La production nationale en progression    L'Algérie achète environ 500.000 tonnes de blé dur    La JSS co-dauhpin, l'USMK marque le pas    Plus de 70 exposants à la 23e édition    Entre tensions et dialogues : quel avenir avec Macron?    Offensive du M23    La guerre embrase la région    Cahotant dilemme de l'existence chaotique    Le retour des pluies, l'occasion de dévoiler les défauts liés au cadre de vie    Dix-huit spectacles en compétition    Le doyen des ophtalmologistes, le docteur Nour Eddine Kessal tire sa révérence    L'Algérie appelle la France à reconnaître officiellement ses crimes    TECNO déploie une expérience fan immersive    Verts : Ils jouent sur l'émotion, l'identification aux couleurs...    Les Verts déjà tournés vers le Burkina Faso    Adoption de la loi organique portant statut de la magistrature    Ouverture officielle du camp «Arts des jeunes» à Taghit    Hidaoui préside l'ouverture de la 17e édition    Programme TV du 4 novembre 2025 : Coupes et Championnats – Heures et chaînes    Programme TV du samedi 25 octobre 2025 : Ligue 1, Bundesliga, CAF et championnats étrangers – Heures et chaînes    Programme TV du 24 octobre 2025 : Ligue 2, Ligue 1, Serie A, Pro League – Heures et chaînes    Festival international du Malouf: fusion musicale syrienne et russe à la 4e soirée    Adhésion de l'Algérie à l'AIPA en tant que membre observateur unique: le Parlement arabe félicite l'APN    Industrie pharmaceutique : nécessité de redoubler d'efforts pour intégrer l'innovation et la numérisation dans les systèmes de santé nationaux    Conseil de sécurité : début de la réunion de haut niveau sur la question palestinienne et la situation au Moyen-Orient    Examen de validation de niveau pour les diplômés des écoles coraniques et des Zaouïas mercredi et jeudi    APN : la Commission de la santé à l'écoute des préoccupations des associations et parents des "Enfants de la lune"    Réunion de haut niveau du Conseil de sécurité sur la question palestinienne et la situation au Moyen-Orient    Boudjemaa reçoit le SG de la HCCH et le président de l'UIHJ    Athlétisme / Mondial 2025 : "Je suis heureux de ma médaille d'argent et mon objectif demeure l'or aux JO 2028"    Ligne minière Est : Djellaoui souligne l'importance de la coordination entre les entreprises de réalisation    Mme Bendouda appelle les conteurs à contribuer à la transmission du patrimoine oral algérien aux générations montantes    CREA : clôture de l'initiative de distribution de fournitures scolaires aux familles nécessiteuses    Poursuite du suivi et de l'évaluation des programmes d'investissement public dans le secteur de la Jeunesse    Agression sioniste contre Ghaza : le bilan s'alourdit à 65.382 martyrs et 166.985 blessés    La ministre de la Culture préside deux réunions consacrées à l'examen de l'état du cinéma algérien    Le Général d'Armée Chanegriha reçoit le Directeur du Service fédéral pour la coopération militaire et technique de la Fédération de Russie    Foot/ Coupe arabe Fifa 2025 (préparation) : Algérie- Palestine en amical les 9 et 13 octobre à Annaba    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Quand se souviennent les rescapés du massacre
«Dhikra tmenia may 1945» de Meriem Hamidat
Publié dans Le Midi Libre le 30 - 10 - 2007

Tour à tour, montagnards, paysans, personnalités politiques et simples citoyens racontent avec très peu de mots et un débit torturé, comme ponctué de larmes figées, ces journées de détresse souvent suivies d'années d'emprisonnement et de famine.
Tour à tour, montagnards, paysans, personnalités politiques et simples citoyens racontent avec très peu de mots et un débit torturé, comme ponctué de larmes figées, ces journées de détresse souvent suivies d'années d'emprisonnement et de famine.
