Il a peut-être adouci le ton et lifté le mode opératoire mais l'arrière-pensée est restée la même. Avant, le MSP brandissait à l'orée de chaque rendez-vous électorale, cette menace : s'il y a fraude, ceux qui l'ont organisée assumeront l'entière responsabilité de ce qui en découlera. Evidemment, il fallait comprendre par «fraude», la défaite de ses candidats, «naturellement» promis au succès dans un scrutin loyal ou, pour reprendre la formule consacrée, «propre et honnête». Pour «ce qui en découlera», tout le monde sait que si l'envie ne lui en a pas manqué, la mouvance «islamiste modérée» n'a jamais eu les moyens de la sédition et elle en a moins, maintenant que beaucoup d'eau a coulé sous les ponts. Ce sont précisément ces flots qui ont emporté les prétentions populaires du MSP qui semblait avoir définitivement rangé ses ambitions insurrectionnelles sans vraiment se départir de sa matrice idéologique qui, au moment des grands enjeux, susurre la rébellion comme stratégie politique à la manière dont ressurgirait une seconde nature. Mais les choix tactiques de l'entrisme tous azimuts étant plus forts et surtout plus réalistes, Makri comme ses prédécesseurs à la tête du parti n'ont jamais perdu le nord. Ils ont su à chaque fois qu'au point où étaient les choses, les élections n'allaient être ni propres ni honnêtes mais ils y allaient quand même pour gratter des strapontins qui permettraient de voir venir. C'est peut-être à ce niveau qu'ils n'ont pas mesuré le risque encouru : une érosion mortelle de leur véritable identité politique qui maintient encore, bon an mal an, ce qui leur reste comme ancrage dans le pays. D'où les tentatives velléitaires de rassembler la nébuleuse écartelée sous un même toit qui lui redonnerait de la chaleur. Ces entreprises ont toutes tourné au bide, ce qui a pesé en partie dans les nouveaux choix en solo de Makri qui se découvre désormais d'autres prétentions dont la moindre n'est pas celle de brasser plus large, encouragé en cela par le fait que les frontières politiques dans «l'opposition» deviennent de plus en plus poreuses. On ne sait d'ailleurs pas quelles «propositions» de son cru ont fait l'unanimité en 2014 au sein de la classe politique hors pouvoir comme il vient de le déclarer. Par contre, il n'est pas besoin d'être un fin analyste pour saisir ses motivations, maintenant qu'il revient à la charge. A l'opposition, il se propose, sans le dire expressément, comme le recours... consensuel. Au pouvoir, il formule une disponibilité... menaçante au compromis, si ce n'est à la compromission. Et comme pour rappeler qu'il ne perd jamais le nord, il s'adresse, la menace enrobée, à l'armée : «Même nos militaires ne seront pas capables de faire face aux menaces internes ou externes qui pèsent sur le pays s'ils ne trouvent pas à leurs côtés le soutien de la population sur laquelle nous comptons tous...». S. L.