Plus de 33 millions de personnes ont fréquenté les plages ouvertes à la baignade au niveau national depuis le début de la saison estivale. Le tourisme balnéaire reste le favori des Algériens. Mais qu'en est-il des normes de ces plages ? Le nombre de plages ouvertes à la baignade a été revu à la hausse cette année. Il a augmenté de 13 plages. C'est le ministère de l'Intérieur, des Collectivités locales et de l'Aménagement du territoire qui l'a annoncé. Le nombre total a atteint ainsi 426 plages autorisées à la baignade au niveau national. Et 40 autres plages polluées ont été recensées. À partir de quand considère-t-on qu'une plage est polluée ? La question est des plus récurrentes, notamment après la large diffusion, à travers les réseaux sociaux, de vidéos faisant état de déversement d'eaux usées dans la wilaya d'Alger, dans une plage très fréquentée. C'est le décret exécutif n° 93-164 du 10 juillet 1993 définissant la qualité requise des eaux de baignade qui encadre la qualité des eaux de baignade à l'exception des eaux destinées aux usages thérapeutiques et des eaux de piscine. Ainsi, il est stipulé que la qualité des eaux de baignade doit satisfaire aux paramètres microbiologiques et physico-chimiques indiqués en annexe. «Les coliformes totaux, coliformes fécaux, streptocoques, salmonelles, entérovirus et vibrion cholérique sont contrôlés pour la partie microbiologique. S'agissant de la partie physico-chimique, il s'agit, entre autres, d'absence de résidus goudronneux et matières flottantes (bois, plastique, bouteille et toute autre matière, débris ou éclats), pas de mousse persistante, pas de film visible à la surface de l'eau et absence d'odeur», peut-on lire dans ledit décret. Le ministère de la Santé cite ce décret dans son instruction n°8, adressée aux directeurs de la santé et de la population, du 3 avril 2019 relative au dispositif de prévention sanitaire durant la saison estivale. Il y est noté l'obligation d'un «contrôle deux fois par semaine des eaux de baignade y compris les eaux de piscine». Dans son rapport de 2012, l'Observatoire national de l'environnement et du développement durable note que le principe de surveillance et de contrôle est d'effectuer des prélèvements bimensuels des eaux de baignade, chaque plage fait l'objet de deux échantillons par prélèvement durant la saison estivale de juin à septembre. Ces prélèvements sont effectués par le biais du réseau de l'Onedd situé le long de la côte (les deux laboratoires régionaux «Alger, Oran» et des 3 stations de surveillance «Annaba, Skikda, Mostaganem»). A la fin de la saison estivale, un rapport est élaboré par chaque laboratoire régional et transmis à la direction générale de l'Onedd sous forme de canevas comportant les résultats des analyses. Risques sur la santé La mauvaise qualité de l'eau de la mer provoque des maladies. Dr Karima Didiche, médecin généraliste, explique que l'Algérie avait connu une période où des maladies liées à la qualité de l'eau de baignade se sont répandues telles que la conjonctivite. «Pour cette année, nous n'avons rien connu de tel !» nous a-t-elle déclaré. Elle explique que « les conjonctivites sont les maladies les plus rencontrées chez les baigneurs. Il y a aussi les dermatoses ou les incidents cutanés qui sont fréquents chez les baigneurs et les sujets fréquentant les plages, pratiquant la pêche sous-marine et les sports nautiques. Les dermatoses connaissent des origines diverses. Les bactéries banales telles que les staphylocoques, les streptocoques, les microcoques (Micrococcus epidermis) sont à l'origine des furonculoses, abcès et des panaris auxquels il faut ajouter les affections génito-urinaires provoquées par les «chlamydies» généralement. Et enfin, il y a les affections gastro-intestinales». Dr Didiche relève que nous ne sommes pas égaux devant l'impact de la mauvaise qualité des eaux de baignade. Elle note : «Le risque encouru par le baigneur dépend de plusieurs facteurs : du niveau de contamination de l'eau; de l'état de santé du baigneur: c'est-à-dire à la réceptivité de l'hôte (état de santé général des personnes, sensibilité, âge, immunodéficience), de la voie de transmission (quantité d'eau ingérée, inhalation) et aussi des modalités de la baignade (durée, immersion de la tête...).» Incivisme latent ! «Je ne comprends pas qu'une personne qui se permet d'habiter une villa au bord de la mer avec toutes les commodités nécessaires va se contenter d'une fosse septique ou carrément rejeter ses eaux usées dans la mer ou l'oued. A terme, eux-mêmes ne pourront pas profiter de la mer. Ils ne prennent même pas la peine d'aller vers les communes pour connaître les étapes de raccordement. C'est incroyable !» déclare un citoyen indigné. Et un autre d'ajouter : «Pendant des années, après la décennie noire, la sécurité physique contre les attaques terroristes était primordiale. Maintenant, d'autres efforts sécuritaires doivent être fournis. Il faut penser sécurité de l'environnement et que la gendarmerie sévisse contre ceux qui rejettent les eaux usées directement dans les cours d'eau. Pourquoi aller dépenser notre argent ailleurs alors que nous avons la possibilité de le faire dans notre pays. Il ne faut plus être égoïste. Ce n'est plus tenable.» «Je voudrais dire une chose. Avant d'en vouloir aux autorités, il faut que les Algériens soient éduqués. Vous imaginez, la dernière fois que je suis allée à la plage au moment de plonger, je me suis retrouvée avec un morceau de pastèque sur la tête. Et autour de moi, on commençait à rire au lieu de pleurer. J'imagine qu'une personne a bien dégusté ce fruit avant de s'en débarrasser directement dans la mer, comme une grande poubelle. C'est honteux ! Depuis, je n'ai plus remis les pieds dans une plage algérienne. Je n'en peux plus !», conclut Nawel, quadragénaire. Chaque année, c'est la même chose. Dans quelques jours, la saison estivale sera clôturée, mais avec quel bilan, s'il en sera dressé un ? Sarah Raymouche