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Confinement total ou laisser faire l'immunité ?
LE PROFESSEUR SANHADJI (*) PARLE DE COVID-19 AU SOIR D'ALGERIE
Publié dans Le Soir d'Algérie le 05 - 04 - 2020


Entretien réalisé par Maâmar Farah
Le Soir d'Algérie : Pouvez-vous nous faire un point sur la situation épidémiologique Covid-19 sur le plan mondial ?
Kamel Sanhadji : A ce jour (4 avril 2020 à 7h12 min), parmi les personnes testées, plus d'un million (1 118 921 exactement dans 181 pays) de personnes se sont révélées positives au Covid-19 induit par le virus SRAS-CoV-2 et ayant causé 58 937 morts. Et la courbe des nouvelles infections est toujours ascendante et accélérée. Environ, un quart des personnes touchées sont déjà guéries. Cela fait aujourd'hui trois mois que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a été informée des premiers cas de pneumopathies inexpliquées dans ce fameux et étrange marché aux poissons à Wuhan en Chine. La pandémie bat son plein actuellement selon une allure exponentielle et accélérée. Pourquoi ? Le nombre des admissions et de prise en charge par les services de réanimation ne cesse d'enfler. Et c'est le vrai indicateur qu'il faudrait surveiller. Il est en fait proportionnel aux atteintes par le nouveau coronavirus de la population générale parmi laquelle se trouve cette proportion de personnes vulnérables (malades chroniques souvent associés à un système immunitaire amoindri). En fait, le nombre quotidien ascendant d'entrées en réanimation reflète la cinétique de la pandémie et représente son impact le plus préoccupant. Il s'agit surtout d'un indice qui sera analysé pour évaluer l'impact initial du confinement. Les conséquences de l'épidémie s'observent également en termes de mortalité enregistrée par l'état civil (décès à l'hôpital, à domicile ou en institution spécialisée). La mortalité est également un indice intéressant permettant d'apprécier les capacités et les performances d'un système de santé. Elle est inversement proportionnelle à ces deux qualités. Toujours est-il que cette analyse ne sera confortée qu'à condition de faire un bilan exact du nombre de décès de pathologies respiratoires de l'année dernière, à la même période, avec le nombre de décès de pathologies respiratoires associées au Covid-19. La soustraction entre les chiffres des deux situations, dans le même intervalle de temps, précisera l'impact du virus du Covid-19. Au cas où l'impact du virus du Covid-19 n'est pas significatif en tant que cause des décès observés actuellement, comment alors expliquer le taux élevé d'occupation des lits de réanimation ? Probablement à cause des réformes hospitalières dans beaucoup de pays visant à réduire d'une façon drastique le nombre de lits d'hospitalisation (transformés, en partie, en hospitalisations de jour) car tous ces pays ont opté, récemment, pour un système appelé « tarification à l'activité » (T2A) aux fins de réduire les coûts. De plus, la période actuelle est parfaitement compatible, sur le plan saisonnier, aux pathologies respiratoires viro-induites.
Aussi, la pandémie de Covid-19 a connu au cours de ce dernier mois une rapide escalade et accélérée d'allure exponentielle frappant maintenant presque la totalité des pays. Elle touchera, dans peu de jours, plus d'un million de personnes et 50 000 décès dans le monde et le bilan continue à s'alourdir. Le monde a été pris de court puisqu'il ne savait rien, il y a de cela à peine trois mois. A ce propos, Le Soir d'Algérie a été pionnier. Ensemble, nous en avons parlé très tôt (le 3 février 2020) après l'explosion de l'épidémie à Wuhan le 31 décembre 2019.
Et la situation en Algérie ? De quoi sera fait le futur immédiat, en termes d'enjeux et de moyens ?
