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Treize ans après, le massacre de Tibéhirine suscite toujours le trouble
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 11 - 09 - 2010

Le film Des Hommes et des Dieux, de Xavier Beauvois, évoque les trois dernières années de la vie des moines trappistes du monastère de Tibéhirine, jusqu'à leur assassinat en 1996, et relance les nombreuses questions autour de ce massacre, qui avait suscité une forte émotion à l'époque et qui reste entouré de mystère.
Fondé en 1938, le monastère trappiste de Tibéhirine est situé au cœur des montagnes de l'Atlas, dans la région de Médéa, à 90 kilomètres au sud d'Alger. Très intégrés et proches de la population à laquelle ils apportent notamment une aide médicale, les moines se consacrent à la prière et vivent du travail de la terre.
Dans la nuit du 26 au 27 mars 1996, à 1 h 15, une vingtaine de personnes pénètrent de force dans l'enceinte du monastère, où ils enlèvent sept moines. Deux membres de la communauté, qui dormaient dans une autre partie du monastère, échappent aux ravisseurs.
Les groupes islamistes armés sont très actifs dans ces montagnes et les religieux connaissaient le danger. Entre le printemps 1994 et l'été 1996, dix-neuf religieux catholiques ont été assassinés en Algérie, parmi lesquels les sept moines de Tibéhirine et l'évêque d'Oran, Mgr Pierre Claverie, tué le 1er août 1996.
L'enlèvement des religieux français est revendiqué le 18 avril par Djamel Zitouni, chef du Groupe islamique armé (GIA). Dans un communiqué, les terroristes assurent que les moines sont toujours vivants et proposent de les relâcher en échange de la libération d'islamistes emprisonnés en Algérie.
Le 30 avril, un envoyé des ravisseurs se présente au consulat de France à Alger et livre une cassette audio dans laquelle l'un des moines, Christian de Chergé (le prieur de la communauté), dit notamment : « Il est demandé au gouvernement français de libérer un certain nombre d'otages appartenant à ce groupe en échange de notre libération, cet échange semblant être une condition absolue. »
En France, deux filières s'activent pour mener les négociations : d'un côté, la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), à la demande du premier ministre de l'époque, Alain Juppé ; de l'autre, Jean-Charles Marchiani, sollicité par le ministre de l'intérieur d'alors, Charles Pasqua, pour se rapprocher du renseignement militaire algérien. Mais début mai, Alain Juppé désavoue officiellement le groupe Marchiani et lui demande de cesser « toute tractation relative aux moines de Tibéhirine ».
Le 21 mai, un communiqué attribué au GIA annonce la mort des moines, rendant « le président français et son ministre des affaires étrangères » responsables de la rupture des négociations et donc de l'exécution. « Nous avons tranché la gorge des sept moines, conformément à nos promesses », est-il écrit. Neuf jours plus tard, le gouvernement algérien annonce la découverte des dépouilles des moines, sur le bord d'une route, près de Médéa. Le Père Armand Veilleux, procureur général de l'ordre cistercien, auquel les moines appartenaient, exige de voir les corps et constate alors que seules les têtes des moines ont été retrouvées.
Ce massacre suscite une très forte émotion en France. Les obsèques ont lieu à Alger, le 2 juin 1996. Les moines sont enterrés deux jours plus tard au monastère de Tibéhirine.
Quatorze ans après les faits, les circonstances de la mort des religieux français restent mystérieuses. Selon la version officielle, le GIA est responsable de l'enlèvement et de l'assassinat des moines. Il espérait par ce massacre imposer son autorité sur la région. Mais cette version est controversée car les corps des moines n'ont jamais été retrouvés.
Une plainte avec constitution de partie civile a été déposée à Paris, le 9 décembre 2003, par des proches des victimes. Le parquet de Paris a ouvert en février 2004 une information judiciaire pour « enlèvements, séquestrations et assassinats en relation avec une entreprise terroriste ».
» ZUT ! NOUS AVONS TUE LES MOINES ! «
En 2006, nouveau rebondissement : dans son livre Passion pour l'Algérie, John Kiser rapporte que « l'attaché militaire de l'ambassade de France aurait admis que les services de renseignement avaient intercepté une conversation dans laquelle un pilote d'hélicoptère algérien disait : ‘Zut ! Nous avons tué les moines !' » En juin 2009, cet attaché militaire, le général François Buchwalter, confirme avoir reçu en 1996 les confidences d'un officier algérien selon lequel les moines auraient été tués par erreur lors d'une opération de l'armée algérienne contre un camp du GIA. Les militaires auraient alors décapité les cadavres pour faire croire à un assassinat par des islamistes. Il assure par ailleurs en avoir informé les autorités françaises, qui lui auraient demandé de se taire.
L'avocat des parties civiles, Me Patrick Baudoin, accuse alors le juge d'instruction chargé de l'enquête, Jean-Louis Bruguière, d'avoir cherché à « étouffer » l'affaire en refusant notamment de recueillir le témoignage de François Buchwalter (lire l'article de Mediapart du 8 juillet 2009).
En 2007, Jean-Louis Bruguière est remplacé par le juge antiterroriste Marc Trévidic. Parmi une série de documents déclassifiés fin 2009 figure une note de l'ancien ambassadeur de France en Algérie, Michel Lévêque, rapportant les constats faits par « le médecin de gendarmerie de [l']ambassade » qui avait identifié les corps, le 31 mai 1996. Selon cette note, « les boîtes osseuses ne portent aucune trace de projectile ». En revanche, l'un des crânes comporte une trace de fracture, « laissant à penser que les décapitations ont été effectuées par une arme blanche et lourde ». Le document indique également que selon l'analyse du médecin de la gendarmerie « le décès pourrait remonter à une période située entre le 16 et le 21 mai ».
Mais le médecin en question, Tantely Ranoarivony, entendu par le juge Trévidic en juin 2010, a nié être l'auteur de ces constats : « Je ne me souviens pas avoir donné à l'ambassadeur ces indications qui paraissent très précises et très techniques », a-t-il déclaré, selon le procès-verbal de son audition consulté par Le Monde (lire l'article – en zone abonnés – du 8 septembre 2010), ajoutant : « Je n'ai pas donné d'indication sur la datation des décès car je ne suis pas médecin légiste. »
DECOUVERTES TROUBLANTES
Ces déclarations troublantes viennent s'ajouter aux interrogations suscitées par la découverte dans un coffre laissé dans le bureau du juge Trévidic par son prédécesseur de cassettes-vidéo de terroristes repentis, transmises par les autorités algériennes, et qui n'ont jamais été versées au dossier par M. Bruguière. Récemment traduites, ces bandes datant de 2006 confirment que des opérations militaires ont été menées dans la zone où étaient détenus les moines, contrairement à ce qu'avait déclaré Alger à Paris. Elles font également mention du nom d'Abderrazak el-Para, sur lequel les plus grands doutes subsistent. Cet homme est soupçonné d'avoir été un agent double des services secrets algériens, infiltré au sein du GIA puis du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) afin de manipuler ces deux mouvements et d'entretenir un climat de terreur favorable au pouvoir algérien et à sa politique.
Ces découvertes relancent les questions sur la possible implication de l'Etat algérien dans la disparition des moines français.
Emmanuelle Chevallereau


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