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Pour un renouveau de la pensée islamique.
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 28 - 08 - 2013


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Islam et modernité :
L'islâm, à travers son histoire et comme toutes les autres religions, a connu plusieurs interprétations, comme le confirme les différentes écoles de pensée ayant germé au cours des successives phases de la vie humaine. C'est dire qu'il ne s'est jamais séparé de la modernité à travers les divers âges de mutations philosophiques et sociales. Aucun d'eux ne s'est développé en dehors des facteurs historiques et des mentalités des hommes qui les étudiaient et leur imprégnaient de nouveaux visages. Autant affirmer que l'application de l'islâm et celle de la modernité n'ont pas été des opérations abstraites, cohérentes et homogènes. L'une et l'autre ont traversé des crises, connu diverses conceptions et se sont heurtés à différentes oppositions internes.
En définitif, il est certain qu'il n'existe qu'un seul islâm mais une pluralité d'adaptation, de la même manière qu'il n'y a pas une seule modernité mais une multitude de conceptions. Les approches scientifiques, philosophiques, juridiques, sociales... de l'islâm se conçoivent, au même titre que tous les phénomènes de la nature et de l'humanité, dans le conteste de l'époque. Autrement dit, toute étude de l'islâm et son adéquation avec la vie contemporaine ne peuvent être que plurielles. Un regard nouveau, sur ses données et ses finalités dans le monde actuel, est nécessaire parce que la marche inexorable de l'histoire de l'esprit et de la matière s'impose à la pensée humaine.
La modernité est un concept qui s'inscrit et s'incruste dans l'univers et en nous-mêmes. Elle ne peut aucunement se détacher de la vie de l'homme et de l'évolution de son histoire. Aucun être humain ne peut s'en séparer, sans renier son propre être et le mouvement de la pensée. Il n'y a pas lieu donc de s'étonner de joindre le qualificatif moderne à islâm. Autrement dit, l'islam est moderne de par son essence, sinon il ne serait pas valable, selon l'expression d'usage « fî kulli makân wa fî kulli zamân = dans tous les espaces et dans tous les temps. » Encore faut-il qu'il ne soit pas un instrument religieux pour assouvir des ambitions politiques. Ce n'est donc pas au politique de commander la religion mais c'est à celle-ci d'orienter les activités étatiques et gouvernementales.
Le besoin du changement
Le tort des dirigeants politiques d'un « islâm, religion d'Etat » et d'une société musulmane porte sur le fait de restaurer une vision de l'islâm contraire aux valeurs de la « shûra » et de son articulation dans tous les domaines de l'activité humaine. Agir autrement, c'est tourner le dos aux riches et divers legs de l'histoire politico-sociale qui, depuis la constitution des « Etats modernes », se sont incorporés dans la culture et les valeurs islamiques, de la même manière que la civilisation grecque, perse et indienne, d'une certaine époque lointaine, s'était fondue dans le moule de l'islâm pour faire émerger un monde nouveau et différent du grec, du perse et de l'indien. Le monde présent a banni le monolithique et a ouvert ses portes à la pluralité et à la diversité. Il faut seulement avoir le courage de repenser le passé en le conjuguant avec le présent, au lieu d'y percevoir la menace d'une rupture ou d'une trahison avec notre patrimoine. C'est là le principal défi de notre temps. Tous les autres chalenges découlent de cet axe central. Ne pas le relever, c'est végéter dans le conservatisme dévastateur et meurtrier de l'identité et la personnalité islamique dans ses saines racines et ses pures profondeurs.
En effet, les idées contemporaines effraient les partisans d'un conservatisme attaché littéralement et aveuglément à l'islâm des premiers temps, sans prendre la peine de réfléchir à une certaine similitude de ses concepts sociaux et humains avec ceux des temps modernes. En effet, les droits individuels et publics, tels que le droit de parler et d'écrire, le droit de s'instruire et d'assimiler toutes les sciences, le droit à la liberté de conscience et de jugement, s'inscrivent pourtant en lettres majuscules dans le Coran. N'est-ce pas que le Livre de Dieu tend à ériger l'Homme en un être libre et raisonnable, dont la soumission n'est due qu'au Seigneur des univers ? Il est vrai qu'il n'y a pas d'autre servitude que celle réservé à la Volonté et à la Toute Puissance du Créateur.
