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«Je préfère le terme de harraba»
Hamid Skif, auteur de la Géographie du danger, parle des harraga
Publié dans Le Midi Libre le 17 - 02 - 2008

«La géographie du danger», ce titre à lui seul est tout un programme. Le fait est qu'au moment où Hamid Skif avait entamé la rédaction de ce livre, le phénomène dit des harraga n'avait pas encore pris les proportions qu'on lui connaît aujourd'hui. En bon reporter qu'il est, Hamid Skif nous plonge au cœur d'un monde poignant, où l'intimisme le dispute à la tragédie de la fuite.
«La géographie du danger», ce titre à lui seul est tout un programme. Le fait est qu'au moment où Hamid Skif avait entamé la rédaction de ce livre, le phénomène dit des harraga n'avait pas encore pris les proportions qu'on lui connaît aujourd'hui. En bon reporter qu'il est, Hamid Skif nous plonge au cœur d'un monde poignant, où l'intimisme le dispute à la tragédie de la fuite.
Originaire de Bou Saâda, vous êtes né à Oran. Vous avez travaillé à Tipasa. Vous êtes une sorte de globe-trotter, non ?
Ce sont mes parents qui sont originaires de Bou Saâda. Je suis né, pour ma part, comme mes nombreux frères et sœurs, cousins et cousines à Oran, où notre famille s'est implantée dans les années trente, créant ainsi la branche des Houaha d'Oran. Originaires de Sidi Okba, les Houaha ont essaimé Biskra, Bou Saâda – ou un quartier de la ville porte leur nom – Alger, Oran et Ghardaia. A l´étranger, il existe notamment une branche installée en Arabie saoudite, depuis des lustres, puisque la tradition voulait que les garçons, dont les parents avaient les moyens, soient envoyés étudier en Arabie ou à la Zitouna.
C'est vrai que j'aime bouger, que l´immobilisme m´ennuie, mais suis-je pour autant un globe-trotter ?
Quelles sont les raisons, objectives ou subjectives, qui vous ont amené à choisir l'Allemagne comme port d'attache ?
Je suis allé en Allemagne non par choix, mais parce que c´est le seul pays qui a daigné m´accueillir avec ma famille, dans une étape pénible de ma vie. J´ai donc quitté Tipasa en décembre 1996 pour Hambourg, après avoir refusé une bourse américaine qui ne m´aurait pas permis de partir avec les miens. Et puis, la Californie, c´est si loin ! Mon séjour en Allemagne m´a permis de vivre dans des conditions idéales si on les compare avec celles vécues par des confrères et consoeurs sous d´autres cieux. On me demande souvent pourquoi je n´ai pas, à l´instar de milliers d´autres, choisi d´aller en France. Je réponds à cette question, qui devient irritante à force d´être répétée : «Pourquoi estimez-vous que le seul pays qui devrait accueillir les Algériens serait la France ?» On me rétorque : «A cause de la langue.» Je ne vois pas ce que vient faire la langue là dedans à moins de considérer que les Algériens sont incapables d´apprendre une autre langue. Le fait est que je suis resté en Allemagne parce que ce pays m´a offert des conditions de travail et de séjour qu´aucun autre pays n´aurait pu m´offrir.
Vous avez grandi dans une famille de nationalistes, proche de l'OS et du MTLD. Quel souvenir en gardez-vous ?
Beaucoup de fierté et une immense dette envers les miens, surtout envers mon père qui, même si je n´ai pas connu les diverses facettes de sa personnalité du fait qu´il a disparu alors que je n´avais que 19 ans, m´a appris à combattre l´adversité et à rester debout sous les coups du sort. Je me souviens qu´enfant, il me disait : «Marche la tête haute, tu n´es pas n´importe qui. Tu es un Houhi.»
A l´époque, cela me faisait plier de rire. Cette identité, cette fierté d´appartenir à une famille ou le patriotisme n´est pas l´antithèse de l´humanisme, où l´on apprend l´amour de sa patrie et de sa culture sans discours tonitruants ni flagornerie, s´est consolidée au fil.
Sur le plan professionnel, vous avez aussi pas mal bourlingué, si vous permettez l'expression, (ONCIC, la République, APS…). Pourquoi ce nomadisme ?