Avec un nombre de 1 171 personnes touchées pas le Covid-19 et de 105 personnes décédées au jour d'aujourd'hui (samedi 4 avril), la progression du nombre de personnes atteintes ainsi que celle des décès s'accélèrent ces tout derniers jours. En effet, si la progression de la contamination était en moyenne de 20 à 30 personnes détectées quotidiennement et de moins d'une dizaine de décès par jour, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Ces chiffres commencent à se dédoubler quotidiennement concernant le nombre de contaminations et de décès. L'Algérie, à l'instar des autres pays du monde (hors Chine), est prise dans le même tourbillon de la progression exponentielle du nombre de contaminations. Aussi, il serait temps qu'elle puisse mettre en place un plan de confinement strict, au cas où c'est son choix. Car, actuellement, la propagation prend l'allure exponentielle : le nombre de décès commence à doubler rapidement. Egalement, aux fins d'éviter le scénario à l'italienne que nous connaissons. C'est le seul moyen pour seulement ralentir la propagation. Le seuil des 100 morts atteint (nous verrons la modélisation prospective plus loin), on baisse le rideau ! Le choix de laisser faire l'immunisation naturelle est aussi une option que nous expliciterons plus loin lorsque nous aborderons les conséquences prévisibles de l'exposition de l'organisme au nouveau coronavirus.
En ce qui concerne le volet anticipation et jusqu'à récemment, en Algérie, le système de santé n'a pas été confronté à des cas importés de maladies infectieuses d'allure pandémique. L'arrivée récente de l'infection à coronavirus SRAS-CoV-2 (Covid-19), dans notre pays, signe sa mise à l'épreuve. Parmi les pays maghrébins, il a été le plus touché dès le départ. Cette pandémie Covid-19 a montré le retard important que pouvait prendre le déclenchement de l'alerte au sein du pays où émergeait l'épidémie. A titre d'exemple de signal d'alerte, c'était également le cas concernant les fièvres hémorragiques africaines (virus Ebola et Lassa) dont l'épidémie a débuté en 2013 touchant l'Afrique de l'Ouest (Guinée, Liberia, Sierra Leone, Nigeria, Mali, Sénégal) avec des incursions sporadiques qui ont resurgi en 2014, 2015 et 2016. Depuis, le bilan a atteint 11 310 morts,
L'Algérie est donc confrontée à une anticipation de risques potentiels, exceptionnels.
En matière d'enjeu, il s'agit de mettre en œuvre une prise en charge avec des propositions d'intervention (mesures d'adaptation) et des objectifs spécifiques visant à réduire le risque d'émergence des maladies ou des situations à risques et à préparer la réponse globale de la société face à une épidémie.
En termes concrets, il serait souhaitable de mettre en place une infrastructure confinée combinant deux entités cohérentes. L'une est composée d'une unité de recherche dotée de laboratoires pour l'expérimentation in vitro et in vivo chez l'animal, d'agents biologiques pathogènes dans un confinement de niveau 3 ou même 4 (L3/L4 ou P3/P4). L'autre entité est composée d'une unité de prévention et de soins. Cette forme d'infrastructure (« hôpital de recherche ») sera unique en Algérie et rare dans le monde. Elle aura pour mission l'étude, la recherche et les soins concernant les agents biologiques pathogènes émergents et ré-émergents à risque.
Pouvez-vous nous rappeler l'origine probable du virus causant la maladie Covid-19 ? Quel est son mode de transmission ? Quels sont les symptômes ?
Le nouveau coronavirus (SRAS-CoV-2), à l'origine de la maladie Covid-19 (2019), dont l'expression peut aller d'un simple rhume à un syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), fait partie d'une famille de virus dont certains peuvent infecter les humains, entraînant le plus souvent des symptômes bénins comme le rhume. Cependant, trois épidémies mortelles sont déjà survenues durant cette dernière décennie dont celle du Covid-19 causée par le virus SRAS-CoV-2. Elles ont impliqué des coronavirus émergents, hébergés par des animaux et soudain transmis à l'homme comme le SRAS-CoV en 2003 (rebaptisé tout récemment SRAS-CoV-1) et le virus MERS-CoV en 2013 à l'origine du syndrome respiratoire du Moyen-Orient. Alors que l'épidémie liée au coronavirus SRAS-CoV-2 se propage dans le monde, la recherche se mobilise pour accélérer la production des connaissances sur ce virus, sur la maladie qu'elle provoque Covid-19 ainsi que les moyens de la guérir et de la prévenir.