Il est pourtant nécessaire et indispensable de mentionner que cette soumission n'est pas mécanique. L'homme éprouve une crainte révérencielle et non point physique. C'est pourquoi cette « servitude » est essentiellement un Amour réfléchie, raisonnée et conscient et non point béat. Ce n'est pas en vain que Dieu multiplie Ses appels à la raison, à la réflexion, au raisonnement et au discernement. Ainsi, sans absolument rien changer ou modifier aux Attributs divins, l'homme de notre siècle, forts des multiples et divers acquis historiques, pense Dieu, sincèrement et avec foi, selon une vision différente que celle du passé. C'est une perception vivante et non pas passéiste. Le croyant, armé de ses convictions religieuses, adore l'Etre suprême qu'il ne voit pas, alors que Lui le voit. Son obéissance religieuse est non seulement une obligation mais un devoir.
Ainsi, le croyant ne rompt pas avec les faits du passé mais la rupture se réalise du point de vue des idées qu'il construit sur le présent. Il ne peut pas agir autrement dès lors que les conceptions traditionnelles de la vie et du monde diffèrent de celles qui se développent d'un siècle à un autre et dans certaines situations, s'opposent à elles et se heurtent entre elles. Ce ne sont les valeurs islamiques qui dressent des obstacles aux révisions, aux perfectionnements et donc à la remise de soi mais c'est ce sont ceux qui prétendent défendre l'intégrité de la religion contre l'accélération des époques qui en sont les responsables. Pourtant, se cantonner dans des anciennes visons, c'est donner naissance à des crises culturelles et civilisationnelles inextricables et, par voie de conséquence, c'est se tenir à la traîne du progrès. C'est donc se maintenir et se situer, dans le tems et l'espace, en dehors de la contemporanéité.
Le danger de l'acculturation
Les oulémas des premiers temps ont su défendre et protéger la pureté des fondements et des structures de l'islâm, ainsi que sa cohésion et sa cohérence. Ils les ont sauvegardés contre leurs ennemis extérieurs et face aux dissensions intérieures. Cependant, les générations futures n'ont pas compris qu'il fallait suivre le processus du temps et changer leur mode de pensée. Si les premiers ont été les gardiens réfléchis de la pensée islamique, les suivants, et jusqu'à nos jours, se montrent, au fil du temps, incapables de se renouveler. La terminologie du langage de la génération même après les indépendances, quant aux perspectives d'avenir, est restée la même, sans aucune adaptation au style des changements et des renouveaux. C'est toujours les yadjouz et les lâ yadjouz, les obligations et les devoirs qui reviennent dans leurs discours religieux chaque fois qu'ils traitent des affaires de l'islâm, comme si notre monde n'a vécu aucune transformation radicale. Les mieux disposés se limitent uniquement aux approches historiques en rappelant les valeurs du patrimoine islamique. Ce n'est pas de cette manière d'avancer la réflexion dans le sens du renouvellement de la pensée musulmane.
Les érudits actuels des sciences islamiques, enracinés dans le passé et attachés fermement aux notions traditionnelles, se laissent encore dépassés par l'avancement des événements institutionnels, sociaux, politiques et économiques dans le monde mais aussi dans l'univers islamique. Ainsi que le relève le professeur Abdul Karim Soroush[1] : « Malheureusement pour nous, la plupart des oulémas restent très conservateurs dans leurs perspectives et sont engagés dans une hermétique conservatrice. Ils passent leur temps dans des discussions infinies sur des questions de doctrines et de théories légalistes, tandis que leur approche des défis de la modernité reste réactive. Leur appréhension du monde moderne s'avère plus politique que philosophique ou rationnelle. Ainsi, ils ne peuvent pas répondre de manière critique et intelligente aux défis de la modernité. »
Cette attitude est aussi celle de l'intellectuel musulman dit « réformateur » alors que son esprit reste colonisé. Consciemment ou inconsciemment, il s'enseigne la culture d'autrui par rapport à la sienne parce qu'il a été conditionné, pendant de longues années, par des facteurs culturels étrangers à sa culture. La déculturation et la dépersonnalisation le guettent. Elles l'ont, plutôt, déjà atteints puisqu'il n'est plus maître de lui-même, n'étant plus qu'une terre glaise malléable entre les mains des puissants de son époque. Il ne peut en autre autrement puisque la culture étrangère l'étouffe et se laisse emporter par la spirale de l'aliénation. Il n'est qu'à observer certains « nouveaux penseurs » de l'islâm, plus préoccupés d'imiter bêtement leurs maîtres à penser plutôt que de redorer le blason de leur culture, de ne pas trahir leur patrimoine et enfin d'être eux-mêmes dans la construction d'une nouvelle civilisation universelle.
