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Confessions d'un exalté repenti
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 07 - 03 - 2010

Pourquoi ai-je l'esprit aussi mal tourné ? Quelle est donc cette aigreur qui m'habite, qui brouille mon peu de perspicacité, et me fait tout voir en noir, qui fait de moi un râleur intégral ? Quel ingrat suis-je donc, pour altérer ainsi les plus belles intentions de nos admirables dirigeants, et faire une lecture si réductrice de leurs déclarations les plus sincères ?
Méa culpa ! Ness'hel el kiya ! . Je demande humblement pardon à tous les Agents honorables de l'Etat, passés ou présents, à mon Général, à son Excellence le Président de la République, à ses frères, à ses sœurs, et même à son chien.
Je veux faire amende honorable. Je veux confesser mes crimes de lèse majesté.
Ainsi, je me rappelle cette déclaration du président Boumediène au sujet des pages les plus noires de la Révolution algérienne : « Le peuple n'a pas besoin de savoir ! »
Un truisme ! Une vérité transcendantale. Mais j'ai quand même trouvé à redire.
Bien sûr, des esprits mal tournés, comme le mien, sont allés vite en besogne et ont interprété cette belle sentence de Boumediene comme l'illustration du mépris profond des tenants du régime sur ce qu'ils considèrent comme de la populace sans âme, sans esprit critique et sans volonté.
Nous avons eu l'outrecuidance de penser, pensé seulement, fort heureusement, que nous tous de l‘Algérie d'en bas étions juste un prétexte pour tous ces dindons, gonflés de leurs propres courants d'air, pour donner libre cours à une grandeur qu'ils se seraient inventée, et qu'ils entretiendraient à la claque, dans un pays qu'ils auraient confisqué à leur seul profit. Quel que soit ce profit ! Nous leur avons prêté l'intention de vouloir assouvir une mégalomanie dévorante et mettre en place le décor en carton pâte qui leur permettrait de rentrer dans l'histoire, une histoire sur mesure, nous les avons crédités d' ambitions vénales, juste pour se remplir les comptes bancaires de Suisse ou d'ailleurs, et nous avons pensé que leur perception des foules qui leur tiennent lieu de peuple était d'une simplicité déroutante.
Il faut avoir l'esprit bien vachard pour aller chercher ces interprétations dans le caniveau de la pensée.
Parce que nous avons pensé que dire que le peuple n'a pas besoin de savoir et encore moins de décider de son propre sort, cela voulait dire tout simplement que le peuple devait se contenter de se remplir la panse, et de jouer le seul rôle qui lui était naturellement dévolu : faire semblant de voter lorsque cela lui est commandé, pour ravaler les façades institutionnelles du pays. Nous avons cru, cru seulement, fort heureusement, que le président était désigné par avance par les vrais maîtres du pays, que les charges de maire, les sièges de député et de sénateur se vendaient aux enchères publiques, que le régime du pays décidait seul que le pays devait être socialiste, libéral, islamiste, ou toute orientation que voudrait lui donner l' « élite » qui avait libéré le pays, et que cela ne regardait en rien ce peuple. Que celui-ci n'avait besoin ni de savoir, ni de se poser des questions, et encore moins de s'impliquer dans des questions qui le dépassent. Qu'il se contente seulement de se remplir la panse !
Honte ! Honte à moi d'avoir prêté ces pensées scélérates à nos chers et estimés leaders.
Mais non content d'être si méchant et si hargneux, j'ai été chercher encore plus de mal là où il n'y a que de la sollicitude.
J'ai donc pensé, pensé seulement, fort heureusement, que le régime, quel vilain mot, avait naturellement casé ce peuple dans un rôle de spectateur de sa propre destinée, et que si d'aventure il tentait de sortir de ce confortable cadre qui lui avait été imparti, s'il tentait de se choisir d'autres dirigeants, s'il voulait créer ses propres partis politiques, ses propres syndicats, s'il tentait de s'opposer à ceux qui ont décidé de faire son bonheur malgré lui, il ne devrait s'en prendre qu'à lui même, à sa propre stupidité.
