J'ai faim de mes deux drapeaux et je me donne le droit citoyen de … … manger un croissant avec une fourchette ! Drame ! Véritable et terrible drame. La planche à billets ne peut plus rien tirer ! Et plus personne n'est autorisé à tirer quoi que ce soit sur elle. Ni à la tirer, du reste ! Son chagrin s'entend d'ici, de ma lointaine campagne, elle, la délaissée, la répudiée, encore logée dans un luxueux lupanar d'Alger. La belle semble avoir eu son heure de gloire. Les biffetons s'alignaient en elle, sur elle, sortaient de son antre intime, synonyme d'une opulence scénarisée. J'ai encore le souvenir de ces caméras voyeuses qui nous la montraient à l'œuvre, brave et tenace à la tâche ! Ah ! Elle ne rechignait jamais, surtout lorsqu'elle était filmée dans les clips de propagande. Du 24 sur 24 et du 7 sur 7 ! A nous, âmes sensibles, parfois prises d'un léger scrupule à la voir ainsi suer à la chaîne, donner de soi, se donner tout entière, on expliquait que c'était pour la bonne cause, qu'elle participait à sa manière au sauvetage national, qu'elle se sacrifiait corps et âme, voire même corps et …corps pour que le pays ne sombre pas. Mon Dieu ! Tout de même, cette Dézédie qui ne tenait finalement qu'à une planche ! Même le sort des occupants du radeau de la Méduse semblait moins dramatique. Et puis, là, hop ! On brûle les films de ses prouesses encrées, on cache le papier qui enveloppait son vaste lit, façon draps en soie, et on …ben oui ! Au fait ! On fait quoi maintenant de la planche à billets ? Les marches de Blida ? D'un point de vue pratique, voire logistique, je ne vois pas comment la faire grimper là-haut. Des allers-retours entre El-Harrach et la Cour suprême ? Ou alors un énorme autodafé ? Un soir de température adoucie, au clair de lune, en plein air, avec des caméras qui filmeraient en noir et blanc, comme dans les années 30, si tu vois ce que je veux dire, on convoquerait la foule sur la place la plus vaste de la ville, l'obligeant à assister au pied d'un bûcher des vanités à la carbonisation de la planche à billets. Mais pas que ! Les drapeaux déviants, aussi ! Brûlés ! Les détenus d'opinion itou ! Brûlés ! Les SDF qui squattent le vide constitutionnel, idem ! Brûlés ! Et brûlés dans la foulée tous les allumés qui croient qu'il est encore possible aujourd'hui de fumer du thé pour rester éveillé à ce cauchemar qui continue. H. L.