Le monde musulman, dans sa globalité, s'incline devant les « dominateurs » et adopte ses valeurs ainsi que le dit Ibn Khaldoun : « Ils veulent toujours imiter le vainqueur dans ses traits distinctifs, dans son vêtement, sa profession, ses coutumes. Alors l'âme imagine la perfection dans l'individu qui occupe le rang supérieur et se subordonne en adoptant toutes les manières du vainqueur pour mieux s'assimiler à lui. »
En définitif, l'intellectuel musulman, aussi assidu à ses devoirs religieux qu'attaché à ses droits et à la liberté limitative de la raison, ne croit pas à une modernité monolithique. Il est celui qui, tout en inscrivant l'islâm complexe et pluriel dans le mouvement universel de la civilisation, lui garde toute sa singularité et ses particularités. Dans cette perspective, plutôt que de s'adonner à du copier-coller, il lui appartient d'être imaginatif et créatif. Tout en s'éloignant des visées conservatrices des oulémas traditionnalistes et des « modernistes » occidentalisés, il doit éviter de tomber également dans les pièges de la laïcité oppressive de l'Occident. Que faire alors ?
Dans ce contexte, la contribution, avec une vision islamique, des théologiens, des sociologues, des historiens, des philosophes, des spécialistes des sciences sociales, humaines et religieuses etc. est à la fois nécessaire et indispensable. C'est dire que toutes ces disciplines s'entremêlent intelligemment pour instaurer un lumineux savoir contemporain. Le monde musulman possède un énorme potentiel culturel et intellectuel à même de relever présentement tous les défis nationaux et internationaux, en agissant dans le cadre d'institutions publiques et privées, d'associations et autres structures politico-sociales et, pourquoi pas, au sein d'une assemblée islamique mondiale, avec ses commissions suivies, ses consultants et ses séances plénières à des dates déterminées.
L'islâm et quelques défis contemporains :
Le premier et le principal défi des musulmans est celui de se changer eux-mêmes pour être à même de rénover leurs connaissances, de stimuler les transformations de leur société au même rythme que la marche de l'histoire universelle. Bien sûr, ils savent qui ils sont, mais il ne semble pas qu'ils soient tout à fait conscient de la mesure de la juste valeur de leur rôle dans le cours de la vie et ne saisissent pas la véritable dimension de leurs relations avec le monde extérieur. Si réellement ils n'ignorent pas qui sont-ils, c'est que certainement ils n'activent pas, comme il se doit, pour s'inciter à combler l'immense retard de la pensée islamique par rapport aux autres pensées humaines.
Si la plupart des musulmans appliquaient ce principe « connais-toi toi-même » et, comme l'a dit ‘Umar Ibn al-Khattâb, en son temps « demande des comptes à toi-même avant qu'on ne te les demande. », ils ne limiteraient pas leur religion à la seule rubrique du licite et de l'illicite et ne la cantonneraient pas à la seule connaissance du fiqh. Non seulement ils en font la somme de tout le savoir, comme si en dehors de cette science, il n'y avait que le néant, mais ils élèvent aussi son mérite au même rang que le coran. Autant dire qu'ils se font les complices d'un associationnisme intellectuel puisque ils situent une œuvre humaine à la même hauteur que l'œuvre divine.
La plupart des musulmans se comportent comme si leur société ne vit que de normativité. Ils sont intéressés par le halâl et le hâram, par le kufr (l'incroyance) à chaque innovation, combien même serait-elle louable. Quant à leurs besoins scientifiques, politiques, sociaux et économiques, ils abandonnent la recherche de leurs solutions à l'Autre. En d'autres mots, la réflexion sur les sciences pures, sociales et humaines à la lumière du Coran et de la Sunnah se caractérise par la faiblesse et la paresse puisque ces gens se contentent de reprendre à leur compte la productivité des idées d'autrui.
Certes, la plupart de ces musulmans envisagent d'accéder au Paradis. Tous leurs efforts religieux convergent dans ce sens, comme si la responsabilité du vicariat, qu'ils assument en ce monde, suffisait à gagner la confiance du Créateur. Quand nous disons que ces musulmans ne se connaissent pas eux-mêmes, c'est parce qu'ils amputent de cette lieutenance sur terre la partie où il est commandé de travailler et de construire. Aussi perdent-ils de vue que les musulmans agréés par Dieu sont ceux qui, en grosses lettres, inscrivent dans leur vie ou même l'incrustent ce concept : construire une civilisation (al-‘imrân) sur la base des valeurs et d'une nouvelle pensée islamique.