Vous oubliez de citer le Théâtre de la Mer, l´INFPA à l´époque où l´institution était dirigée par Aboubakr Belkaid, la salle El Mouggar sous la direction de Hocine Belhadj et Révolution Africaine. Ce sont des jalons dans une carrière que j´ai entamée très jeune et dominée par le journalisme auquel je suis venu à travers la littérature. J´ai quitté Révolution Africaine, qui était à l´agonie, pour rejoindre La République en pleine effervescence. Mon départ de La République ainsi que celui de notre directeur, Bachir Rezzoug et d´autres confrères, avait été imposé par le ministre de l´Information de l´époque. Entre lui et nous, Boumediene avait tranché. La République, qui était une sorte d´ersatz de liberté comme le sera plus tard Algérie Actualité, fut arabisé après notre départ pour devenir ce journal dont le premier responsable n´avait pour souci que de rallonger, sur les photos, les jupettes des tenniswomen. C´est vous dire à quel niveau nous étions descendus. Au ministère de l´Information et de la Culture, on me proposa de prendre la direction de la revue Promesses, ce que je refusais. Je rejoignis l´ONCIC, dirigée à l´époque par Abderrahmane Laghouati, à qui il fut reproché d´avoir recruté un «ennemi » du ministre, un opposant, pour tout dire. Après avoir refusé de rejoindre le département de la presse filmée, je me suis retrouvé à l´APS et j´ai décidé d´aller travailler à Ouargla. Beaucoup de gens ont pensé que j´y avais été expédié en résidence surveillée, mais ce n´était pas le cas.
Quel souvenir gardez-vous du club des poètes animé par Jean Sénac et de cette période riche en agitation poétique et littéraire ?
Le souvenir d´une période riche en péripéties, car nous avions, les uns et les autres, d´immenses espoirs. Nous étions jeunes, pleins de vitalité et nous rêvions de tant de choses pour notre pays. Pour certains, nous étions aussi très naïfs et persuadés que nos écrits pouvaient changer quelque chose à l´ordre des choses. Nous avions l´excuse de la jeunesse, ce qui n´excluait ni maturité ni exigence.
Plus tard, néanmoins, certains de vos écrits ont été censurés. Peut-on connaître les raisons ?
Mon premier article, consacré au poète futuriste russe, Velimir Khlebnikov, et qui m´avait été commandé par la rédaction culturelle d´El Moudjahid, fut remplacé par des photos de cinéma polonais lorsque le directeur du journal le découvrit à l´imprimerie. Dans cet article, j´avais rapporté la mésaventure survenue à Velimir Khlebnikov lorsqu´il était étudiant. Manifestant à Kazan, sa ville natale, contre le régime du Tsar, il était resté seul face à la police quand celle-ci Òavait chargé. Emmené au commissariat, il répliqua au commissaire, que s´il était resté seul c´était qu´il devait au moins en rester un pour faire front. Et lui dit-il, s´il en devait rester un seul, j´étais celui-là ! Cela représente un échantillon du type de propos que le régime refusait d´entendre.
Il y a eu également la création de Perspectives qui vous a valu des démêlés avec le gouvernement de l'époque. Si c'était à refaire ?
C´est Mokdad Sifi, l´ancien premier ministre qui m´a révélé après la chute du gouvernement de Mouloud Hamrouche et alors que lui-même était ministre de l´Hydraulique du gouvernement de Belaid Abdesslam, l´ampleur des sordides manœuvres qui avaient cours dans le cabinet de Hamrouche pour abattre Perspectives, le petit hebdomadaire économique que j´avais créé. Pourquoi Mouloud Hamrouche, autoproclamé réformateur, en voulait-il à ce canard ? Lui seul sait. Est-ce par ce que j´avais refusé de négocier l´indépendance du journal ? En tout cas, les portes des imprimeries, des banques et de la pub m´avaient été fermées au nez et plus que ça. Si c´était à refaire ? Pourquoi pas ? A partir du moment où les dés ne sont pas pipés, je suis toujours partant. C´est Hadj Nasser, l´ancien gouverneur de la banque d´Algérie qui me prit à part dans une réception et m´expliqua, sans que je le connaisse le moins du monde, que si tout le monde me tapait dessus c´était du fait que je n´appartenais à aucun clan. Il me suffirait de rejoindre un clan et il me protègerait des autres
Revenons à la «Géographie du danger. Que vous inspire la situation de détresse des harraga ?
