA.
Etiez-vous suffisamment formé et avez-vous suivi une formation littéraire ?
J'ai eu la chance de suivre en 2002 un stage en France, dans le cadre de l'année de l'Algérie en France. Ziani-Chérif Ayad, alors directeur, a tenu à ce que je fasse l'apprentissage de la régie plateau et de la régie générale. En tout, j'ai fait à peu près un séjour d'une année pendant lequel j'ai eu à entreprendre un travail intense. Aujourd'hui, j'ai à mon actif 80 pièces, entre étrangères et algériennes, 5 opéras (Madame Butterfly, Riko Lito, Le Barbier de Séville, José Fantou té), j'ai oublié le nom du 5e. J'ai participé à des orchestres symphoniques étrangers et à notre orchestre symphonique dirigé, parfois, par un maestro mexicain, égyptien, italien ou français. J'ai également travaillé dans beaucoup de ballets, comme dans le grand ballet chinois, les ballets du Congo Brazzaville, japonais, coréen et espagnol. J'ai touché approximativement à tout, avec les compagnies françaises privées de théâtre, j'ai fait de la danse contemporaine comme le hip hop. J'ai fait un passage chez la compagnie des 13 Lunes avec Christophe le Maître, la compagnie de Nacéra Belaza, et au théâtre du Muselet de Châlons-en-Champagne avec Alain Vilainger. Je suis passé également par le (TNP) Théâtre national populaire Villeurbanne, le théâtre de Lyon, et par deux compagnies de danse hip hop mondialement connues : Kader Attou, coté accrorap et Mourad Merzouki, côté capi.
Êtes-vous content lorsqu'une représentation théâtrale ne nécessite pas beaucoup de décor ?
Oui bien sûr, il est vrai que le théâtre a évolué, le théâtre classique repose sur le décor. De nos jours, il s'appuie davantage sur la lumière. La lumière compte pour 50 % du spectacle, surtout si on arrive à faire une belle création de lumière qui correspond avec le thème de la pièce. Avoir peu de décors, facilite aussi notre tâche. Le transport du matériel servant pour la décoration, surtout à l'étranger, coûte énormément d'argent. Participer à un festival avec un décor lourd génère des dépenses. La tendance aujourd'hui dans le monde entier est de travailler avec un petit décor, symbolique si vous voulez, mais avec beaucoup de jeu de lumière. Les décors, on les voit surtout dans les opéras, mais dans le théâtre, c'est de plus en plus rare.
Selon vous, quel genre de théâtre les Algériens aiment-ils?
Je pense qu'ils aiment bien le genre populaire. j'ai fais une analyse, les gens chez nous raffolent du comique populaire. On a monté des pièces classiques du patrimoine universel, comme celles de Samuel Beckett, de Molière, mais ça n'a pas eu le même impact que les pièces de Rouiched. Certes «Le malade imaginaire» peut fait rire les Algériens, mais c'est le comique algérien qui les fait le plus rire. Ça renvoie leur propre image.
Comment appréciez-vous vos participations à l'étranger ?
Je crois que nos sorties ont toujours été remarquables. Que ce soit au festival de Damas, au festival du théâtre expérimental du Caire, ou bien encore au festival d'Amman en Jordanie, nous avons toujours été à la hauteur. On a ramené plusieurs médailles, mais le théâtre n'est pas beaucoup médiatisé. Ce n'est pas comme le cinéma où chaque remise de prix donne lieu à un tapage médiatique.
Donc, le théâtre est moins connu …
Oui, ici en Algérie, le point de repère pour les gens, c'est surtout le cinéma et la télévision. Dans ce domaine, on connaît le métier de script, de réalisateur, le caméraman, le cadreur, l'éclairagiste, le sonoriste, la maquilleuse. Les gens ne viennent pas vraiment au théâtre, ils ne connaissent pas vraiment le métier. On commence à peine à s'y intéresser. Les écoles et même la protection civile envoient leurs effectifs pour des visites guidées techniques.
Quelles sont les pièces que vous avez le plus aimées ?