Un second défi, lié d'ailleurs au premier, porte sur l'idée de communauté que nous avons égaré dans les labyrinthes de l'histoire. La matérialité de l'existence a fait naître, dans l'esprit et le cœur de la plupart des musulmans, des sentiments individualistes. Le soif de l'autorité et du pouvoir a fait germer l'individualisme et a fait oublier le moteur du mouvement d'une société, à savoir la concertation (ash-shoura). Il s'ensuit que le défi à relever porte sur la restauration de la Umma al-islâmiyya. En effet, la première constitution de l'Islâm, celle de Médine prônée par le Sceau des envoyés (s) exposait les grandes lignes non pas d'un Etat islamique mais d'une communauté islamique.
Les deux concepts ne sont pas identiques puisque le second envisage la responsabilité d'une lieutenance sans frontière, à l'échelle d'une civilisation mondiale avec ses principes, ses rouages et ses mécanismes supra-étatiques. Il est chapeauté par un parlement consultatif composé de représentants de toutes les sociétés musulmanes. Par contre, la première notion repose sur une vue étriquée d'une nation édifiée et enfermée dans son étroit espace territoriale, dirigée par les seuls nationaux. Ainsi que le rappelle Taha Jabir al-Alwânî[2] : « La communauté musulmane est fondée sur trois valeurs fondamentales : le Tawhîd (l'Unicité de Dieu), la Tazkiyya la purification de l'être humain) et le ‘Umrân (construction d'une civilisation avec ses valeurs). Ces trois valeurs sont considérées comme les objectifs fondamentaux de l'islâm (al-maqâsid ash-sharî'a) ».
Nous vivons l'ère des regroupements territoriaux. L'Europe nous en donne un exemple. Les Etats musulmans ont donc l'obligation d'agir sous l'impulsion d'un parlement et de ses orientations selon les enseignements du Coran, Message universel. Chacun d'eux, selon un système politico-institutionnelle adapté à ses réalités, sa langue, sa culture, ses origines ethniques etc. et en fonction de ses besoins et de ses propriétés mais tous ensemble « jugent d'après ce que Dieu a révélé »i (S.5, 44). Ce verset nous indique les deux principales sources législatives à partir desquelles des règles sont formulées en toute liberté. Il est dès lors de la responsabilité, devant le peuple, de toute autorité représentative et élue de les mettre en œuvre en toute justice. Tous les musulmans sont alors égaux devant la loi. Seule la piété les différencie.
Comme le Coran, ni la Sunnah ne sont des « recettes de cuisine », l'édification des sociétés musulmanes et de leur développement dans tous les domaines ne peut se concevoir qu'à la suite d'un effort de réflexion et d'élaboration plus collectif que personnel, appelé al-ijtihâd. Celui-ci ne peut être opérationnel qu'avec la participation des peuples car « Dieu ne guide pas les injustes ». C'est dire que l'ère des dictatures, des despotismes et de leurs pratiques, des compartimentages claniques, facteur de division et de la fitna, disparaissent à jamais. Dans cette perspective, les musulmans ne font qu'écouter cette sentence de Dieu qui connaît le mieux Ses créatures humaines et sonde leurs cœurs : « L'homme devient oppresseur dès lors qu'il pense être au-dessus de tous. »
Cela suppose l'instauration de la démocratie que nous appelons ash-ashûra et partant, la règle de la majorité. C'est là un autre des grands défis auquel devront faire face les musulmans et leurs élites. Il n'est pas étranger à la conception politique de l'islâm, contrairement aux opinions de certains retardataires. Il va de soi que la démocratie est une méthode de gouvernement et non point un système de valeurs. Autant dire qu'elle ne peut pas être un danger aux énoncés révélés par Dieu. Il n'est d'ailleurs qu'à se remémorer ce hadîth de base du Sceau des envoyés (s) qui rejette l'idée de la suprématie d'un minorité et encore davantage celle d'un seul individu : « Vous devez suivre la majorité (Sawâd al-Athâm) de la oumma ». C'est également le sens large du concept de l'Ijmâ' de la communauté muhammadienne qui, selon le Prophète (s) : « ne sera jamais d'accord sur les actes répréhensibles » parce qu'une minorité n'a pas le droit légal de son côté et n'est pas sensée détenir les manifestations de la vérité.
Ce n'est pas sans raison logique que sur la communauté musulmane s'applique cette belle et véridique expression : Ahl as-Sunnah wa-l-Jamâ'a (les gens de la Sunnah et du consensus). C'est à cette condition que la Oumma al-islâmiyya pratiquera l'équité, la justice sociale, la purification des âmes... et combattra la violence, l'individualisme, la corruption et les discriminations de toutes sortes.