D´abord, je n´aime pas ce mot. Il est, à mes yeux, dévalorisant. Je lui préfère le terme de haraba, car c´est bien de fuite qu´il s´agit. Fuite devant la misère, la désespérance, l´ennui, la malvie. Qu'est-ce qui peut, d´autre part, expliquer qu´un médecin, un homme ou une femme disposant d´un emploi et d´une situation établie ne pense qu´à partir et dans ces conditions ! Est-il fou? Est-ce un demeuré mental ? Ou est-ce cette société qui le rend ainsi ? Lorsque j´entends un responsable accuser ces jeunes de tous les maux, lorsque je vois la vitesse avec laquelle on installe les outils de la répression, je me dis que quelque part, on est désemparé. Au lieu d´essayer de changer l´ordre des choses, d´aller à la racine du mal, de combattre la corruption qui est le plus grand cancer que connaisse notre pays, nous voici en train d´essayer de construire un mur invisible qui devrait, dans la tête de ses concepteurs, empêcher nos jeunes d´aller de l´autre côté du mur. Le problème ne concerne pas seulement notre pays, il est planétaire. L´ancien ministre des Affaires étrangères italien, Massimo D´Alema a parlé de tragédie du 21e siècle. Mais restons chez nous et interrogeons-nous sur le pourquoi de ce phénomène dans un pays qui a les moyens d´offrir non seulement l´espoir, mais aussi l´espace pour réaliser cet espoir.
La liberté d´entreprendre, source de création de richesses et d´emplois, ne se concrétisera pas tant que le statut de la terre n´est pas tranché, tant que des féodalités privatisent l´Etat. Vous pensez que ce sont des critères techniques ou que c´est par nationalisme que les banques n´ont pas été privatisées ? Mais non. Si elles ne l´ont pas été c´est parce qu´elles servent de tiroir caisse à une nomenklatura qui ne prend même pas la peine de rembourser les crédits qu´elle s´octroie !.
L'autre fois, dans la librairie Espace Noun, une voix vous a qualifié d'indiscipliné. Vous aviez acquiescé. Vous êtes vraiment indiscipliné ou plutôt révolté ?
Plutôt révolté comme vous pouvez le constater. Et le révolté que je suis, est, malgré les apparences, un homme discipliné y compris dans sa manière de ne jamais oublier que le combat pour les valeurs humaines est le plus beau des combats.
Aimez-vous la vie ? Prenez-vous le temps de vivre ?
Evidemment que j´aime la vie, quelle question ! Je suis un bon vivant qui essaie d´allier les exigences du métier qu´il fait avec le plaisir de vivre même si ce n´est pas toujours facile. Mais rassurez-vous, j´ai beaucoup d´humour et je ris de moi-même avant de rire des autres. J´évite d´ailleurs de me prendre au sérieux, car la vie serait bien triste.
Un dernier mot ?
Mon souhait, c´est que notre jeunesse puisse vivre et s´épanouir chez elle dans la liberté. Nous n´avons pas d´autre patrie que l´Algérie et pas d´autre pays que celui de nos rêves. Faisons en sorte que notre patrie et le pays de nos rêves soient une seule et même chose.
Originaire de Bou Saâda, vous êtes né à Oran. Vous avez travaillé à Tipasa. Vous êtes une sorte de globe-trotter, non ?
Ce sont mes parents qui sont originaires de Bou Saâda. Je suis né, pour ma part, comme mes nombreux frères et sœurs, cousins et cousines à Oran, où notre famille s'est implantée dans les années trente, créant ainsi la branche des Houaha d'Oran. Originaires de Sidi Okba, les Houaha ont essaimé Biskra, Bou Saâda – ou un quartier de la ville porte leur nom – Alger, Oran et Ghardaia. A l´étranger, il existe notamment une branche installée en Arabie saoudite, depuis des lustres, puisque la tradition voulait que les garçons, dont les parents avaient les moyens, soient envoyés étudier en Arabie ou à la Zitouna.
C'est vrai que j'aime bouger, que l´immobilisme m´ennuie, mais suis-je pour autant un globe-trotter ?
Quelles sont les raisons, objectives ou subjectives, qui vous ont amené à choisir l'Allemagne comme port d'attache ?
Je suis allé en Allemagne non par choix, mais parce que c´est le seul pays qui a daigné m´accueillir avec ma famille, dans une étape pénible de ma vie. J´ai donc quitté Tipasa en décembre 1996 pour Hambourg, après avoir refusé une bourse américaine qui ne m´aurait pas permis de partir avec les miens. Et puis, la Californie, c´est si loin ! Mon séjour en Allemagne m´a permis de vivre dans des conditions idéales si on les compare avec celles vécues par des confrères et consoeurs sous d´autres cieux. On me demande souvent pourquoi je n´ai pas, à l´instar de milliers d´autres, choisi d´aller en France. Je réponds à cette question, qui devient irritante à force d´être répétée : «Pourquoi estimez-vous que le seul pays qui devrait accueillir les Algériens serait la France ?» On me rétorque : «A cause de la langue.» Je ne vois pas ce que vient faire la langue là dedans à moins de considérer que les Algériens sont incapables d´apprendre une autre langue. Le fait est que je suis resté en Allemagne parce que ce pays m´a offert des conditions de travail et de séjour qu´aucun autre pays n´aurait pu m´offrir.