Parce que, me suis-je chuchoté, chuchoté seulement, fort heureusement, les moyens de ramener le ghachi sur le droit chemin ne manquent pas. Il y en même a toute une palette. Et je me suis mis à imaginer, à imaginer seulement, fort heureusement, que ces moyens ont été réellement déployés, progressivement et selon le besoin de l'heure.
Sadique, ou masochiste, où les deux en même temps, je me suis fait un cinéma, un cinéma seulement, fort heureusement, de manipulation de masse, de corruption des meneurs, de leur emprisonnement, du refus de création de partis ou de syndicats qui ne rentrent pas dans le cadre, de la création de partis et de syndicats domestiques, de mesures économiques destinées à créer des milliers de poches de prospérité au sein de la populace même, de la dissémination des pratiques frauduleuses et de corruption jusqu'en bas des couches populaires, de la mise en place de plans pour généraliser et vulgariser de la mauvaise conscience, comme celle des faux anciens moudjahidine, de la création de relais du régime, comme ceux de l'UGTA, du FLN, du RND, des « organisations de masse », de la remise au goût du jour des tribus, du régionalisme, du douarisme, de l' assistance aux évangéliques pour déployer une nouvelle religion dans les régions les plus contestataires, de l' infiltration des partis et des syndicats libres, et intoxication en leur sein, pour les faire imploser, de l'exacerbation entre berberistes et arabistes , entre islamistes et démocrates , entre arabisants et francisants.
Quelle horreur ! De quoi l'homme n'est-il pas capable pour imaginer de si noirs desseins !
Mais j'ai été encore plus loin. Mea culpa ! Mea culpa ! J'ai été jusqu'à me chuchoter dans l'autre oreille, parce que la première ne voulait plus rien entendre de cet épouvantable scénario, un scénario seulement, fort heureusement, que si malgré toutes ces mesures de salubrité publique, la populace s'entête à n'en faire qu'à sa tête, alors ce serait les grands moyens.
Jugez donc de la pollution de mes mauvaises pensées ! Jusqu'où peut-on aller dans la désinformation :
Annulation pure et simple d'élections qui donnaient la majorité parlementaire aux islamistes. Renvoi du président dans ses foyers, parce qu'il voulait « cohabiter » avec des intrus. Regroupement de tous les islamistes, réels ou supposés, dans des camps au sud, de véritables centres de formation pour les pousser à monter au maquis, et à ne plus faire de politique, si malgré cela, certains d'entre eux ne tombent pas dans le piège, et qu'ils rentrent tranquillement chez eux, après avoir cuit au soleil de Reggane, les harceler, les battre devant leurs épouses et leurs enfants, au besoin violer leurs femmes sous leurs yeux, les faire licencier de leur travail, mettre en faillite leurs commerces, si ca ne marche pas malgré tout cela, les assassiner et jeter leurs cadavres sur le bas côté des routes, ne leur laisser aucun autre choix que de monter au maquis ou de crever comme des chiens. Et lorsqu'ils auront tous basculé dans la violence, créer d'autres groupes islamistes dont la mission est de faire des carnages de la population civile, faire diffuser les images de ces horreurs par la télévision, les faire relayer par les télévisions occidentales, avec l'aide des amis de là bas, dont les comptes bancaires, pour « financer leurs partis politiques » sont généreusement alimentés, créer un bureau des fatwas pour alimenter les maquis en consignes de massacre, désigner un général major pour chapeauter les réseaux de la contrebande de kif et de cigarettes de contrebande, agir de concert avec les groupes islamistes amis afin d'en généraliser la distribution sur tout le pays, jusqu'au dernier douar, utiliser une partie des bénéfices de ce juteux créneau pour la fourniture d'armement et d'explosifs aux groupes terroristes amis.