Dimanche à la salle Ibn-Zeydoun de l'OREF, le film-documentaire réalisé par Mariem Hamidat et produit par Boualem Ziani a replongé les spectateurs dans les affres d'une semaine de massacres massifs perpétrés par l'armée française secondée par des civils organisés en milices dans la région de Sétif, Guelma et Kherrata. Restitués par ceux qui y ont survécu, les témoignages révèlent de la IVe République de René Coty un visage fasciste qui a surpris les Algériens. Auréolés de la victoire, contre l'Allemagne nazie, à laquelle ils avaient puissamment contribué, les indigènes pensaient partager la liesse de l'armistice et en recueillir les fruits pour leur propre libération. Or beaucoup de soldats algériens ne sont rentrés du front que pour retrouver les membres de leurs familles, sous une couche de chaux vive, enterrés en vrac au hasard des fosses communes et des charniers. Tour à tour, montagnards, paysans, personnalités politiques et simples citoyens racontent avec très peu de mots et un débit torturé, comme ponctué de larmes figées, ces journées de détresse souvent suivies d'année d'emprisonnement et de famine. Des journées qu'ils sont unanimes à considérer comme le ferment du Premier Novembre 1954. Selon les dires de deux témoins, ce rôle révolutionnaire précurseur des journées de mai, avait été parfaitement saisi par un colon français nommé «Louizou». «En voyant le massacre, il s'est écrié en direction des siens : cela ne sera jamais, au grand jamais oublié ! Les conséquences vont en être terribles !» se souviennent deux paysans sétifiens qui ajoutent que ce colon perspicace a ensuite fait ses bagages et quitté l'Algérie. La caméra se meut à travers les grands paysages limpides de Kherrata, Melbou, Sétif et ses Hauts-Plateaux comme pour nous rappeler la richesse et la somptuosité d'une région qui a traditionnellement été l'objet d'une convoitise millénaire. Le film commence par l'évocation des manifestations pacifiques des scouts dans la ville de Sétif. «Dans l'allégresse, les Louveteaux suivis par les Eclaireurs s'avançaient dans un ordre parfait, le drapeau frappé du croissant et de l'étoile en tête (…) Organisée par Abdelkader Yala, la marche mobilisait au moins 100.000 personnes...» raconte un témoin. Arrivés devant le lycée de garçons, les marcheurs se rendent compte que les fenêtres se ferment à grand fracas. Un jeune homme nommé Saâd Bouzid se saisit du drapeau, il est abattu sur place avec un autre jeune nommé El-Gouffi. «La sûreté, la police, les gendarmes chargent la foule qui se disperse…». Hadj Bela se rappelle les bouquets de fleurs en tête de cortège, puis l'arrestation, les tortures, les quatre jours sans manger, le chahid Zaaboub Saïd, réduit à l'état de loque humaine par les tortures et qui rend l'âme à minuit. Les récits se suivent, narrant l'horreur qui s'accentue les jours suivants. La fuite des montagnards qui, après un début d'insurrection, fuient la répression sanglante en se cachant 6 jours dans les forêts des hauteurs de Amoucha. La ruse des gardes champêtres et des gardes forestiers aidés par les caïds qui les rappellent en leur disant : «La France vous accorde enfin l'indépendance, revenez...» Les villageois crédules sont regroupés sur les places publiques et massacrés jusqu'au dernier par l'armée aidée de civils. Hallucinant est le témoignage d'un citoyen qui, de 1945 à 1962, est resté 17 ans en prison. Il décrit la condition carcérale faite de typhus et de famine. «Au lieu de réciter la chahada, un prisonnier est mort en disant : el-khobz, el-khobz…» Landrew Paulin, un journaliste américain décrit le massacre à Kherrata : "Les villages incendiés, les cadavres entassés dans les gorges..» Egalement interrogé, Bachir Boumaza, qui a été touché de plein fouet par le massacre alors qu'il était âgé de 18 ans, déclare : «Cette cicatrice ne s'efface pas. Mais en dehors de la matérialité des choses, il faut en tirer les enseignements. Ce massacre n'a pas été perpétré par un gouvernement réactionnaire français, mais par celui qui est né de la Résistance. Maurice Thorez en était le vice-président et Charles Tillion, ministre de la Défense... C'est ce gouvernement d'unité nationale qui a fait cela…» Le mot populaire «Fascista» pour décrire cette attitude des autorités françaises et l'expression «Thaoura moderne» pour parler du combat libérateur reviennent à plusieurs reprises dans la bouche des paysans. La chanson sétifienne «L'avion jaune» qui clôture le film à l'heure du générique a cloué sur leurs fauteuils les spectateurs émus. Cette initiative est assurément à généraliser avant que ne s'éteignent tous les témoins de cette tragédie qui a une valeur fondatrice incontournable dans la lutte émancipatrice du peuple algérien. Un film qui illustre ce vers d'un poète sud-américain à propos d'une victime de la dictature au Chili : «Ce n'est pas ton cadavre que l'on enfouissait sous la terre mais une graine précieuse pour l'avenir.»
