La presse algérienne rapporte que le dernier conseil des ministres qui s'est tenu lundi dernier, sous la houlette du Président Bouteflika, a stupéfait les ministres, Ahmed Ouyahia et tous ceux qui y étaient présents. Nous apprenons que Bouteflika aurait discouru pendant plus de 45 minutes, sans discontinuer. Tiens, tiens…Il a donc retrouvé la forme depuis son dernier discours à la nation. L'appel de Me Ali Yahia à l'armée, pour déposer un président impotent n'est donc plus d'actualité, semble-t-il. Voici ce que le Président aurait dit, entre autres déclarations, tout aussi fracassantes: «Nous avons choisi de ne pas soumettre le projet de révision de la Constitution à l'actuelle Assemblée et vous savez tous pourquoi. Je veux que la révision de la Constitution soit l'œuvre d'une Assemblée réellement représentative et légitime.» Que c'est beau tout ça ! La révolution d'un Président contre un régime dont il est lui-même l'un des rouages les plus importants, si ce n'est le plus important. Un président qui reconnait enfin que le parlement le moins représentatif du monde est issu de la fraude électorale. Mieux vaut tard que jamais, n'est-ce pas? Oublions, s'il vous plait, que le dernier, et actuel, mandat de ce président révolutionnaire est lui-même le fruit d'une violation de la Constitution, et d'un bourrage des urnes qui a recouru jusqu'à des « électeurs » décédés. Mais le plus révolutionnaire dans ce scénario de super production, est que ces réformes, que nous promet notre président révolutionnaire, vont être menées par le non moins révolutionnaire président du Sénat, qui est lui-même issu, vous vous en doutez bien, de la fraude électorale. Il est vrai qu'il a le privilège d'appartenir à une famille originaire du même village natal que la famille de son pote Bouteflika. Ce critère est d'une importance capitale, pour ceux qui ne l'auraient pas remarqué, puisque c'est le sésame qui a permis à plusieurs « pays » d'être nommés à des postes clés, et à puiser sans compter dans les caisses de l'Etat algérien. Il faut savoir, en effet, que les gens issus de ce même village, ou plus précisément de lieux-dits, disséminés dans une petite vallée au coeur des monts qui surplombent Nedroma, sont très solidaires les uns avec les autres. ils ont développé, depuis que leurs familles s'étaient réfugié au Maroc, une sorte de sentiment d'appartenance à une même diaspora. Ils continuent de fonctionner de cette manière. Tout le monde aura remarqué que la plupart des très proches collaborateurs de Bouteflika ont été choisis sur ce seul critère. Ils ne sont pas originaires de Tlemcen, comme on le croit généralement, même si certains parmi eux y sont nés, mais de bourgades montagneuses près de Nedroma, et plus précisément des lieux-dits Djeballa et Dar Amar. Ces populations, dont certaines qui étaient restées berbérophones jusque dans les années 50, étaient quelque peu méprisées par les Nedromis de souche, qui se considéraient comme de purs Andalous, contrairement aux ‘Baïls(Comme leurs ancêtres andalous, Les Nedromiens de souche ne disent pas Kbaïls, mais ‘baïls. Ils ne disent pas Karmous, mais ‘armous. Le « k » est toujours victime d'apocope.) Il faut reconnaître à ces populations, qu'elles ont massivement rallié la révolution algérienne, et qu'elles ont particulièrement souffert de la répression coloniale. C'est cela qui les incita à émigrer au Maroc voisin, et plus particulièrement à Oujda. Un flux migratoire tellement important qu'il entraîna celui d'autres populations de la région, y compris de celles qui s'étaient installées à Nedroma et Tlemcen. Curieusement, les enfants de ces familles qui avaient trouvé refuge au Maroc, et qui sont devenus aujourd'hui les maîtres de l'Algérie, se sont montrés particulièrement ingrats à l'endroit de ce pays frère qui leur avait ouvert les bras en des moments tragiques. Mais enfin… Cette digression était nécessaire, pour tenter de comprendre ces ressorts secrets qui agitent ces gens qui sont devenus les maîtres de tout un pays, par la combinaison de circonstances et de retournements parfois ahurissants. Pendant la révolution, ils ont toujours su s'agglomérer autour des Clans les plus forts. Ils furent très présents au MALG. Ils surent s'incruster dans des positions enviables, et envoyèrent plusieurs des leurs faire des études poussées au Maroc et dans des universités étrangères, avant et après l'indépendance. Après l'indépendance, leurs enfants furent parmi les plus nombreux à bénéficier de bourses pour des études à l'étranger. Voici comment ils fonctionnent. Même lorsqu'ils croient agir, dans leur intime conviction, pour le seul intérêt de la nation, c'est toujours dans une logique de diaspora et d'esprit du clan. Comme pour toutes les communautés qui ont été contraintes de s'expatrier, et qui reviennent en vainqueurs vindicatifs au pays d'où elles ont été chassées. C'est ce que nous devrions tous faire. Mais à un niveau beaucoup plus vaste, qui englobe tout le pays. Puisque, d'une certaine manière, une clique a pris possession de notre patrie, et qu'elle l'a confisqué pour son seul profit. Ne sommes nous pas devenus, nous aussi, nous tous, des « ghorbas » dans notre propre pays ?