C'est une «spéciale réveillon». La semaine a été pénible. Les lamentations, les polémiques, les procès d'intention et parfois l'invective ont pris toute la place dans un moment où tout devait être dédié à la fête. Cela a commencé par cette ruée des compatriotes vers la Tunisie. Plus besoin de revenir sur les images qui ont fait le tour du monde, dans toutes leurs déclinaisons. Mais il faut bien revenir sur ce qui en a été dit. En premier, cette leçon de patriotisme qu'on a surprise parfois dans la bouche de ceux qu'on n'attendait pas. Heureusement que des voix, plus lucides et moins ronflantes, ont posé les vraies questions, comme celles du niveau de développement de notre tourisme, de l'état des libertés et du pouvoir d'achat. Les histoires de patriotisme en l'occurrence ne sont que des… histoires. La semaine a été pénible. Puisqu'il y a des gens qui veulent savoir pourquoi leurs compatriotes vont en Tunisie pour passer le week-end du réveillon alors qu'ils ont un vaste et beau pays, voilà. D'autres Algériens se sont chargés de leur donner quelques explications qui ne manqueront pas de les édifier sur la question, même si, au fond, tout le monde les connaît. Enfin pas vraiment tout le monde, puisqu'il y en a encore des vigiles de la patrie toujours disponibles pour le discours patriotard qui s'effiloche pourtant devant le moindre argument de bon sens. La semaine a été pénible parce qu'on a vu des gargotes proposer des «formules réveillon» à des prix à donner non pas le vertige mais le coma profond. On a vu des menus composés de «scaloupe», de ratatouilles et de yaourt au dessert. On a vu des restaurants relookés pour la circonstance avec des décors de maison close. On a vu d'autres restaurants où il est affiché que les jupes et les robes courtes sont interdites. On a vu des personnels surveillant plus la tentation au câlin des jeunes couples plus qu'ils ne veillent au confort de leurs clients. On a vu des «palaces» où le livret de famille est toujours de rigueur. On a vu des taxis tripler leur prix. On continue ou ça vous suffit, messieurs ? La semaine a été pénible, beaucoup de boulangers pâtissiers croient toujours que c'est malin d'afficher qu'ils ne vendaient pas de bûches de réveillon. Personne ne leur a demandé d'en vendre mais il fallait qu'ils étalent leur alignement, des fois que les barbus du coin en douteraient. Certains d'entre eux ont poussé plus loin la bigoterie, en proposant des bûches servies dans la discrétion des lâches. La semaine a été moins pénible, beaucoup d'Algériens continuent à faire la fête malgré tout. Sinon on n'aurait peut-être pas pu en parler. S. L.