Aéroport international d'Alger: intégration des technologies de l'IA à compter de décembre prochain    Violations des droits de l'homme au Sahara occidental occupé : Elghalia Djimi livre un témoignage saisissant devant le Conseil de l'ONU à Genève    Nasri reçoit l'Ambassadeur de la République Islamique d'Iran en Algérie    Le président de la République nomme les membres du nouveau gouvernement    ِChargé par le président de la République, M. Attaf à Doha pour participer au sommet arabo-islamique d'urgence    Ouverture de la session parlementaire : Boughali préside une réunion préparatoire avec les présidents des groupes parlementaires    Premier ministre : le président de la République a donné des instructions pour être au service des citoyens et promouvoir l'économie nationale    Gymnastique/World Challenge Cup : l'Algérienne Kaylia Nemour en or, aux barres asymétriques    Djamel Allam, un artiste aux multiples talents    Cause palestinienne : Boughali se félicite de l'adoption par l'Assemblée générale des Nations unies de la Déclaration de New York sur la solution à deux Etats    Hidaoui visite le camp de formation des jeunes médiateurs pour la prévention de la toxicomanie à Alger    Agression sioniste contre Ghaza : le bilan s'alourdit à 64.871 martyrs et 164.610 blessés    Programme de financement des projets associatifs dédiés à la jeunesse pour l'exercice 2025 : 81 projets sélectionnés    Pluies orageuses sur plusieurs wilayas du Sud du pays    Hand/CAN (U19 féminin): un niveau technique "très acceptable"    Séisme de 3,6 degrés à l'est de Larba, dans la wilaya de Blida    Tout pour une bonne rentrée des classes    L'expérience législative algérienne saluée à Lima    «L'organisation à Alger de l'IATF-2025 est le prologue d'une nouvelle Afrique»    L'OM nouvelle formule se reprend contre Lorient    Basket 3×3 : Les Algériennes en stage à Fouka    Ligue 1 (4e journée) Le MCA démarre fort à Akbou, la JSK déçoit    Le centre de télé-conduite des réseaux de distribution d'électricité, un levier stratégique pour améliorer la qualité de service    Un sommet le 22 septembre    La famine bat son plein    Des ONG dénoncent la désinformation à propos de la position de l'Algérie envers la cause palestinienne    Une personne fait une chute mortelle du premier étage à Oued Rhiou    Vol de 150 millions de centimes, 5 arrestations à Yellel    Lancement à Alger des activités du camp de jeunes destiné aux personnes aux besoins spécifiques    Hommage aux lauréats algériens des concours    Clôture à Alger des travaux de l'atelier de formation internationale    Dix projets concourent aux «Journées de l'Industrie cinématographique»    Macron parachève le processus de remilitarisation de la France    13e Festival international de la danse contemporaine: huit pays à l'affiche, la Palestine invitée d'honneur    Ligue 1 Mobilis: le MC Alger impose sa loi, le MC Oran nouveau co-leader    Intérêt accru pour l'action participative    Programme TV - match du mercredi 29 août 2025    Programme du mercredi 27 août 2025    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Une fable guerrière
«Allah n'est pas obligé» d'Ahmadou Kourouma
Publié dans Le Midi Libre le 09 - 12 - 2007

Dans l'art, il y a des paradoxes qui nous laissent pantois et enchanteur à la fois. Néanmoins, il faut dire aussi que le paradoxe est le propre de la littérature. En effet, manier les contradictions, jouer avec les nuances et travestir les différences est l'essence même de l'écriture.
Ahmadou Kourouma est probablement l'auteur africain le plus paradoxal. En réalité, s'il est toujours considéré comme l'un des plus grands écrivains africains de langue française, Ahmadou Kourouma a peu écrit. Mais quels livres ! Quatre ouvrages en plume majeure auront marqué toute une génération d'écrivains et de lecteurs. Et sont aujourd'hui enseignés dans les universités d'Afrique, d'Amérique et d'Europe.
Il sort donc sa première œuvre, Les Soleils des indépendances en 1970, il a alors 44 ans. Un livre-rupture qui détonne et rompt avec le style très classique des auteurs africains de l'époque et leurs thèmes de prédilection (l'esclavage, le colonialisme...). Kourouma, lui, choisit de porter un regard très critique sur les gouvernements issus des indépendances. Il traduit le malinké, sa langue natale, en français et casse la langue française afin de restituer le rythme africain.
