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Le squatteur
C'est ma vie
Publié dans Le Soir d'Algérie le 04 - 05 - 2019

Radia avait perdu tout espoir de refaire sa vie après le décès de son mari. Qui accepterait d'une femme qui a dépassé la trentaine et qui élève trois enfants. S'était-elle résignée ?
Elle s'attendait donc à finir le restant de ses jours seule, elle se contentait de l'aide familiale et de ce qu'elle gagnait en réalisant des travaux de ménage chez des particuliers pour subvenir aux besoins de sa famille. Heureusement qu'avant de quitter ses deux enfants et son épouse, Atmane, son défunt époux, a pu bénéficier d'un logement social. Ils vivaient ainsi cachés dans leur dénuement.
Ce qui n'était pas le cas de Farid, un fainéant notoire qui cherchait des petits boulots lorsque la faim lui tordait les entrailles. Mauvais payeur, il a été à maintes reprises mis dehors par des loueurs de petits cagibis qui ne pouvaient plus supporter la présence d'un squatteur. En entendant parler de la veuve, il s'est dit «voici l'occasion rêvée d'avoir un logis gratuit sans risque d'expulsion». Une opportunité qu'il ne voulait rater en aucun cas.
Il prit son courage à deux mains et aborda Radia, un jour de marché ; il alla droit au but.
- Excusez-moi de vous importuner pendant que vous faites vos courses, mais ce que j'ai à vous dire est très important.
- Si c'est pour me proposer des travaux de ménage chez vous, je suis tout ouïe.
- Mieux que ça, j'aimerais que vous deveniez ma femme, je m'appelle Farid, j'ai trente-huit ans et toujours célibataire, je vous assure que c'est sérieux et non une plaisanterie. Radia en resta bouche bée.
Encore sous le choc de cette surprenante demande en mariage, elle le fixa un instant pour se rendre compte qu'il était sincère.
- Vous venez de vous adresser à moi pour la première fois et vous êtes prêt à m'épouser, vous ne trouvez pas cela un peu bizarre ?
- Avant de vous approcher, j'ai fait une petite enquête discrète sur vous, je sais donc que vous êtres veuve et que vous avez trois enfants.
Elle le regarda à nouveau. Il n'est pas si mal que ça, pensa-t-elle.
- Je ne peux pas vous donner une réponse immédiate, il faut me laisser le temps de vous connaître un peu mieux.
Durant les quinze jours qui suivirent, Farid se montra sous ses meilleurs jours. Rasé de près, bien habillé et toujours souriant, ses efforts finirent par payer puisqu'il réussit à arracher le oui tant attendu.
Leur union ne fut qu'une simple formalité administrative, au début de leur vie commune, ils y trouvèrent tous les deux leurs comptes, Radia est devenue femme au foyer à temps plein, et lui n'avait plus de soucis de logement. Ils décidèrent d'avoir un enfant, et un petit garçon vint agrandir leur petite famille.
Comme c'était Farid qui faisait bouillir la marmite, il prit très vite les rênes du foyer et commença à se montrer égoïste et autoritaire envers les petits qui n'étaient pas les siens. La meilleure nourriture, les plus beaux vêtements, il les réservait à son fils et les restes pour les autres. Radia se taisait de peur de se retrouver une nouvelle fois seule.
La paresse étant ancrée dans ses gènes, le beau-père des orphelins ne travaillait plus qu'à mi-temps afin de roupiller tous les après-midi. Son salaire était divisé par deux. Il fallait donc se serrer la ceinture presque toute l'année. La viande a déserté les assiettes de Radia et de ses enfants, mais pas celles de Farid et son fils.
Cela dura toute l'adolescence des pauvres enfants. Il leur fallait trouver une solution qui pourrait les sortir de cette misère. Kahina, la fille aînée, âgée d'à peine 13 ans, se mit à la recherche d'un travail malgré son très jeune âge. Elle galéra longtemps, mais à force de persévérance elle décrocha un emploi comme apprentie chez Slimane, un pâtissier au grand cœur qui avait deviné en elle, et ce, malgré une maigreur cadavérique, une fille intelligente qui ne demandait qu'à apprendre. Il la questionna sur sa situation familiale.
- Normalement c'est ton père qui devrait venir me voir, ma fille.
- Il est mort, Monsieur, et mon beau- père ne s'intéresse absolument pas à notre devenir, mes frères et moi. Puis elle lui raconta les privations que leur faisait subir Farid qu'elle avait pris en grippe.
Le charitable Slimane accepta de la prendre sous son aile.
Elle fut donc recrutée et, cerise sur le gâteau, il lui promit une petite somme d'argent à chaque fin de mois durant son apprentissage. Elle ne pouvait pas espérer mieux.
Radia, en apprenant la bonne nouvelle pensa qu'avec le léger apport financier de Kahina, son époux allait se conduire de façon plus équitable avec tous les enfants. Elle se trompait lourdement. L'homme se montra encore plus mesquin et ne changea rien à la discrimination qu'il avait instaurée entre son fils et ses enfants à elle.
Pendant ce temps-là, le patron de l'adolescente se montrait fier de sa recrue. Elle était non seulement travailleuse, mais aussi, contrairement à ses autres employés, savait prendre des initiatives quand il le fallait. Il décida d'en faire une pâtissière qualifiée. Il lui transmit tout son savoir et lui paya une formation de trois ans dans une école privée afin qu'elle acquière toutes les nouvelles techniques de fabrication avec les machines de dernière génération, que lui-même n'arrivait plus à maîtriser.
