Pendant de nombreuses années, les terrasses des cafés d'Alger étaient majoritairement occupées par des hommes. Les femmes n'osaient pas s'y aventurer par peur d'être insultées, voire chassées. Aujourd'hui, le décor a changé. Il suffit de se balader en ville, pour constater que les femmes ont réinvesti le terrain. Seules, en couple ou flanquées de leurs enfants, elles s'attablent aux terrasses des cafés rue Didouche-Mourad, place de la Grande-Poste, boulevard Sidi-Yahia pour siroter un café, déguster une glace ou consulter leurs mails. Un défi pour toutes ces femmes qui ont longtemps été exclues de ces espaces publics. Un café svp ! Il y a comme un effet d'entraînement. Une, deux, trois... dix... vingt. Elles sont de plus en plus nombreuses à mettre les pieds sous les tables des terrasses de cafés et de glaciers de la capitale. C'est comme si un vent de liberté avait soufflé sur la ville comme le souligne Mounia (28 ans), rencontrée sur la terrasse du Milk Bar (rue Larbi-Ben-M'hidi). « Avec les marches citoyennes et le Hirak du 22 février, les femmes ont à nouveau investi les espaces publics. Après la marche du vendredi, j'ai pris l'habitude de me reposer avec mes copines à une terrasse de la rue Didouche-Mourad. Beaucoup de femmes, d'abord hésitantes puis confiantes, nous ont emboîtées le pas. Avant, nous nous réfugions à l'intérieur des cafés, à l'abri des regards. Par peur d'être vues et d'être mal jugées.Déguster un thé en profitant de l'animation de la ville semblait être un plaisir réservé uniquement aux hommes. Les femmes ont conquis de nouveaux espaces publics et elles comptent bien les garder». Nouveaux espaces de liberté Les femmes profitent des terrasses sur les rues et les boulevards au même titre que les hommes. Samia et Hind, deux étudiantes en architecture aiment se reposer pour profiter d'un moment de détente sous un parasol, en fin de journée. «Avant, nous n'osions pas trop le faire. Les regards curieux et parfois hostiles des passants nous décourageaient. Ces derniers temps, la gent féminine investit les cafés en extérieur. Cela ne choque plus personne. D'ailleurs, en y réfléchissant un peu, on se dit que nous nous sommes mises des barrières à nous-mêmes. L'espace public a trop longtemps été la chasse gardée des hommes dans notre société. Boire un café sur une terrasse dans l'espace urbain, en partageant un moment de convivialité est un plaisir qu'il faut prendre, même s'il reste quelques résistances dans l'esprit des machistes». Que pensent les hommes de cette «invasion féminine» ? «J'ai pris l'habitude de m'attabler le plus normalement du monde avec mes sœurs ou des amies, nous confie Fayçal (26 ans). Certes, dans les quartiers populaires d'Alger, vous ne verrez pas de femmes aux terrasses des cafés. Mais grâce au métro, la fréquentation des cafés d'Alger-centre par la gent féminine a nettement augmenté. Pourquoi les femmes n'auraient-elles pas le droit de lire le journal, de prendre l'air ou de papoter avec une amie sur la terrasse d'un café ? Avant, ces lieux étaient des espaces exclusivement masculins. Il faut vivre avec son époque et suivre la modernité. C'est mon avis !» Longtemps réservées aux hommes, les terrasses des cafés et autres glaciers s'ouvrent de plus en plus aux femmes dans les grandes villes. La gent féminine les fréquente, désormais, en toute sécurité. Seules ou accompagnées, les femmes ont reconquis ces lieux publics où on papote, rigole et refait le monde, en toute simplicité. Soraya Naili