Le peuple algérien est-il un eternel enfant à qui on doit tout cacher, à la place de qui on doit décider à chaque fois ? Cette question ne m'est pas tombée du ciel ; elle est le résultat de la conduite de nos dirigeants politiques. Comment former des militants et relancer un débat politique constructif si tous les acteurs de la scène politique préfèrent s'engouffrer dans des concepts singuliers ou le silence, la peur, l'intrigue, la cachoterie et le secret sont de mise ? Comment organiser une élection libre et transparente lorsque le peuple et les militants de base ignorent tout de leurs futurs candidats, lorsque l'autoritarisme, le trafic d'influence et la corruption règnent sur notre vie politique ? Pourquoi ce ne sont pas les militants de base qui désigneront les candidats de leurs partis respectifs au suffrage du peuple ? Pourquoi les dirigeants de partis se retranchent-ils dans des bunkers, en l'absence de leurs militants de base pour designer les futurs candidats qui seront portés sur leurs listes respectives ? Pourquoi tant de secrets, d'intrigues, de cachoteries sur une élection dont on dit qu'elle sera un point de rupture avec la fraude et qui engage d'abord et en premier lieu le destin du peuple ? Le peuple dont tout le monde parle, dont tout le monde glorifie le sens des responsabilités morales, le patriotisme et les vertus citoyennes ne peut-il pas distinguer entre le bien et le mal, entre la vérité et le mensonge ? Sommes-nous en présence d'une élite apollinienne possessive à outrance, narcissique qui refuse le changement, qui refuse de passer la main aux nouvelles générations dont le gout est porté sur l'aventure, l'innovation, le savoir, l'ouverture et la conquête ? Sommes-nous en présence d'une caste apollinienne dont les membres ont passé un accord tacite en l'absence et contre le peuple ? Nous sommes à quelques jours seulement de la date fatidique du 10 mai et le pays qu'on exhorte à une participation massive pour montrer l'unité du peuple au reste du monde, ne sait toujours rien sur ces futurs parlementaires, sur les futurs candidats qui auront la charge de gérer les destinées de la nation. Pourquoi les partis refusent-ils de se dévoiler au peuple ? Que craignent-ils ? Pourquoi cette politique de l'intrigue, de la rumeur, de la suspicion et du secret ? Nous sommes certains qu'à quelques jours du scrutin, le peuple découvrira avec stupéfaction des candidats qui outre leur ignorance des vertus de la démocratie et leur gout excessif pour le gain facile, ne connaissent même pas leurs villages, leurs douars et leurs propres familles. Des candidats parachutés par des sphères occultes aux noms de la liberté, de la démocratie et des constantes nationales. Voila donc les élections dont on dit qu'elles seront historiques ; dont on dit qu'elles traceront les chemins d'un avenir radieux au peuple ! Soixante ans après le 1er novembre 1954, l'Algérie n'arrive toujours pas à sortir de la logique « colonisée » des faux « ihadriyen » (citadins aisés) et des faux « idjawaden » (chevaliers nobles) dépositaires de la souveraineté nationale qui estiment que sans eux il ne pourrait y avoir une autre Algérie. Soixante après le 1er novembre 1954 l'Algérie n'arrive toujours pas à se transformer en une nation avec des institutions bien établies au service de la citoyenneté et du savoir et à construire une élite capable de comprendre les enjeux du moment et de relever les défis auxquels se heurte le pays. C'est dans cet esprit empreint d'un romantisme archaïque et dégradant, d'un paternalisme chiant et condescendant qu'on incite le peuple qu'on exclu sans état d'âme de toutes les décisions qui engagent son destin, a voter massivement le 10 mai prochain. Peuple algérien, cette élection est une arnaque. Elle ne peut pas te mettre à l'abri des convoitises des grandes puissances parce qu'elle porte la marque indéniable des tricheurs, des faussaires, des mercenaires, des traitres et des criminels qui ne peuvent pas lever les yeux devant l'Occident.