Sur le plan de l'histoire de la maladie Covid-19, le nouveau coronavirus, le SRAS-CoV-2 (à l'origine baptisé 2019-nCoV), ce sont maintenant sept coronavirus qui se transmettent à l'être humain : HCoV-229E et HCoV-0C43, tous deux découverts dans les années 1960 ; le SRAS-CoV-1 découvert en 2002 ; le HCoV-NL63 découvert en 2004 aux Pays-Bas ; le HCoV-HKU1, découvert en 2005 à Hong-Kong et enfin le MERS-CoV découvert en 2012. En fait, la famille des coronavirus est composée d'une cinquantaine de virus spécifiques des animaux (chauve-souris, pangolin, chat musqué…). Peu d'études ont été effectuées dans cette famille car, jusqu'à récemment, les maladies causées par les coronavirus sont très bénignes.
Le coronavirus a la particularité de pouvoir muter (se modifier pour s'adapter) très facilement, ce qui inquiète les autorités au sujet du Covid-19 causé par le SRAS-CoV-2. En effet, les coronavirus ne possèdent pas de système de correction d'erreur au moment de la réplication (reproduction) de leur ARN pouvant ainsi engendrer de façon aléatoire des mutants plus ou moins virulents.
Chez l'homme, les coronavirus sont à l'origine de pathologies pulmonaires, plus précisément d'une infection respiratoire plus ou moins grave causant le SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère), qui s'accompagne parfois de gastroentérite. D'autres signes tels qu'un écoulement nasal, des maux de crâne, de la toux, sont rencontrés dans la plupart des infections à coronavirus courants, comme le 229E, NL63, OC43 et le HKU1, et n'entraînent que des symptômes bénins selon le Centre de contrôle des maladies et de prévention aux Etats-Unis.
A noter qu'une étude chinoise récente affirme que les mutations du SRAS-CoV-2 ont entraîné le développement de deux souches distinctes : la souche S (celle d'origine qui représente 30% des cas) et la souche L, plus agressive et représentant 70% des cas.
Tous ces signes cliniques n'ont de sens qu'accompagnés d'un test biologique positif.
Quant au virus lui-même, le SRAS-CoV-2, il s'agit d'un virus avec un grand ARN (il y a aussi des virus à ADN). Il est de grande taille par rapport aux autres virus. Sa grande taille constitue un obstacle à son passage à travers des filtres (masques). La transmission interhumaine, c'est-à-dire de personne à personne, est confirmée. La maladie se transmet par les voies respiratoires, à travers les postillons (éternuements, toux), avec une projection ou un contact directs. On considère qu'un contact étroit avec une personne malade est nécessaire pour transmettre la maladie, ceci dans le cadre d'un même lieu de vie, un contact direct à moins d'un mètre lors d'une toux, d'un éternuement ou lors, par exemple, d'une discussion en l'absence de mesures de protection. Aucun autre mode de transmission n'a, à ce jour, été identifié comme l'air ou l'eau.
Quant aux symptômes de la maladie Covid-19, l'OMS a analysé les symptômes du Covid -19 sur près de 56 000 cas confirmés en Chine. Les signes et leurs fréquences sont comme suit : fièvre (88%), toux sèche (68%), fatigue (38%), expectorations ou flegme épais des poumons (33%), essoufflement (19%), douleurs osseuses ou articulaires (15%), maux de gorge (14%), maux de tête (14%), frissons (11%), nausées ou vomissements (5%), nez bouché (5%), diarrhée (4%), toux de sang (1%) et yeux gonflés (1%).
Les symptômes du Covid-19 sont d'autant plus difficiles à repérer qu'ils ressemblent à ceux de la grippe mais sont moins spécifiques. Si la fièvre, les maux de tête, les douleurs musculaires, la fatigue et les éternuements sont communs pour la grippe ; pour le coronavirus, la fièvre est souvent présente mais les autres signes peuvent varier d'un patient à l'autre. Pour le Covid-19, les difficultés respiratoires peuvent survenir en cas d'infections graves alors que ces complications sont rares dans le cas de la grippe. Les formes les plus sévères de la maladie Covid-19 peuvent se traduire par une détresse respiratoire, une insuffisance rénale aiguë ou encore une défaillance multi-viscérale potentiellement fatale.
Quels sont les tests de dépistage Covid-19 ?
