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L'Algérie, un beau pays de paix, d'amour et de fraternité
Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 06 - 12 - 2009

Parcourant les pages d'un quotidien national en ligne, je suis tombé sur ce titre : L'Algérie, un beau pays de paix, d'amour et de fraternité. C'était le titre d'un entretien avec Jean-Claude Brialy, comédien français né à Sour-el-Ghozlane.
Pendant quelques secondes, j'ai pensé : «Encore quelqu'un qui nous prend pour des imbéciles!» L'Algérie, un beau pays, certainement, mais un pays de paix, d'amour et de fraternité, c'est moins sûr.
Me ressaisissant, j'ai réalisé à quel point nous étions devenus nihilistes. Quel terrible destin que le nôtre! Des Européens, miséreux pour la plupart, venus des quatre coins de France, d'Espagne, d'Italie, de Malte, avaient, en un siècle – à peine trois générations – pris racine dans ce pays où nos ancêtres ont vécu depuis toujours, et l'avaient aimé – l'aiment toujours – d'un amour passionné, alors que nous en sommes encore à nous demander qui nous sommes, d'où nous venons, où nous allons, et ce que nous faisons dans ce «bled miki» où nous avons eu la malchance de naître et que nous voulons quitter à tout prix, même sur un radeau.
Quel est donc ce terrible mal qui nous ronge et nous empêche de jouir tranquillement de la vie dans ce magnifique pays qui est le nôtre ? Comment avons-nous fait pour nous planter si lamentablement, alors que nous avions tout pour réussir : un beau pays, avec le meilleur climat qu'on puisse souhaiter, une population jeune et instruite, du pétrole et du gaz à profusion ? Sommes-nous des losers ? Sommes-nous un peuple fondamentalement pessimiste, nihiliste même, incapable de construire quelque chose de durable ? L'Algérien est-il vraiment ce sacripant que décrit la blague et qui est prêt à se faire crever un œil pour que son acolyte ait les deux yeux crevés ? Serions-nous un peuple très doué pour faire la guerre (de Massinissa à la guerre de libération, en passant par Rais Hamidou, la liste de nos hauts-faits d'armes est élogieuse, en effet) mais qui tombe dans la déprime une fois l'ennemi vaincu ? Serions-nous, à l'inverse des Allemands, un peuple plus apte à détruire une ville qu'à la faire renaître de ses cendres ? Les tristement célèbres Vandales nous auraient-ils transmis le gène du pillard ?
Je ne crois pas qu'il y ait un déterminisme de la race, mais je crois qu'il y a un déterminisme de la culture.
Enfant, je me suis toujours demandé pourquoi mes camarades de classe d'origine européenne étaient différents de nous, français musulmans, comme ils nous appelaient. Nous étions plus malins, plus rusés et plus agressifs, plus belliqueux qu'eux. Ils étaient naïfs, crédules et couards, djay'hine, comme on dit aujourd'hui. Voila me semble-t-il le nœud du problème : dans notre culture, tout individu qui est naïf, innocent et pacifique est djayeh. Djayeh s'oppose à qafez. Il y a dans notre culture une sur-valorisation de la q'faza et de la rodjla. Ruse et agressivité : les deux armes préférées du faible, de l'opprimé qui doit faire face aux difficultés de la vie dans un milieu hostile.
Des siècles d'oppression, qui remontent au moins à l'occupation turque (1530 environ), ont façonné notre système de valeurs et mis en place nos réflexes de défense. Takhti rassi, Khalliha takhla ou bien `Oum ou `ess hwayejec sont quelques uns parmi les innombrables dictons que la sagesse populaire a érigés en règles de conduite – les chansons cha`bi, particulièrement celles de Dahmane el Harrachi, reflètent clairement la vision du monde pessimiste qui est véhiculée par notre culture. Chacun de nous porte en lui-même, dans le moi social façonné par notre culture, deux éléments antagoniques qui se manifestent dans notre comportement : enthousiastes, généreux, et spontanés de nature, nous devenons, à la moindre menace, même imaginaire, méfiants, roublards et agressifs. C'est comme si notre peuple, fondamentalement optimiste et bon, avait développé des réflexes de survie qui se sont transmis de génération en génération.
Le pire et le meilleur cohabitent en chacun de nous et en font un être à l'équilibre fragile.