Depuis, il fallait attendre jusqu'en 1990 pour lire comment dans Monnè, outrages et défis, Ahmadou Kourouma récapitule un siècle d'histoire coloniale. 8 ans, plus tard, il livre une satire féroce de trois décennies de régimes totalitaires, largement inspirée du parcours du chef de l'Etat togolais Gnassingbé Eyadéma, En attendant le vote des bêtes sauvages. Enfin, en 2000, dans ‘'Allah n'est pas obligé'' (prix Renaudot), il s'attaque aux conditions de vie des enfants-soldats. Ahmadou Kourouma a laissé aussi une pièce de théâtre, Le diseur de vérité et une demi-douzaine de romans pour enfants.
Allah n'est pas obligé est avant tout une fable guerrière aux pays des guerres tribales. Errance d'un Oliver Twist africain à travers les républiques bananières devenues folles. La kalachnikov et la drogue en plus.
Le personnage central est un enfant qui s'appelle Birahima. Il est né en Guinée, un «foutu pays» comme toutes ces nations «foutues» et «corrompues» , comme «la Côte d'Ivoire, la Gambie, la Sierra Leone et le Sénégal, etc.». Comme des centaines de gosses éperonnés par la misère, il a rejoint les rangs d'enfant soldat au Liberia et en Sierra Leone en proie aux déchirements des guerres tribales. Muni du dictionnaire Larousse, du Petit Robert (pour être compris «des nègres noirs africains indigènes»), de l'Inventaire des particularités lexicales «du français d'Afrique» (à l'attention des «toubabs», blancs «colons colonialistes»), du Harrap's (pour les pidgin -anglophones), Birahima nous raconte l'enfer de son errance, parmi les différentes factions auxquelles il a appartenu.
En empruntant le regard du small-soldier, pour ce livre «Allah n'est pas obligé», l'écrivain ivoirien, Ahmadou Kourouma, a livré un regard lucide sur les mécanismes qui ont amené l'Afrique à jeter ses enfants dans le maelstrom sanglant des guerres civiles.
Ce qui est encore plus touchant dans ce récit, c'est qu'on ne rencontre, au fur et à mesure de la lecture, ni pleurnicheries, ni bons sentiments, car la drôlerie arrive à tutoyer l'atrocité comme une bonne vieille copine. Cependant, Birahima est loin d'être un ange. Bien au contraire, le gosse a «tué beaucoup de gens avec kalachnikov».
Birahima est «insolent, incorrect comme barbe d'un bouc et parle comme un salopard». Ainsi, dans une verve détonante comme une rafale de mitraillette, il ponctue ses phrases de jurons malinkés. D'autre part, Birahima a vieilli trop vite. Il est devenu lucide au contact des différents chefs de guerre.
Que ce soit le Colonel Papa le bon, lieutenant de Charles Taylor, Omika la loyaliste de l'ULIMO ou Prince Johnson, pas un de ces seigneurs de la guerre libériens qui n'échappe au prisme impitoyable de ce regard d'enfant. Tous plus pourris qu'un chef de cartel. Tous plus dérangés qu'un gourou sous LSD. Tous plus sanguinaires qu'une bande de lycaons. Lucides encore, ces «small soldiers» qui les abandonnent sans vergogne dès que le vent tourne. Tous savent qu'ils ne sont que les pions d'un jeu cruel où les rivalités régionales cachent les intérêts bien compris des grandes puissances.
Et c'est cette misère morale que pointe l'écrivain ivoirien au-delà de la litanie usée du fracas des armes et des chairs broyées. Cette misère innommable nous interroge sur l'avenir d'un continent aux mains d'une génération sacrifiée, nourrie à l'écuelle du désespoir, de la folie et de la force brute. Finalement, tout cela est injuste. Mais que voulez-vous? Allah n'est pas obligé de l'être aussi dans ce bas monde.
Dans l'art, il y a des paradoxes qui nous laissent pantois et enchanteur à la fois. Néanmoins, il faut dire aussi que le paradoxe est le propre de la littérature. En effet, manier les contradictions, jouer avec les nuances et travestir les différences est l'essence même de l'écriture.
Ahmadou Kourouma est probablement l'auteur africain le plus paradoxal. En réalité, s'il est toujours considéré comme l'un des plus grands écrivains africains de langue française, Ahmadou Kourouma a peu écrit. Mais quels livres ! Quatre ouvrages en plume majeure auront marqué toute une génération d'écrivains et de lecteurs. Et sont aujourd'hui enseignés dans les universités d'Afrique, d'Amérique et d'Europe.