En cas de suspicion d'infection au coronavirus, les personnes sont invitées à appeler un médecin, ou accéder à une téléconsultation, ou consulter le site dédié au Covid-19 pour être orienté ou appeler la cellule d'information Covid-19 au Numéro Vert 3030, ou les urgences en cas de difficultés respiratoires mais de ne surtout pas se déplacer.
Les tests diagnostics ne sont pas systématiques. Les patients considérés comme à risque feront un test dans un laboratoire habilité.
Le test actuel est effectué sur un prélèvement nasopharyngé (dans la partie haute du nez) à l'aide d'un long coton-tige (écouvillonnage). La mise en place du test permet de savoir si la substance prélevée est chargée de virus ou non. Le résultat est obtenu au bout de 3 à 5 heures. Il s'agit d'un test appelé PCR qui permet d'amplifier le signal (l'ARN viral) de la moindre particule virale ramenée par l'écouvillonnage. En cas de test positif, le patient reste en confinement à son domicile en prenant toutes les mesures d'hygiène pour ne pas contaminer son entourage (masque, gants, lavage des mains) et appelle les urgences s'il éprouve des difficultés respiratoires. Au cas où le patient montre un signe de gravité, il sera pris en charge au service des maladies infectieuses ou en réanimation si le pronostic vital est engagé.
Un autre test sérologique (test ELISA) permettant de rechercher les anticorps contre le virus suite à un contact datant de plusieurs jours. Il permet de signer l'ancienneté de l'infection (présence d'anticorps IgG) ou une infection plus récente (présence d'anticorps IgM). Ce test sérologique est très récent, avec une version d'auto-test rapide, n'est pas encore validé par les instances sanitaires internationales.
Un autre test basé sur l'imagerie, utilisant le scanner pulmonaire semble présenter une spécificité importante quant à l'image cible caractéristique du nouveau coronavirus. Cet examen serait intéressant pour pallier la pénurie mondiale des kits servant de réactifs au test PCR. Là également une validation internationale de consensus s'impose.
Il y a deux types de réactions officielles face à la pandémie : confinement strict ou immunité collective ? Laquelle est, selon vous, la plus efficace ?
Il y a deux options : celle du confinement strict (adoptée par la Chine, la France et l'Italie) et celle de l'immunité collective (adoptée par le Royaume-Uni et les Pays-Bas et l'Allemagne). Les deux options se valent et sont défendables. Opter pour l'un ou pour l'autre ? Un choix calculé.
La première option est basée sur le principe de « casser la chaîne de transmission » du virus. Il s'agit d'une procédure raisonnable mais à condition de ne pas dépasser un seuil en matière du nombre de personnes contaminées et en particulier le nombre de morts du Covid-19 sinon le seuil des capacités de prise en charge en réanimation (nombre de lits avec logistique) sera atteint, déséquilibré et ensuite rompu par l'affluence des patients ayant besoin d'être assistés. Avec le Covid-19, l'effet de surprise de sa vitesse de propagation a été important si bien qu'il a été difficile de rompre la chaîne de la transmission du virus. Dans ce cas, le confinement ne fera que ralentir et « lisser » la courbe de propagation. Ce plan de confinement strict nécessite la mise en place d'une importante organisation humaine et logistique. Il est basé sur des mesures permettant de réduire les contacts et les déplacements au strict minimum sur l'ensemble du territoire. Le mot d'ordre étant « Restez chez vous ».
Quant à l'option basée sur le principe de l'immunité collective appelée également « immunité de troupeau », elle a pour but d'enrayer la propagation d'une maladie contagieuse par le simple fait qu'une certaine partie de la population y soit immunisée naturellement, au contact du virus, en développant des anticorps après cette première contamination. Elle se base aussi sur le fait qu'il serait impossible d'éviter que tout le monde attrape le virus. Mais cette stratégie ne sera efficace que lorsqu'au moins 85% de la population sera immunisée car en dessous de ce seuil, on pourrait observer la résurgence de foyers infectieux. Aussi, le prix à payer pour atteindre ce seuil d'immunisation est le risque d'arriver à un nombre de décès élevé. Un risque calculé !
Comment et pourquoi la Chine s'en est sortie ?