Il y a «Nedjma» de Kateb Yacine, mise en scène par Ziani-Cherif Ayad, «Le suicidé» de Malek el Aggoune, et «L'Algérie des poètes» adapté d'un texte d'Aït Menguellat. On a pris les textes de ce chanteur qu'on a traduits en français, la mise en scène est d'Ahmed Khoudi. J'ai aussi aimé «La leçon» d'Eugène Ionesco qui a été réalisée par Ahmed Khoudi ainsi que «La répétition» de Ahmed Benguetaf.
De quoi pourriez-vous rêver ?
Le rêve peut se concrétiser à travers le projet de l'opéra promis par les Chinois. Je vois bien une scène multipli-fonctions, une salle qui sert pour le théâtre, les opéras, les danses, qui contiennent plusieurs scènes de répétition, plusieurs salles de spectacle, avec des moyens sophistiqués et de nouvelles technologies.
L. B.
Midi Libre : Vous êtes régisseur général du théâtre Mahieddine-Bachtarzi d'Alger, en quoi consiste votre métier ?
Chérif Rabah Chikh Echioukh : Le régisseur est chargé de gérer le plateau. Pour parler simplement, disons qu'en tant que chef de ce service, il est le premier à venir chaque matin au théâtre, il doit vérifier si la salle et les tréteaux sont nettoyés, si les projecteurs et les perches du jeu de rideau sont opérationnels. Il vérifie tout ce qui concerne un plateau. Si à l'affiche figure une pièce théâtrale, il doit préparer le décor, l'éclairage bref s'assurer que tout est fin prêt pour le bon déroulement du spectacle.
C'est lui qui s'occupe des répétitions, il se concerte avec le metteur en scène, prépare la salle et le planning des répétitions ainsi que le matériel pour répéter. C'est à lui aussi qu'échoit la mission d'instaurer la discipline au sein de l'équipe. Il s'occupe également de la coordination entre les corps artistique, administratif et technique. Lors des déplacements, c'est lui qui est en charge des billets d'avion, de l'hébergement, de la restauration et du transport. Il est en contact permanent avec les comédiens, il leur indique l'heure à laquelle ils doivent répéter, etc. Je fais ce travail depuis les années 93-94.
Apparemment ce n'est pas une partie de plaisir…
C'est un métier très difficile. Même si le public a l'air de ne pas se rendre compte de notre existence, nous ne pouvons échapper au trac. Pendant les répétitions, on fait des filages pour que tout le monde sache ce qu'il va faire au moment du spectacle. Tout est minuté. A tel moment, on prévoit l'intervention de tel machiniste qui doit changer très rapidement le décor. L'un va manipuler les rideaux, l'autre déplacer un objet. C'est un travail pénible, il faut assister continuellement aux répétitions qui durent jusqu'à une ou deux heures du matin. Vous sortez de la maison à 7h du matin et vous n'y retournez que le lendemain à 2 ou 3 h du matin. Il faut veiller sur tout, c'est une très grande responsabilité.
Le régisseur doit être souple, il doit aimer le métier, avoir des connaissances, les artistes, les chanteurs, même les menuisiers, celui qui fait le plexiglas, qui vend les fleurs, les vêtements. Vous avez besoin de tout ce monde-là. Il faut connaître les gens, dénicher le bon soudeur qui puisse faire l'affaire. Si on ramène quelqu'un pour fabriquer une porte, il faut qu'il triche, on n'a pas besoin d'une véritable porte, on a besoin de quelqu'un qui sait faire un vrai décor et non pas une vraie porte.
On peut comprendre que le comédien puisse avoir le trac, mais en ce qui vous concerne, on ne comprend pas …
Si, si on a le trac. Ça se passe en direct comme à la télévision, on n'a pas le droit à l'erreur. Si un technicien fait une erreur, si le décor a bougé, ou s'il y a un problème de son, le régisseur intervient en usant de son casque de théâtre afin de remédier à la situation.
J'ai le trac parce que je suis dans le même bain. S'il y a une erreur, elle se saura en direct. Si le sonorisateur ne met pas la musique à temps, ou le bruitage qu'il faut, le comédien peut déconner. Le technicien attend la phrase que va prononcer le comédien pour mettre la musique. Si le technicien oublie, le comédien va se mettre en attente, donc on a toujours le trac. On est un théâtre classique, on joue toujours avec des projecteurs anciens. Il est vrai qu'on n'utilise pas souvent les effets spéciaux qu'on obtient avec la machine à neige, à fumigène, ou le stroboscopes, les robots lignt et les max (mélangeurs de couleur).