On me rétorquera que le peuple algérien n'était pas ce qu'il est aujourd'hui et que la situation que nous connaissons est le résultat du travail de destruction de nos vraies valeurs par les dictateurs et prédateurs qui se sont succédé à la tête du pays depuis 1962. Ce n'est vrai qu'à moitié, pour la simple raison que ceux qui ont gouverné l'Algérie jusqu'à présent ne viennent ni d'une autre planète ni d'un autre pays. Ce sont des Algériens pure huile d'olive, comme vous et moi. Ils sont le produit de notre culture, eux aussi. Plus grave, ils faisaient partie de l'élite qui a dirigé le combat pour l'indépendance. Il me semble, qu'à l'instar de tous les Algériens, les premiers dirigeants de l'Algérie indépendante ont été victimes eux-aussi du syndrome de la q'faza-rodjla. La culture qui les menait à leur insu était celle que notre peuple avait créée durant les siècles d'oppression. Ils n'avaient pas compris que les règles du jeu n'étaient plus les mêmes. Ils n'avaient pas déposé les armes ; ils n'avaient pas baissé la garde. Méfiants et agressifs, ils n'avaient pas compris qu'un changement radical s'était produit. Pour la première fois depuis le 16ème siècle, nous étions maîtres de notre destin, libres de faire ce que nous voulions. Le Turc et le Français étaient partis pour toujours et nous pouvions jouir de notre pays en toute liberté. Notre méfiance et notre agressivité, qui se justifiaient par le passé, n'avaient plus de raison d'être, car il n'y avait plus de soldatesque ennemie prête à envahir nos villages pour incendier nos récoltes et violer nos jeunes filles. Plus de Dey, ni de Gouverneur Général. Plus de janissaires, ni de gardes-champêtres. Plus de caïds, ni de bachaghas. Plus de razzia, ni de vendetta. Les tribus qui, par le passé, se faisaient une guerre incessante, formaient maintenant une seule nation, d'Alger à In-Guezzem et de Tebessa à Maghnia. Tout ce dont nos ancêtres avaient rêvé, siècle après siècle, nous l'avions, el hamdoullah.
L'histoire de l'Algérie indépendante, c'est l'histoire d'un rêve qui s'est brisé.
La machine à broyer les êtres humains se remit en marche, happant de plus en plus d'Algériens, dont le seul tort était leur désaccord avec la politique appliquée par les dirigeants.
Ceux qui ont pris la décision, en 1962, de donner tous les pouvoirs à un groupe, sans aucune possibilité de contrôle par la société, portent toute la responsabilité des crimes commis par la suite. Après deux décennies de marche forcée vers une «vie meilleure» à l'ombre d'un socialisme sans liberté, le groupe dirigeant se découvrit, après la mort du chef charismatique, un appétit vorace pour les affaires. La libéralisation sauvage de l'économie, amorcée après la mort de Boumediène, a, en l'absence de l'Etat de droit, qui constitue le seul antidote efficace contre les méfaits du capitalisme, accentué le caractère rentier de notre économie et instauré un climat de déliquescence générale, les affaires de détournement des deniers publics et de corruption se succédant à un rythme infernal. Le piège s'est refermé sur le peuple algérien : l'Etat est devenu la propriété privée d'un clan qui tient tous les leviers de commande et impose sa loi d'airain à la société. Le sommet de la barbarie et du nihilisme est atteint : tout individu gênant est assassiné. S'il est proche du camp islamiste, on lui fabrique un passé de terroriste ; s'il est plutôt démocrate, c'est une victime du terrorisme. Diaboliquement simple et efficace. De la rodjla, qui nous a bâillonnés, à la q'faza, qui nous a ruinés, à la debza qui a nous a mis KO, voila notre parcours depuis l'indépendance.
Comment s'en sortir ?
Nous devons faire un grand travail sur nous-mêmes, afin d'extirper de notre culture tous ces réflexes négatifs, cet esprit belliqueux et ce nihilisme que nous ont légués nos ancêtres – bien malgré eux – et qui sont profondément enfouis dans notre inconscient collectif, dans notre culture.
Il est certain que ce changement d'attitude ne pourra se réaliser pleinement que lorsque le droit et la justice deviendront effectifs dans notre pays. Il n'en demeure pas moins que l'Etat de droit est aussi un rêve, et que si le nihilisme continue à prendre le dessus et à nous retenir prisonniers, ce rêve ne se réalisera jamais. L'Etat de droit c'est d'abord des institutions et des règles de gouvernement, certes. Mais c'est aussi une culture. L'Etat de droit ne peut prendre sur notre terre, qui a connu tant de siècles d'oppression, que si nous le soutenons avec la culture appropriée. Cela est d'autant plus vrai, que cette forme moderne de l'Etat a été en Europe l'œuvre de la bourgeoisie. L'évolution historique de notre pays, ainsi que de tous les pays du tiers-monde, a fait que cette classe sociale n'a pas pu se développer. La mise en place de l'Etat de droit dans ces pays ne peut donc se faire que sous la forme d'une «greffe». Ce ne peut être que l'œuvre consciente des élites éclairées de la société.
Aujourd'hui, trois institutions jouent un rôle essentiel dans la fabrication et la transmission de la culture d'une société : la famille, l'école et les médias. Chacune d'elles peut jouer un rôle décisif dans l'enracinement des valeurs positives dans notre culture et dans la société: optimisme, confiance, solidarité, civisme, respect de la personne humaine et des lois, etc. Si la famille est un lieu dont l'intimité doit rester sacrée, l'école et les médias sont, par contre, les instruments les plus efficaces pour faire progresser le projet d'assainissement du climat social dans notre pays.
Les forces qui s'inscrivent dans l'opposition doivent dès à présent, à travers les médias, faire la chasse au nihilisme et propager la culture de l'optimisme et de la confiance en soi et en autrui. Une des priorités de l'Etat de droit que nous appelons de nos vœux devra être la mise en place d'une école nouvelle qui façonnera les Algériens du 21ème siècle, ceux qui pourront dire aux visiteurs étrangers : «Bienvenue en Algérie, notre pays, un beau pays de paix, d'amour et de fraternité.»


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