Nous allons essayer d'analyser les données concernant le nombre de morts en fonction du temps dans la région où l'épidémie a déjà frappé, c'est-à-dire la province de Hubei en Chine (où est apparue l'épidémie), ainsi que les cas de l'Italie et de la France. Ces trois régions ont des populations comparables, de l'ordre d'une soixantaine de millions d'habitants. En début d'épidémie, dans la province de Hubei, on constate qu'après les premiers décès, le nombre de morts augmente rapidement en atteignant les 100 décès en une vingtaine de jours (il en est de même en Italie et en France ; le nombre de cas de décès évolue d'une façon similaire). Ces données nous permettent de dire qu'au début de l'épidémie, le nombre de morts suit une loi exponentielle. L'analyse statistique de ces données permet d'affirmer que le nombre de morts double tous les 2,3 jours. Si l'on extrapole la courbe pour nous concentrer sur la barre des 50 morts, ce nombre est atteint en 1,65 jour. Et puis on constate qu'à 2,3 jours on atteint 100 morts (on double par la suite le nombre de morts en 0,65 jour : en une demi-journée environ) et 4,6 jours plus tard on atteint 200 morts. Si l'on poursuit l'extrapolation de la courbe, on observe 2 500 morts en un mois et on pourra atteindre 10 000 morts seulement en 35 jours d'où la nécessité d'agir vite et même très vite. Si l'on observe actuellement le nombre de morts à Hubei, on constate qu'il est très bas et donc il s'écarte de cette loi exponentielle. A la lumière de cette modélisation, les autorités chinoises ont décidé d'appliquer des règles d'un confinement strict dans la province touchée dès que le seuil des 50 morts a été atteint. La Chine a donc « lissé » sa courbe de mortalité, ce qui se traduit par un fort ralentissement du nombre de décès ceci grâce à cette stratégie de mise en place d'un confinement stricte dès que le nombre de morts avait atteint 50.
Pourquoi l'Italie s'est-elle enfoncée ?
Justement, avec le même raisonnement d'analyse épidémiologique concernant la Chine et servant de modélisation (ci-dessus), l'extrapolation de la courbe exponentielle, l'Italie n'avait appliqué sa procédure de confinement strict qu'après avoir atteint le chiffre de 500 morts. Ce chiffre de morts atteint correspond à une extrapolation montrant des niveaux de contaminations très élevés. Avec de tels niveaux de contaminations, engendrés par un délai certain, l'afflux d'un nombre élevé de patients au niveau des prises en charge médicales a rompu les capacités de tolérance des structures hospitalières italiennes. C'est pourquoi, effectivement, l'Italie s'est enfoncée, hélas. La France a subi un moindre impact par rapport à l'Italie grâce à un confinement strict décrété lorsque le nombre de morts avait atteint le chiffre de 150. Avec un tel niveau de morts en France, on pourrait s'attendre à une situation intermédiaire : entre la situation italienne et chinoise.
Que pensez-vous du protocole actuel adopté par de nombreux pays aux malades ?
Il s'agit d'un essai clinique européen (appelé « Discovery »), incluant 3 200 patients, dont l'objectif est d'évaluer l'efficacité et la sécurité de quatre stratégies (essai à 4 bras) thérapeutiques expérimentales de prise en charge qui pourraient avoir un effet contre le Covid-19 au regard des données scientifiques actuelles. Cette stratégie a été le fruit d'une analyse des données scientifiques concernant le SRAS-CoV-1 et MERS-CoV ainsi que sur le SRAS-CoV-2 de l'essai chinois récent. Elle a abouti à une liste de molécules antivirales à tester selon 4 bras : a) le remdesivir (déjà utilisé contre le virus Ebola) ; b) le lopinavir en combinaison avec le ritonavir (association utilisée contre le VIH) ; c) ce dernier traitement associé à l'interféron bêta (anti-inflammatoire biologique) et d) l'hydroxychloroquine. La liste de ces médicaments potentiels est basée également sur la liste des traitements expérimentaux classés comme prioritaires par l'OMS. De par le caractère urgent de la situation de la pandémie, cet essai est modulable, c'est-à-dire que très rapidement les traitements expérimentaux qui s'avèrent inefficaces pourront être abandonnés et remplacés par d'autres molécules qui émergeront de la recherche.