Il ne faut pas croire les gens qui disent qu'ils n'ont pas le trac. Même Medjoubi, Alloula, Rouiched, Keltoum, Nouria et Sissani, éprouvaient du trac avant de monter sur scène.
Lorsqu'un comédien oublie un passage, il s'en trouve toujours un collègue qui le remet sur les rails. Un métier existait pour pallier cette défaillance, celui de souffleur, qui tend aujourd'hui à disparaître car on s'est aperçu que sa présence encourage la paresse.
Quelles sont les difficultés que vous rencontrez ?
Il y a beaucoup de travail lors des festivals, on n'a pas droit au congé, il faut travailler sans interruption. Répéter, faire l'éclairage et le lendemain, on refait la même chose pour le décor d'une autre pièce. Parfois, on n'arrive pas à se concentrer à cause de la fatigue. On ne peut pas s'organiser en deux équipes, l'une qui travaille aujourd'hui et l'autre qui le remplace le lendemain pour la laisser se reposer. Il faut que tout le monde travaille.
Des fois, pour monter une pièce, on ne trouve pas la matière qu'il faut pour monter un décor, il faut se déplacer dans une autre wilaya ou à l'étranger pour se la procurer. Si vous avez besoin de masques, il vous faut des masques spéciaux. Pour la fabrique des décors, il faut une matière spéciale. Les matières ignifugées, sont introuvables en Algérie. Et pourtant, ils sont nécessaires pour éviter les incendies. Les rideaux, les pendrions, les fonds, et les frises pour cacher les projecteurs, les fauteuils et même la moquette doivent être faits avec d'une matière ignifugée et qui, en cas d'incendie, ne prennent feu qu'après 3 heures.
Pourquoi régisseur général au lieu de régisseur tout court ?
Le régisseur général a sous sa responsabilité plusieurs régisseurs. Dans chaque théâtre, il y en a plusieurs. Le régisseur général est l'aiguilleur. Chaque pièce théâtrale a sa propre régie. On ne mélange pas. C'est elle qui veille sur la pièce, du début jusqu'à la fin. De l'état de chantier jusqu'à la première ou la générale. Chaque pièce a ses propres machinistes, éclairagistes, costumiers, accessoiristes, techniciens et comédiens.
Comment vous est venue l'idée faire carrière dans le théâtre ?
J'avoue que j'avais voulu devenir d'abord journaliste, surtout journaliste au JT de 20 h. Finalement je n'ai pas pu le faire. Je n'ai pas eu mon Bac, et donc, j'ai fait des cours du soir à l'université de Bouzaréah pour préparer une licence en lettres arabes. Un jour, notre professeur nous a conseillé d'aller au TNA pour assister à une représentation théâtrale. On était en 1990, je crois. Ça a été le coup de foudre. Ça m'a vraiment enchanté, je venais de découvrir la beauté du théâtre que ce soit au niveau du spectacle ou de l'édifice.
Après les études, j'ai rejoint le Ballet national où j'ai été recruté comme aide-régisseur général. Ensuite j'ai atterri au TNA. Mais j'ai dû par la suite le quitter pour aller au Conservatoire central d'Alger. Là, j'ai occupé le poste de directeur intérimaire de 1998 à 2000, ensuite je suis revenu une nouvelle fois au TNA.
Etiez-vous suffisamment formé et avez-vous suivi une formation littéraire ?