Parmi les autres défis, il convient de compter celui qui a trait à la question à même de rallier les « modernistes[3] » et les traditionalistes, à savoir prendre un nouveau point de départ et réfléchir à un renouveau qui maintiendrait la pureté et le caractère sacré du discours. A cet effet, le seul et le meilleur moyen porte sur la nécessité d'un ijtihâd dans le cadre de nos sources et nos valeurs. Ainsi que le préconise Ebrahim Moussa[4] : « Devant les réalités douloureuses du monde musulman contemporain, les intellectuel n'ont pas d'autres choix que d'inventer de nouvelles catégories, idée et formulations qui leur sont propres. Il nous faut inventer des instruments conceptuels qui soient appropriés à l'ère nouvelle dans laquelle nous nous trouvons. »
Dépassons l'imitation de l'Occident :
Remédier à la situation présente consiste à ne pas céder l'apanage des études islamiques aux seuls oulémas. Il appartient aux intellectuels, versés dans les sciences de l'islâm et ouverts au changement dans le cadre de nos valeurs, d'intervenir dans le champ de la réflexion et des solutions à apporter aux maux des sociétés musulmanes. Il existe à travers le monde musulman des hommes qui analysent aujourd'hui leurs problèmes selon une vision islamique. Il va de soi qu'il est question de ces hommes, musulmans, croyants et pratiquants, qui refusent l'imitation servile de l'Occident. [1] Il existe même des femmes musulmanes telles que Asma Lamrabet et Ali Zahra.
Qui sont ces hommes musulmans et ces femmes musulmanes ? Ce sont ceux et celles qui, sans préconiser une réflexion anarchique et débridée, ne lisent pas, pour autant, le texte coranique et sa doctrine d'une manière littérale, étroite et rigide. Ce sont ceux et celles qui se détachent, à cet effet, des normes ancestrales et s'ouvrent à tous les questionnements possibles de la vie contemporaine. Dans ce contexte, ils et elles recherchent l'éclosion et l'épanouissement d'une pensée politico-religieuse en s'adonnant à un intense activité aussi critique que constructive, tout en préservant leur identité.
Il n'est nullement question de rejeter les sources et les savoirs occidentaux. Cependant, il convient de les recevoir en y jetant un regard critique à la manière des anciens qui s'étaient servi de l'héritage grec pour l'incorporer dans un moule islamique. C'est une des raisons de demeurer soi-même, sachant que le savoir, quelle qu'il soit, n'est pas innocent. il existe toujours un lien étroit entre ses formes et la compréhension des réalités de la vision du monde. Par « modernité » ou « contemporanéité », il convient, pour être plus clair, de ne pas s'aliéner à la pensée moderniste occidentale.
Il est indispensable de faire plutôt preuve d'imagination et de créativité pour ne pas tomber dans les travers dans un Occident décadent avec ses mariages « gay » et sa possibilité d'adopter des enfants, son immoralité et la perversité de ses mœurs, la matérialité de la vie de ses populations, la dislocation de ses familles, l'abandon des pères et mères qui atteignent un âge avancé... D'une manière générale, la vision de la modernité occidentale consiste à acheter la vie de ce monde (ad-dunya) au prix de la vie dernière (al-akhîra) (Coran : S.2, 86). C'est bien le contraire de la doctrine coranique.
Comment caricaturer la modernité occidentale, sachant que le paradigme de la laïcité prend les formes d'une religion spécifique, contraire au monothéisme intégral. Contrairement aux apparences, elle ne s'émancipe pas de la vision chrétienne du monde. Comment aussi singer l'Occident alors qu'il s'embrase et traverse une dangereuse crise morale et spirituelle. Son déclin progressif se camoufle derrière l'avance de la technologie et l'autorité des armes à feu, destructrices de vies humaines. Comme au temps de l'empire romain, les partisans de l'état actuel du monde ne voient pas que les fondements de la « civilisation » dite moderne commencent sérieusement à s'ébranler.
C'est dire que l'Occident, dans son ensemble, a grandement besoin non seulement de se remettre en question et de se ré-évaluer mais aussi de changer sa compréhension de l'Autre au lieu, à travers ses discours emprunts de peur et de haine, de susciter la méfiance, d'entretenir et d'affûter les repoussoirs de la fraternité abrahamique.
[1] Interview accordée à la revue « Etudes musulmanes ».
[2] Penseur irakien, diplômé d'al-Azhar d'un doctorat en études islamiques, installé aux Etats-Unis et un des fondateurs de l'Institut International de la Pensée islamique.
[4] Ebrahim Moussa : Originaire d'Afrique du Sud, il travaille actuellement au département des Etudes Religieuses de l'Université de Stanford. Il a beaucoup écrit sur la pensée islamique et les intellectuels musulmans.
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