Un autre essai clinique international (« Solidarity »), sous l'égide de l'OMS, est également organisé avec d'autres molécules. Discovery et Solidarity vont se complémenter.
Tous ces médicaments sont utilisés dans les pathologies, en particulier d'origines virales, avec plus ou moins de succès. Ce sont des molécules qui ont un effet sur les virus, en particulier le virus à ARN (VIH, Ebola…), par interférence sur leur réplication (multiplication). Il est donc tout à fait légitime d'y faire recours en attendant les résultats de la synthèse de nouveaux antiviraux ou d'un vaccin spécifique pour lutter contre le Covid-19. On s'adresse aux molécules plus ou moins « anciennes » car il s'agit bien d'une course contre la montre.
Quant au protocole relatif à l'hydroxychloroquine, son utilisation semble donc bien fondée. Dans ce protocole, elle est associée à un antibiotique de la famille des macrolides (azythromycine) pour prévenir les complications d'une surinfection bactérienne. D'abord, la chloroquine (Nivaquine) est une molécule utilisée comme médicament pour prévenir et traiter le paludisme (malaria). Elle possède des propriétés antivirales in vitro contre le virus SRAS-CoV-2 responsable du Covid-19. La molécule existe également sous une forme dérivée, l'hydroxychloroquine (Plaquénil) prescrite pour le traitement de certaines maladies auto-immunes (lupus, polyarthrite rhumatoïde). Son mécanisme d'action comme antiviral, notamment dans le cas de Covid-19, n'est pas complètement élucidé. Il s'agirait d'un effet antiviral indirect où la molécule modifie le pH (degré d'acidité), à l'intérieur de la cellule où elle pénètre. Cette modification de l'acidité du milieu intracellulaire n'est pas favorable à la multiplication du virus du Covid-19. La multiplication ralentit et s'arrête in vitro.
Quant à son efficacité in vivo chez les personnes infectées dans le cadre de Covid-19, elle est l'objet, justement, du protocole en cours en même temps que les autres bras de l'essai européen. Les autorités sanitaires algériennes ont, à juste titre et à temps, lancé un protocole utilisant l'hydroxychloroquine. A ce propos, il est important d'attirer l'attention du grand public sur les méfaits d'une utilisation non contrôlée (auto-médication, prescription de complaisance) de l'hydroxychloroquine. En effet, sa dose efficace est proche d'un effet toxique en particulier sur le système cardio-vasculaire avec un effet sur le muscle du cœur provoquant des cardiomyopathies (avec des signes d'arythmie, palpitations et étourdissements) en cas de surdosage. Une surveillance stricte (électrocardiogramme, dosage d'hydroxychloroquine et du potassium dans le sang), en milieu professionnel hospitalier, est impérative lors d'un traitement utilisant l'hydroxychloroquine.

Et les perspectives d'un vaccin ?
Il s'agit du meilleur moyen d'endiguer la pandémie en empêchant de nouvelles contaminations. Et si la maladie devient endémique, un vaccin sera essentiel. Plusieurs équipes dans le monde s'attellent à mettre au point un vaccin contre le Covid-19. En ce qui concerne le vaccin contre le virus SRAS-CoV-2 causant le Covid-19, je dirai que c'est dommage que l'élan pour la production d'un vaccin contre le coronavirus à l'origine du SRAS de 2003 (SRAS-CoV-1) ait été interrompu. En effet, on aurait pu aujourd'hui gagner beaucoup de temps car différentes équipes avaient commencé à concevoir un vaccin contre le SRAS-CoV-1 mais l'épidémie s'étant arrêtée en cours avant même les essais cliniques chez l'homme. Trouver un vaccin contre le SRAS-CoV-2 va permettre d'enrayer l'épidémie Covid-19 qui frappe le monde depuis maintenant un peu plus de trois mois. La piste du vaccin BCG est en cours de test. Le BCG pourrait, indirectement, stimuler l'immunité globalement et du coup celle qui est spécifique au Covid-19. C'est une stratégie qui a été jadis utilisée, par le cancérologue Georges Mathé, pour stimuler les défenses immunitaires anti-cancéreuses. Dès le mois de janvier, les laboratoires de plusieurs pays se sont lancés dans la course au vaccin contre le Covid-19. Les Etats-Unis ont déjà annoncé avoir lancé des essais. Et en Chine également, les autorités sanitaires ont donné leur accord pour tester un vaccin. Néanmoins, les spécialistes préviennent qu'aucun vaccin ne sera prêt avant dix-huit mois à cause de toutes les étapes de développement et d'approbation pour ce type de traitement préventif.