J'ai eu la chance de suivre en 2002 un stage en France, dans le cadre de l'année de l'Algérie en France. Ziani-Chérif Ayad, alors directeur, a tenu à ce que je fasse l'apprentissage de la régie plateau et de la régie générale. En tout, j'ai fait à peu près un séjour d'une année pendant lequel j'ai eu à entreprendre un travail intense. Aujourd'hui, j'ai à mon actif 80 pièces, entre étrangères et algériennes, 5 opéras (Madame Butterfly, Riko Lito, Le Barbier de Séville, José Fantou té), j'ai oublié le nom du 5e. J'ai participé à des orchestres symphoniques étrangers et à notre orchestre symphonique dirigé, parfois, par un maestro mexicain, égyptien, italien ou français. J'ai également travaillé dans beaucoup de ballets, comme dans le grand ballet chinois, les ballets du Congo Brazzaville, japonais, coréen et espagnol. J'ai touché approximativement à tout, avec les compagnies françaises privées de théâtre, j'ai fait de la danse contemporaine comme le hip hop. J'ai fait un passage chez la compagnie des 13 Lunes avec Christophe le Maître, la compagnie de Nacéra Belaza, et au théâtre du Muselet de Châlons-en-Champagne avec Alain Vilainger. Je suis passé également par le (TNP) Théâtre national populaire Villeurbanne, le théâtre de Lyon, et par deux compagnies de danse hip hop mondialement connues : Kader Attou, coté accrorap et Mourad Merzouki, côté capi.
Êtes-vous content lorsqu'une représentation théâtrale ne nécessite pas beaucoup de décor ?
Oui bien sûr, il est vrai que le théâtre a évolué, le théâtre classique repose sur le décor. De nos jours, il s'appuie davantage sur la lumière. La lumière compte pour 50 % du spectacle, surtout si on arrive à faire une belle création de lumière qui correspond avec le thème de la pièce. Avoir peu de décors, facilite aussi notre tâche. Le transport du matériel servant pour la décoration, surtout à l'étranger, coûte énormément d'argent. Participer à un festival avec un décor lourd génère des dépenses. La tendance aujourd'hui dans le monde entier est de travailler avec un petit décor, symbolique si vous voulez, mais avec beaucoup de jeu de lumière. Les décors, on les voit surtout dans les opéras, mais dans le théâtre, c'est de plus en plus rare.
Selon vous, quel genre de théâtre les Algériens aiment-ils?
Je pense qu'ils aiment bien le genre populaire. j'ai fais une analyse, les gens chez nous raffolent du comique populaire. On a monté des pièces classiques du patrimoine universel, comme celles de Samuel Beckett, de Molière, mais ça n'a pas eu le même impact que les pièces de Rouiched. Certes «Le malade imaginaire» peut fait rire les Algériens, mais c'est le comique algérien qui les fait le plus rire. Ça renvoie leur propre image.
Comment appréciez-vous vos participations à l'étranger ?
Je crois que nos sorties ont toujours été remarquables. Que ce soit au festival de Damas, au festival du théâtre expérimental du Caire, ou bien encore au festival d'Amman en Jordanie, nous avons toujours été à la hauteur. On a ramené plusieurs médailles, mais le théâtre n'est pas beaucoup médiatisé. Ce n'est pas comme le cinéma où chaque remise de prix donne lieu à un tapage médiatique.
Donc, le théâtre est moins connu …
Oui, ici en Algérie, le point de repère pour les gens, c'est surtout le cinéma et la télévision. Dans ce domaine, on connaît le métier de script, de réalisateur, le caméraman, le cadreur, l'éclairagiste, le sonoriste, la maquilleuse. Les gens ne viennent pas vraiment au théâtre, ils ne connaissent pas vraiment le métier. On commence à peine à s'y intéresser. Les écoles et même la protection civile envoient leurs effectifs pour des visites guidées techniques.
Quelles sont les pièces que vous avez le plus aimées ?
Il y a «Nedjma» de Kateb Yacine, mise en scène par Ziani-Cherif Ayad, «Le suicidé» de Malek el Aggoune, et «L'Algérie des poètes» adapté d'un texte d'Aït Menguellat. On a pris les textes de ce chanteur qu'on a traduits en français, la mise en scène est d'Ahmed Khoudi. J'ai aussi aimé «La leçon» d'Eugène Ionesco qui a été réalisée par Ahmed Khoudi ainsi que «La répétition» de Ahmed Benguetaf.
De quoi pourriez-vous rêver ?
Le rêve peut se concrétiser à travers le projet de l'opéra promis par les Chinois. Je vois bien une scène multipli-fonctions, une salle qui sert pour le théâtre, les opéras, les danses, qui contiennent plusieurs scènes de répétition, plusieurs salles de spectacle, avec des moyens sophistiqués et de nouvelles technologies.
L. B.


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