Il sort donc sa première œuvre, Les Soleils des indépendances en 1970, il a alors 44 ans. Un livre-rupture qui détonne et rompt avec le style très classique des auteurs africains de l'époque et leurs thèmes de prédilection (l'esclavage, le colonialisme...). Kourouma, lui, choisit de porter un regard très critique sur les gouvernements issus des indépendances. Il traduit le malinké, sa langue natale, en français et casse la langue française afin de restituer le rythme africain.
Depuis, il fallait attendre jusqu'en 1990 pour lire comment dans Monnè, outrages et défis, Ahmadou Kourouma récapitule un siècle d'histoire coloniale. 8 ans, plus tard, il livre une satire féroce de trois décennies de régimes totalitaires, largement inspirée du parcours du chef de l'Etat togolais Gnassingbé Eyadéma, En attendant le vote des bêtes sauvages. Enfin, en 2000, dans ‘'Allah n'est pas obligé'' (prix Renaudot), il s'attaque aux conditions de vie des enfants-soldats. Ahmadou Kourouma a laissé aussi une pièce de théâtre, Le diseur de vérité et une demi-douzaine de romans pour enfants.
Allah n'est pas obligé est avant tout une fable guerrière aux pays des guerres tribales. Errance d'un Oliver Twist africain à travers les républiques bananières devenues folles. La kalachnikov et la drogue en plus.
Le personnage central est un enfant qui s'appelle Birahima. Il est né en Guinée, un «foutu pays» comme toutes ces nations «foutues» et «corrompues» , comme «la Côte d'Ivoire, la Gambie, la Sierra Leone et le Sénégal, etc.». Comme des centaines de gosses éperonnés par la misère, il a rejoint les rangs d'enfant soldat au Liberia et en Sierra Leone en proie aux déchirements des guerres tribales. Muni du dictionnaire Larousse, du Petit Robert (pour être compris «des nègres noirs africains indigènes»), de l'Inventaire des particularités lexicales «du français d'Afrique» (à l'attention des «toubabs», blancs «colons colonialistes»), du Harrap's (pour les pidgin -anglophones), Birahima nous raconte l'enfer de son errance, parmi les différentes factions auxquelles il a appartenu.
En empruntant le regard du small-soldier, pour ce livre «Allah n'est pas obligé», l'écrivain ivoirien, Ahmadou Kourouma, a livré un regard lucide sur les mécanismes qui ont amené l'Afrique à jeter ses enfants dans le maelstrom sanglant des guerres civiles.
Ce qui est encore plus touchant dans ce récit, c'est qu'on ne rencontre, au fur et à mesure de la lecture, ni pleurnicheries, ni bons sentiments, car la drôlerie arrive à tutoyer l'atrocité comme une bonne vieille copine. Cependant, Birahima est loin d'être un ange. Bien au contraire, le gosse a «tué beaucoup de gens avec kalachnikov».
Birahima est «insolent, incorrect comme barbe d'un bouc et parle comme un salopard». Ainsi, dans une verve détonante comme une rafale de mitraillette, il ponctue ses phrases de jurons malinkés. D'autre part, Birahima a vieilli trop vite. Il est devenu lucide au contact des différents chefs de guerre.
Que ce soit le Colonel Papa le bon, lieutenant de Charles Taylor, Omika la loyaliste de l'ULIMO ou Prince Johnson, pas un de ces seigneurs de la guerre libériens qui n'échappe au prisme impitoyable de ce regard d'enfant. Tous plus pourris qu'un chef de cartel. Tous plus dérangés qu'un gourou sous LSD. Tous plus sanguinaires qu'une bande de lycaons. Lucides encore, ces «small soldiers» qui les abandonnent sans vergogne dès que le vent tourne. Tous savent qu'ils ne sont que les pions d'un jeu cruel où les rivalités régionales cachent les intérêts bien compris des grandes puissances.
Et c'est cette misère morale que pointe l'écrivain ivoirien au-delà de la litanie usée du fracas des armes et des chairs broyées. Cette misère innommable nous interroge sur l'avenir d'un continent aux mains d'une génération sacrifiée, nourrie à l'écuelle du désespoir, de la folie et de la force brute. Finalement, tout cela est injuste. Mais que voulez-vous? Allah n'est pas obligé de l'être aussi dans ce bas monde.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.