En attendant, quelles sont les mesures à observer pour réduire le risque d'une contamination par le nouveau coronavirus ?
A ce jour, il n'existe aucun traitement spécifique contre le Covid-19. Le traitement des cas, en dehors du protocole adopté utilisant l'hydroxychloroquine en Algérie, n'est que symptomatique comme le traitement de la fièvre, des congestions ou des douleurs éventuelles. Et en l'absence d'un vaccin ou d'un traitement, le moyen le plus efficace reste le confinement connaissant les modes de contamination par le nouveau coronavirus. Toutefois, des consignes sanitaires sont recommandées afin de prévenir la maladie Covid-19, en particulier : se laver les mains régulièrement, tousser ou éternuer dans le pli de son coude, utiliser des mouchoirs à usage unique, porter un masque lorsqu'on est malade et son efficacité n'a pas été démontrée sur les personnes non malades. A noter que lavage des mains est une opération très importante car le virus n'est pas vraiment un organisme vivant mais un ensemble de molécules biologiques (ARN et protéines). Il n'est pas donc tué mais se décompose de lui-même. Le temps de désintégration dépend de la température, de l'humidité et du type de matériau dans lequel il se trouve. Le virus est très fragile et il n'y a que son enveloppe (fine couche de graisses) qui le protège. Tout savon ou détergent est le meilleur moyen pour le détruire car la mousse de savon dissout les corps gras de l'enveloppe du virus. C'est pourquoi, il est recommandé de se frotter les mains avec le savon pendant au moins 20 secondes pour dissoudre les corps gras et par voie de conséquence décomposer l'enveloppe virale et la disperser ensuite par dilution avec le courant d'eau. Garder les ongles courts car le virus peut s'y cacher. Aussi, l'alcool ou tout mélange avec de l'alcool à plus de 65% dissout la graisse de l'enveloppe virale. Egalement, un mélange d'une part d'eau de Javel avec cinq parts d'eau dissout l'enveloppe du virus. Vis-à-vis des matériaux, le coronavirus résiste 3 heures sur les tissus, 4 heures sur le cuivre et le bois, 24 heures sur le carton, 42 heures sur l'acier et 72 heures sur le plastique. D'où l'utilité de désinfecter régulièrement les surfaces et les objets tels que les poignées de porte, les boutons d'ascenseur, les claviers d'ordinateurs, les téléphones, les bureaux, etc. à l'eau de Javel diluée au 1/5 ou à l'eau et savon.
La morale de l'histoire ?
En effet, derrière toute histoire, il y a bien une morale à méditer. L'histoire de la pandémie Covid-19 a permis de relativiser notre force. Cette dernière, grande fût-elle, qui se trouve en face de notre faiblesse, est patente. Une minuscule et invisible particule a ébranlé force et argent. Désirer et pouvoir tout contrôler ? Non ! La petite particule nous a donné une leçon. Toute vanité bue, et tout le monde sur le même seuil. Ce sera désormais une partition à jouer avec l'harmonie des contraires. Cette calamité nous a appris à tout relativiser. Prendre du recul. Regarder les siens et les autres. Regarder dans le rétroviseur ceux qu'on a laissés derrière nous. Peut-être une fibre qui bouge. Une flamme qui se rallume pour mettre sous la lumière tout ce que nous avions laissé dans l'ombre. Aveuglés ? Nous l'avons été car, en fait, l'essentiel n'était pas dans le visible. Confiant, je le suis.
K. S.
(*) Professeur des universités.
Directeur de recherche, hôpital E. Herriot, Lyon, France.
Directeur du Centre de recherche en sciences pharmaceutiques (CRSP), Constantine.


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