Dimanche à la salle Ibn-Zeydoun de l'OREF, le film-documentaire réalisé par Mariem Hamidat et produit par Boualem Ziani a replongé les spectateurs dans les affres d'une semaine de massacres massifs perpétrés par l'armée française secondée par des civils organisés en milices dans la région de Sétif, Guelma et Kherrata. Restitués par ceux qui y ont survécu, les témoignages révèlent de la IVe République de René Coty un visage fasciste qui a surpris les Algériens. Auréolés de la victoire, contre l'Allemagne nazie, à laquelle ils avaient puissamment contribué, les indigènes pensaient partager la liesse de l'armistice et en recueillir les fruits pour leur propre libération. Or beaucoup de soldats algériens ne sont rentrés du front que pour retrouver les membres de leurs familles, sous une couche de chaux vive, enterrés en vrac au hasard des fosses communes et des charniers. Tour à tour, montagnards, paysans, personnalités politiques et simples citoyens racontent avec très peu de mots et un débit torturé, comme ponctué de larmes figées, ces journées de détresse souvent suivies d'année d'emprisonnement et de famine. Des journées qu'ils sont unanimes à considérer comme le ferment du Premier Novembre 1954. Selon les dires de deux témoins, ce rôle révolutionnaire précurseur des journées de mai, avait été parfaitement saisi par un colon français nommé «Louizou». «En voyant le massacre, il s'est écrié en direction des siens : cela ne sera jamais, au grand jamais oublié ! Les conséquences vont en être terribles !» se souviennent deux paysans sétifiens qui ajoutent que ce colon perspicace a ensuite fait ses bagages et quitté l'Algérie. La caméra se meut à travers les grands paysages limpides de Kherrata, Melbou, Sétif et ses Hauts-Plateaux comme pour nous rappeler la richesse et la somptuosité d'une région qui a traditionnellement été l'objet d'une convoitise millénaire. Le film commence par l'évocation des manifestations pacifiques des scouts dans la ville de Sétif. «Dans l'allégresse, les Louveteaux suivis par les Eclaireurs s'avançaient dans un ordre parfait, le drapeau frappé du croissant et de l'étoile en tête (…) Organisée par Abdelkader Yala, la marche mobilisait au moins 100.000 personnes...» raconte un témoin. Arrivés devant le lycée de garçons, les marcheurs se rendent compte que les fenêtres se ferment à grand fracas. Un jeune homme nommé Saâd Bouzid se saisit du drapeau, il est abattu sur place avec un autre jeune nommé El-Gouffi. «La sûreté, la police, les gendarmes chargent la foule qui se disperse…». Hadj Bela se rappelle les bouquets de fleurs en tête de cortège, puis l'arrestation, les tortures, les quatre jours sans manger, le chahid Zaaboub Saïd, réduit à l'état de loque humaine par les tortures et qui rend l'âme à minuit. Les récits se suivent, narrant l'horreur qui s'accentue les jours suivants. La fuite des montagnards qui, après un début d'insurrection, fuient la répression sanglante en se cachant 6 jours dans les forêts des hauteurs de Amoucha. La ruse des gardes champêtres et des gardes forestiers aidés par les caïds qui les rappellent en leur disant : «La France vous accorde enfin l'indépendance, revenez...» Les villageois crédules sont regroupés sur les places publiques et massacrés jusqu'au dernier par l'armée aidée de civils. Hallucinant est le témoignage d'un citoyen qui, de 1945 à 1962, est resté 17 ans en prison. Il décrit la condition carcérale faite de typhus et de famine. «Au lieu de réciter la chahada, un prisonnier est mort en disant : el-khobz, el-khobz…» Landrew Paulin, un journaliste américain décrit le massacre à Kherrata : "Les villages incendiés, les cadavres entassés dans les gorges..» Egalement interrogé, Bachir Boumaza, qui a été touché de plein fouet par le massacre alors qu'il était âgé de 18 ans, déclare : «Cette cicatrice ne s'efface pas. Mais en dehors de la matérialité des choses, il faut en tirer les enseignements. Ce massacre n'a pas été perpétré par un gouvernement réactionnaire français, mais par celui qui est né de la Résistance. Maurice Thorez en était le vice-président et Charles Tillion, ministre de la Défense... C'est ce gouvernement d'unité nationale qui a fait cela…» Le mot populaire «Fascista» pour décrire cette attitude des autorités françaises et l'expression «Thaoura moderne» pour parler du combat libérateur reviennent à plusieurs reprises dans la bouche des paysans. La chanson sétifienne «L'avion jaune» qui clôture le film à l'heure du générique a cloué sur leurs fauteuils les spectateurs émus. Cette initiative est assurément à généraliser avant que ne s'éteignent tous les témoins de cette tragédie qui a une valeur fondatrice incontournable dans la lutte émancipatrice du peuple algérien. Un film qui illustre ce vers d'un poète sud-américain à propos d'une victime de la dictature au Chili : «Ce n'est pas ton cadavre que l'on enfouissait sous la terre mais une graine précieuse pour l'avenir.»


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.