Vous avez grandi dans une famille de nationalistes, proche de l'OS et du MTLD. Quel souvenir en gardez-vous ?
Beaucoup de fierté et une immense dette envers les miens, surtout envers mon père qui, même si je n´ai pas connu les diverses facettes de sa personnalité du fait qu´il a disparu alors que je n´avais que 19 ans, m´a appris à combattre l´adversité et à rester debout sous les coups du sort. Je me souviens qu´enfant, il me disait : «Marche la tête haute, tu n´es pas n´importe qui. Tu es un Houhi.»
A l´époque, cela me faisait plier de rire. Cette identité, cette fierté d´appartenir à une famille ou le patriotisme n´est pas l´antithèse de l´humanisme, où l´on apprend l´amour de sa patrie et de sa culture sans discours tonitruants ni flagornerie, s´est consolidée au fil.
Sur le plan professionnel, vous avez aussi pas mal bourlingué, si vous permettez l'expression, (ONCIC, la République, APS…). Pourquoi ce nomadisme ?
Vous oubliez de citer le Théâtre de la Mer, l´INFPA à l´époque où l´institution était dirigée par Aboubakr Belkaid, la salle El Mouggar sous la direction de Hocine Belhadj et Révolution Africaine. Ce sont des jalons dans une carrière que j´ai entamée très jeune et dominée par le journalisme auquel je suis venu à travers la littérature. J´ai quitté Révolution Africaine, qui était à l´agonie, pour rejoindre La République en pleine effervescence. Mon départ de La République ainsi que celui de notre directeur, Bachir Rezzoug et d´autres confrères, avait été imposé par le ministre de l´Information de l´époque. Entre lui et nous, Boumediene avait tranché. La République, qui était une sorte d´ersatz de liberté comme le sera plus tard Algérie Actualité, fut arabisé après notre départ pour devenir ce journal dont le premier responsable n´avait pour souci que de rallonger, sur les photos, les jupettes des tenniswomen. C´est vous dire à quel niveau nous étions descendus. Au ministère de l´Information et de la Culture, on me proposa de prendre la direction de la revue Promesses, ce que je refusais. Je rejoignis l´ONCIC, dirigée à l´époque par Abderrahmane Laghouati, à qui il fut reproché d´avoir recruté un «ennemi » du ministre, un opposant, pour tout dire. Après avoir refusé de rejoindre le département de la presse filmée, je me suis retrouvé à l´APS et j´ai décidé d´aller travailler à Ouargla. Beaucoup de gens ont pensé que j´y avais été expédié en résidence surveillée, mais ce n´était pas le cas.
Quel souvenir gardez-vous du club des poètes animé par Jean Sénac et de cette période riche en agitation poétique et littéraire ?
Le souvenir d´une période riche en péripéties, car nous avions, les uns et les autres, d´immenses espoirs. Nous étions jeunes, pleins de vitalité et nous rêvions de tant de choses pour notre pays. Pour certains, nous étions aussi très naïfs et persuadés que nos écrits pouvaient changer quelque chose à l´ordre des choses. Nous avions l´excuse de la jeunesse, ce qui n´excluait ni maturité ni exigence.
Plus tard, néanmoins, certains de vos écrits ont été censurés. Peut-on connaître les raisons ?
Mon premier article, consacré au poète futuriste russe, Velimir Khlebnikov, et qui m´avait été commandé par la rédaction culturelle d´El Moudjahid, fut remplacé par des photos de cinéma polonais lorsque le directeur du journal le découvrit à l´imprimerie. Dans cet article, j´avais rapporté la mésaventure survenue à Velimir Khlebnikov lorsqu´il était étudiant. Manifestant à Kazan, sa ville natale, contre le régime du Tsar, il était resté seul face à la police quand celle-ci Òavait chargé. Emmené au commissariat, il répliqua au commissaire, que s´il était resté seul c´était qu´il devait au moins en rester un pour faire front. Et lui dit-il, s´il en devait rester un seul, j´étais celui-là ! Cela représente un échantillon du type de propos que le régime refusait d´entendre.