En parallèle, pour bien montrer qui est le maître dans ce pays, et pour mouiller tous les agents des forces de sécurité, mettre en place une politique systématique de torture, qu'il ne faut évoquer que sous son doux nom d' « Exploitation ». Ces centres, mille fois plus efficaces, et dix mille fois plus nombreux, que les D.O.P, de sinistre mémoire, de la France coloniale, devront officier dans tous les commissariats, dans toutes les brigades de gendarmerie, dans tous les locaux des GLD, dans toutes les casernes. Tout les agents, quel que soit leur grade devront mettre la main à la pâte, pour être impliqués à fond. L'office devra être confié, de préférence à des sadiques, à des pervers . Ils auront carte blanche pour faire des « terroristes » ce qu'ils voudront. Aucune limite ne devra leur être imposée. Les « tangos » qui auront été soumis à l' « exploitation », s'ils ne sont plus présentables, s'il leur manque un organe, un membre, ou s'ils ont été violés trop sauvagement, devront être jetés dans les maquis, et mis sur le compte des terroristes, surtout s'ils figurent dans des listes de disparus.
Entre-temps, parce que la machine ne peut pas s'arrêter, pendant que la population paie le prix de son aventurisme, et de son audace, les affaires doivent continuer . Le pays doit être partagé en portions de tarte. Tous les amis doivent pouvoir se régaler. A l'un le secteur de l'importation du blé, à l'autre celui des médicaments, et ainsi de suite pour tout ce qui rapporte de généreux dividendes. Rien ne doit être épargné, les commissions pour les achats d'armements, pour les implantations de compagnies pétrolières au Sahara, le business qui s'y déroule en périphérie, la création de compagnies aériennes, de banques privées, et tutti quanti. L'argent a d'autant plus de valeur qu'il est brassé dans le sang.
N'est-ce pas là un plan sorti d'un esprit malade ? Peut-on seulement imaginer que des dirigeants de l'Algérie, aussi sanguinaires, et aussi amoraux, puissent seulement exister ? Mea culpa ! Mea culpa ! Ness'hel el kiya ! Mais ce n'est pas fini ! Mes tragiques élucubrations continuent de bouillonner en moi. Lisez donc la suite que j'ai projetée dans l'écran de mes cauchemars, cauchemars seulement, fort heureusement :
Et lorsque l'ordre aura été rétabli, que la populace aura été expurgée de son trop plein de dignité, quand tout le monde aura compris où est le maître, alors devra sonner l'heure de la réconciliation. Parce que les affaires ont besoin de calme pour fructifier. La réconciliation à la l'algérienne ? C'est un machine qui consiste pour la victime de demander pardon à son bourreau. Ainsi, l'émir trois étoiles qui se vante d'avoir égorgé de ses propres mains un jeune appelé qui appelait sa mère, rendra un éloge funèbre vibrant au général qui avait lui même créé des GIA pour égorger d'autres appelés. Et pendant que les preux guerriers se congratulent, le peuple de victimes, qui a été torturé, déplacé, ruiné, dont des parents ont été violés, torturés, exécutés comme des chiens errants, qui a été dispersé aux quatre vents, dont les filles sont devenus de la chair fraîche pour beggaras parvenus, devra remercier les agents honorables de l'Etat de l'avoir sauvé du pire. Parce qu'au cas où ce peuple ne le saurait pas encore, il y pire que le régime qui a réalisé toutes ces prouesses. C'est le régime lui même qui le dit. En toutes lettres
Et pendant que la partition, ou la marche funèbre, c'est selon qu'on soit d'un côté ou de l'autre, continue de se jouer, avec d'autres instruments, et d'autres virtuoses, mais devant le même public médusé, qui n'attend plus que le plafond lui tombe sur la tête, pour que ce soit l'apothéose, on continuera de nous dire, encore et encore, que le peuple n'a pas besoin de savoir. Qu'il se contente donc de se remplir la panse.