Etudiante brillante, elle ne déçut pas son employeur, réussit son examen final et obtint son diplôme avec mention très bien. Ses nouvelles connaissances acquises auprès de Slimane firent d'elle la remplaçante attitrée du patron qui pouvait compter sur elle pour le remplacer en toutes circonstances. Il se permettait même de prendre des vacances de temps en temps, sûr de n'avoir aucune mauvaise surprise à son retour. Et comme toute peine mérite salaire, celui de Radia explosa. Ses revenus étaient supérieurs à ceux de son beau-père. Ce dernier qui pensait toujours avoir une emprise totale sur elle, continua à gérer les finances selon son bon vouloir.
En quelques mois, il a pu s'acheter une voiture, une télé à écran géant, et un salon en cuir pour s'y prélasser. Il avait aussi décidé d'arrêter de travailler et quand Kahina rentrait le soir, il se précipitait toujours le premier sur la boîte de gâteaux qu'elle tenait dans les mains pour s'empiffrer comme un goinfre.
Stupide, il ne voyait pas, ou peut-être ne voulait-il pas voir le dégoût qui s'affichait dans les yeux de Kahina qui avait du mal à supporter sa voracité et son sans- gêne et le racket dont elle faisait l'objet. Elle finit par demander à son patron de lui trouver un petit studio. Elle voulait voler de ses propres ailes. Ce que fit son ange gardien de bon cœur. Elle déserta ainsi la maison familiale et n'avait plus à remettre son salaire à celui qu'elle considérait comme un parasite.
C'est à nouveau la dèche pour celui qui avait pensé avoir trouvé la poule aux œufs d'or. L'oiseau s'est envolé ! Il fut obligé de vendre sa voiture, puis de reprendre ses minables petits boulots.
Il voua une haine indescriptible à celle qu'il considérait comme une ingrate. Il répétait partout : « C'est moi qui l'ai élevée et voilà comment elle me remercie.» Il décréta qu'elle était interdite de séjour chez «lui». Radia, qui était sous le joug de son mari, accepta le diktat de son époux sans faire de vague.
Révoltée par cette injustice, Kahina décida de passer à l'offensive. «Il veut la guerre, et bien il va être servi.» Elle savait que Farid se rendait souvent chez sa grand-mère maternelle pour quémander de l'argent. Sa mamy veuve, percevait une pension de réversion de France, elle ne refusait donc pas de leur venir en aide quand elle le pouvait, mais elle ne savait rien de ce qu'il exerçait comme dictature chez lui. Décidée à lui couper l'herbe sous le pied, Kahina le dénonça à la vieille femme qui n'en revenait pas de découvrir que Farid, qui n'arrêtait pas de pleurnicher et de lui baiser les mains, pour quelques petits billets, terrorisait Kahina.
Elle attendit avec impatience que le sieur Farid pointe le bout de son nez chez elle pour lui dire tout le bien qu'elle pensait de lui. Ignorant ce qui l'attendait, il se présenta comme d'habitude chez sa bienfaitrice, où il fut bien accueilli ! C'est un déluge d'injures qu'il reçut en guise de billets de banque. Il déguerpit sans demander son reste. La grand-mère, furieuse, le poursuivit dehors et lui lança devant des témoins médusés.
- Ne t'avise plus à revenir ici, espèce de charognard, ma porte te restera toujours fermée.
Sachant pertinemment qui était derrière cette manigance, il jura que lui aussi interdirait tout contact entre Kahina et sa mère.
— Si ta fille s'avise de toquer à notre porte, elle finira soit à l'hôpital, soit à la morgue.
Avertie par un de ses frères, Kahina ne retourna plus chez elle.
Cette tyrannie prendra fin un jour de l'Aïd El-Kebir. Chaque année, elle remettait par l'intermédiaire de son frère la somme nécessaire pour l'achat d'un mouton, tout en sachant qu'elle ne serait pas parmi les siens ce jour de grande fête.
Radia prit son courage à deux mains et décida enfin d'affronter son irascible époux, à qui elle proposa du bout des lèvres.
- Il faut que tu apprennes à pardonner, Kahina aimerait bien, pour une fois, fêter l'Aïd avec nous, qu'en penses-tu ?
- Il n'est pas question qu'elle remette les pieds ici, répondit-il rageusement.
- Tu fais semblant de l'ignorer, mais tu sais très bien que c'est avec son argent qu'on achète l'énorme bélier avec lequel tu te pavanes pour impressionner nos voisins. Piqué au vif et fou de rage, il tapa sur la table.
- Inutile d'insister, ma décision est prise. Tu dois choisir, c'est elle ou moi.
Une phrase qu'il n'aurait jamais dû prononcer.
- Eh bien, je choisis ma fille, tu peux préparer tes bagages, je te mets dehors. C'est ma maison au cas où tu l'aurais oublié. Il s'en mordit les doigts, mais le peu de fierté qui lui restait lui interdisait de rester.
- Tu sais ce que cela veut dire ?
- Oui, le divorce, sera pour moi une délivrance. Ta présence m'étouffe. C'est tête baissée qu'il s'en alla. Il essaya de convaincre son fils de partir avec lui, mais celui-ci refusa de le suivre et s'accrocha de toutes ses forces à la robe de Radia en pleurant. C'est le retour de l'enfant prodigue. Kahina retourna chez elle et continua à venir en aide à ses frères, dont l'un deviendra plus tard chauffeur routier, l'autre, plombier chauffagiste, son demi-frère, lui aussi, profita de ses largesses, elle ne le tenait pas responsable des agissements de son père.


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