Il y a eu également la création de Perspectives qui vous a valu des démêlés avec le gouvernement de l'époque. Si c'était à refaire ?
C´est Mokdad Sifi, l´ancien premier ministre qui m´a révélé après la chute du gouvernement de Mouloud Hamrouche et alors que lui-même était ministre de l´Hydraulique du gouvernement de Belaid Abdesslam, l´ampleur des sordides manœuvres qui avaient cours dans le cabinet de Hamrouche pour abattre Perspectives, le petit hebdomadaire économique que j´avais créé. Pourquoi Mouloud Hamrouche, autoproclamé réformateur, en voulait-il à ce canard ? Lui seul sait. Est-ce par ce que j´avais refusé de négocier l´indépendance du journal ? En tout cas, les portes des imprimeries, des banques et de la pub m´avaient été fermées au nez et plus que ça. Si c´était à refaire ? Pourquoi pas ? A partir du moment où les dés ne sont pas pipés, je suis toujours partant. C´est Hadj Nasser, l´ancien gouverneur de la banque d´Algérie qui me prit à part dans une réception et m´expliqua, sans que je le connaisse le moins du monde, que si tout le monde me tapait dessus c´était du fait que je n´appartenais à aucun clan. Il me suffirait de rejoindre un clan et il me protègerait des autres
Revenons à la «Géographie du danger. Que vous inspire la situation de détresse des harraga ?
D´abord, je n´aime pas ce mot. Il est, à mes yeux, dévalorisant. Je lui préfère le terme de haraba, car c´est bien de fuite qu´il s´agit. Fuite devant la misère, la désespérance, l´ennui, la malvie. Qu'est-ce qui peut, d´autre part, expliquer qu´un médecin, un homme ou une femme disposant d´un emploi et d´une situation établie ne pense qu´à partir et dans ces conditions ! Est-il fou? Est-ce un demeuré mental ? Ou est-ce cette société qui le rend ainsi ? Lorsque j´entends un responsable accuser ces jeunes de tous les maux, lorsque je vois la vitesse avec laquelle on installe les outils de la répression, je me dis que quelque part, on est désemparé. Au lieu d´essayer de changer l´ordre des choses, d´aller à la racine du mal, de combattre la corruption qui est le plus grand cancer que connaisse notre pays, nous voici en train d´essayer de construire un mur invisible qui devrait, dans la tête de ses concepteurs, empêcher nos jeunes d´aller de l´autre côté du mur. Le problème ne concerne pas seulement notre pays, il est planétaire. L´ancien ministre des Affaires étrangères italien, Massimo D´Alema a parlé de tragédie du 21e siècle. Mais restons chez nous et interrogeons-nous sur le pourquoi de ce phénomène dans un pays qui a les moyens d´offrir non seulement l´espoir, mais aussi l´espace pour réaliser cet espoir.
La liberté d´entreprendre, source de création de richesses et d´emplois, ne se concrétisera pas tant que le statut de la terre n´est pas tranché, tant que des féodalités privatisent l´Etat. Vous pensez que ce sont des critères techniques ou que c´est par nationalisme que les banques n´ont pas été privatisées ? Mais non. Si elles ne l´ont pas été c´est parce qu´elles servent de tiroir caisse à une nomenklatura qui ne prend même pas la peine de rembourser les crédits qu´elle s´octroie !.
L'autre fois, dans la librairie Espace Noun, une voix vous a qualifié d'indiscipliné. Vous aviez acquiescé. Vous êtes vraiment indiscipliné ou plutôt révolté ?
Plutôt révolté comme vous pouvez le constater. Et le révolté que je suis, est, malgré les apparences, un homme discipliné y compris dans sa manière de ne jamais oublier que le combat pour les valeurs humaines est le plus beau des combats.
Aimez-vous la vie ? Prenez-vous le temps de vivre ?
Evidemment que j´aime la vie, quelle question ! Je suis un bon vivant qui essaie d´allier les exigences du métier qu´il fait avec le plaisir de vivre même si ce n´est pas toujours facile. Mais rassurez-vous, j´ai beaucoup d´humour et je ris de moi-même avant de rire des autres. J´évite d´ailleurs de me prendre au sérieux, car la vie serait bien triste.
Un dernier mot ?
Mon souhait, c´est que notre jeunesse puisse vivre et s´épanouir chez elle dans la liberté. Nous n´avons pas d´autre patrie que l´Algérie et pas d´autre pays que celui de nos rêves. Faisons en sorte que notre patrie et le pays de nos rêves soient une seule et même chose.


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