Entraîné dans les chemins sinueux de ma morbide folie, j'ai même imaginé que la tragédie que j'avais inventé avait fait 200 000 morts, que le chef de l'Etat avait lui même reconnu ce chiffre, alors que son chef de gouvernement n'en admettait que 35 000, qu'il y avait eu 30 000 disparus, un million de personnes déplacées, des milliards de dollars de dégâts, des dizaines de milliards de dollars prélevés dans le trésor public et qui sont allés gonfler les avoirs mirobolants des barons et des ducs de ce régime.
A Dieu ne plaise ! Comment peut-on nourrir de telles divagations ? Comment prêter à des héros de la révolution, à des moudjahidine guidés par leur seul amour de la patrie, des intentions aussi noires, des crimes aussi fous ? La communauté internationale aurait-elle toléré que de telles exactions soient commises contre tout un peuple, pratiquement à huis clos ? Non bien sûr !
Voyez comment l'occident est parti en croisade contre le soudan, comment les juridictions pénales internationales n'ont pas hésité à lancer un mandat d'arrêt contre le président soudanais lui même ! On ne plaisante pas avec les crimes contre l'humanité.
C'est la preuve que j'ai inventé tout ce cirque de mauvais goût. Un cirque seulement, fort heureusement.
Mais si seulement je m'étais arrêté là ! Non ! Non seulement j'ai travesti le doux passé des Algériens en atroce tragédie, mais je pousse le bouchon jusqu'à imaginer un avenir encore plus noir.
La nuit passée, après l'extinction de ma conscience, le projecteur de mon âme noire s'est mis à tourner, et sur l'écran noir de mes nuits blanches, des scènes d'épouvante ont défilé…Je voyais qu'une autre tragédie se préparait, qui risque de mettre un terme définitif à l'existence de ce pays, que le régime était entré dans une sorte d'exacerbation de sa propre logique, qu'il ne pouvait plus freiner la chute vertigineuse qui nous entraînait tous, lui et nous, dans les abysses. Et je voyais le président lui même, furibond, qui gesticulait et sautait à pieds joints sur l'aérodrome qui lui sert de bureau : « Si Boumediene a dit que le peuple n'a pas besoin de savoir, moi je dis qu'il n'a pas à savoir du tout. On lui a demandé son avis ? Qu'il bouffe et qu'il se taise ! Celui qui n'est pas content de son sort n'a qu'à aller vivre ailleurs ! Non mais….De quoi je me mêle. Ca le regarde que je sois malade ou non ? Est-ce que je demande de ses nouvelles moi ? En quoi ça le concerne de savoir qui a remplacé Smain Lamari, qui sont les nouveaux généraux du DRS ? Pourquoi veut-il des détails sur la structure de sécurité que j'ai créée moi même et qui ne dépend que de moi ? Il ne manquerait plus qu'il me demande de lui communiquer la nationalité de mes ministres. Qu'il me foute la paix ce ghachi kraïchi ! Même pas foutu de travailler comme les Chinois, et il a le culot d'exiger des informations qui ne le regardent en rien. Je veux plus entendre parler de ces bras cassés. »
Le matin quand je me suis réveillé, tout en sueur, et que j'ai su que ce n'était qu'un délire, un délire seulement, fort heureusement, je me suis forcé à regarder la vérité en face et à me soigner. Parce ce que ça se soigne ce genre de divagations. Il faut juste voir la vérité en face, de préférence à travers un masque de soudeur, et à se répéter plusieurs fois que tout ce qu'on avait cru vivre ou observer n'est que l'expression de notre méchanceté naturelle, une propension délirante à déformer la vérité.
Donc la vérité, telle qu'elle est, dans toute sa tangibilité, est celle-ci :
Il n'y a aucun Black-out sur tout ce qui concerne le régime. L'information circule le plus normalement du monde, lors de conférences de presse ponctuelles des porte-parole de la présidence et du gouvernement. L'armée et le DRS n'ont pas à s'exprimer sur la vie publique, puisqu'ils sont des outils au main des Institutions élues. Leur ministre de tutelle, Abdelghaber Benfesti, est un civil, et il a toute délégation présidentielle sur la nomination, le mouvement et la révocation de tout le personnel militaire, sans aucune exception.
Le Président est en excellente santé. Il apparaît régulièrement à la télévision, pour son discours hebdomadaire. Il s'exprime, en outre, sur tous les sujets sérieux qui concernent la nation. Malgré cela, un communiqué médical sur sa santé, signé de trois professeurs en médecine, dont l'intégrité a dépassé la frontière, est régulièrement publié.
Toutes les dispositions sont prises, conformément à la Constitution du pays, en cas de disparition ou d'incapacité du président de la république, pour assurer son intérim, et pour préparer des élections libres et honnêtes. Comme cela se pratique habituellement depuis l'indépendance du pays. Rien que de bien normal en Algérie, pays unanimement salué comme un Etat de droit, un exemple de système démocratique, pointilleux des droits de l'homme, dirigé avec abnégation et enthousiasme par une classe politique que le monde entier lui envie.
Les Institutions du pays tournent à plein régime. Le Parlement algérien, élu à 98% de l'électorat, est composé de députés et de sénateurs émérites, qui s'impliquent corps et âme dans leur mandat. Leur charge est excessivement lourde, mais leur dévouement est à la hauteur de leur compétence. Il a fallu que leurs électeurs les supplient pour qu'ils acceptent de se présenter, parce qu'en Algérie, le slogan « El mess'ouliya taklif wa leïssa techrif » n'est pas vaines paroles.
La vie économique du pays se déroule dans une totale transparence. La presse, l'une des plus libres du monde, suit à la loupe la moindre transaction, et informe l'opinion publique avec une objectivité et un souci du détail qui honore les journalistes du monde entier. Plusieurs chaînes de télévision, entre lesquelles règne une compétition de grande qualité, sont captées dans tout le Maghreb et jusque en Europe.
La langue berbère et la langue derdja, aux côtés de l'arabe classique, ont bénéficié d'une promotion qui les a hissées au rang de langues à part entière. On parle la même derdja et le même berbère dans tout le Maghreb, et même les Egyptiens les parlent et les comprennent, à force de suivre les feuilletons algériens qui sont diffusés dans ces deux langues.
Je sais que nombreux de ceux qui vont lire cette confession vont s'entêter à croire que c'est mon cauchemar qui est vrai et non pas la réalité que je vois à travers un masque de soudeur. Si c'est le cas, il est urgent qu'ils consultent. Encore qu'il est très difficile pour un moucheron de comprendre le mode de fonctionnement d'un moteur à quatre temps ?
Contentons nous de faire confiance à nos admirables dirigeants.
Nous ne ferions que compliquer le machin si nous nous entêtons à déformer la merveilleuse vérité.
Laissons donc les génies de notre temps décider de ce qui sera bien pour nous ! Dans l'ambiance laborieuse de leurs longues veillées. Laissons ceux qui gèrent nos richesses, avec tant d'intégrité, et tant de désintéressement, se dévouer pour notre bien être.
Et si la noirceur s'obstine à s'imposer à nos esprits dérangés, envisageons les choses sous un angle plus optimiste ! Ne voyons plus en nos dirigeants que des génies incompris !
N'ont-ils pas inondé nos marchés de marchandises venues de toutes les déchetteries du monde, 80% de tout ce qui est importé, ne provient-il pas de matériaux de récupération ? Signe évident de l'esprit écolo qui règne au sein de nos classes dirigeantes et trabendistes de haut vol.
N'ont-ils pas permis à nos terres agricoles de prendre un long repos, à presque toutes nos usines, celles qui faisaient leur fierté, de souffler un peu, et à leurs ouvriers de changer d'air ?
Nos hôpitaux n'ont-ils pas retrouvé leur vocation première, ne sont-ils pas devenus des mouroirs très efficaces ?
Nos écoles ne sont-elles pas devenues des écoles de la vie, où les enseignants apprennent enfin, c'est pas trop tôt, que le pot de terre se brise contre le pot de fer ? Vérité qui doit être éprouvée sur le terrain pour être définitivement vérifiée. Où on apprend que les grévistes licenciés vont être réintégrés pour remplacer les grévistes qui vont être licenciés. Quintessence du génie benbouzidien.
Nos mœurs ne se sont-elles enfin dépêtrées de leur gangue d'ignorance ? N'avons nous pas, selon un article de presse qui n'a pas été démenti, un million deux cent mille prostituées ? Et qu'on n'oublie pas que là où il y a de la gêne, y a pas de plaisir !
N'avons nous pas, enfin, et formidable performance, un parc automobile supérieur à plusieurs fois nos capacités routières, selon les propres chiffres de l'administration ? Ne sommes nous pas classés au quatrième rang mondial en termes d'accidents et de victimes de la route ? Merveilleux dispositif pour éliminer le trop-plein et la chienlit.
Ne sommes nous pas aux meilleures places dans plusieurs domaines, comme celui de la corruption, de l'absence de liberté de la presse, des conditions de détention, de délinquance juvénile, de saleté dans les villes, de désurbanisation, de divorces, de mal logés et tant et tant de domaines où il est devenu impossible de nous distancer ? Et qui font le sel, le poivre et la harissa de la vie. Parce que chez nous, c'est pas d'la tarte. C'est du vrai, du fort, du roquefort, et même qui sent encore plus fort.
Ne sommes nous pas honorés d'un taux de chômage parmi les plus élevés du monde, du fait de notre seule indolence, avec les doigts dans le nez, au moment où nos dirigeants se tuent au travail ? Le patron du FLN, Monsieur Belkhadem, n'a-t-il pas déclaré publiquement que les Algériens ne veulent pas travailler, au point où le gouvernement a été obligé d'importer des Chinois ? C'est pas de la farniente ça ?
Toute notre jeunesse n'aspire-t-elle pas à se former, puisque les voyages forment la jeunesse ? Ne se lance-t-elle pas avec un si bel enthousiasme dans la traversée de la méditerranée, pour aller goûter aux joies du tourisme ? Bientôt nous allons être présents dans le monde entier, et même en Algérie.
N'avons nous pas le Parlement le moins représentatif du monde ? N'est-ce pas là une preuve que nous pouvons le moins avec l'encore moins ?
Est-ce que nous ne faisons pas de miracles avec une seule télévision là où de grandes puissances ne parviennent pas à mobiliser autant de gens avec dix fois plus ? Où a-t-on vu une télé qui émet dans une langue qui n'est pas comprise par la majorité de la population et qui a tant de succès ?
Où a-t-on vu une presse indépendante qui réussit la gageure de l'être et de le rester tout en dépendant des subsides qui lui sont généreusement envoyées par mandat télégraphique ? Une presse qui critique ceux qui lui donnent de l'argent.
Non ! Si nous ne voyons pas toutes ces évidences, si nous nous entêtons à aller à contre courant de nos propres intérêts, et si nous continuons à vouloir mordre la main qui nous nourrit, qui nous remplit la panse, alors c'est que nous ne valons pas le couteau pour nous égorger, ni la brique de TNT pour nous éparpiller, ni encore moins toute la considération que nous témoigne Son Excellence le Président de la République, ses admirables Frères, et tous les Agents Honorables de l'Etat qui consacrent leurs jours et leurs nuits pour notre confort et pour notre tranquillité. A fortiori que ce sont eux qui font tout pour qu'on se s'occupe de rien.
Nous n'avons pas besoin de nous inquiéter de quoi que ce soit. Ils donnent leur vie pour pourvoir à tous nos besoins. Leur sollicitude à notre égard est tellement remarquable qu'ils ont renvoyé leurs familles dans d'autres pays, pour pouvoir s'occuper exclusivement de nous. Dormez braves gens, la paix règne .


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