Alors que le monde est en lutte depuis environ deux mois contre le Covid-19, pour l'Afrique, ce n'est qu'un autre front qui s'est ouvert depuis. Question fléaux, épidémies et autres calamités, notre continent n'en a jamais été épargné comme est venu le rappeler tout récemment encore, au moment où le monde entier s'est focalisé sur la pandémie de nouveau coronavirus, une nouvelle alerte a été lancée pour avertir quant à l'imminence d'une autre crise majeure : une invasion de criquets pèlerins. En fait, c'est en décembre dernier, pratiquement au même moment où le nouveau coronavirus faisait son apparition à Wuhan, dans le centre de la Chine, qu'un drame se passait au Kenya, en Somalie et en Ethiopie — la Corne de l'Afrique — où les criquets s'étaient mis à ravager des centaines de milliers d'hectares de production agricole et de végétation. Mais, depuis quelques jours, les craintes d'une nouvelle vague de criquets pèlerins plus ravageuse n'ont cessé de prendre de l'ampleur après que le nord du Kenya eut été soumis à une déferlante particulièrement vorace pour ensuite étendre la menace à un vaste territoire couvrant pratiquement toute l'Afrique de l'Est, du Kenya donc au sud de l'Ethiopie en passant par la Somalie. Une vague qui suscite l'inquiétude de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) qui juge la situation «extrêmement alarmante» favorisée par les conditions climatiques qui ont déjà été marquées par des pluies abondantes en mars dernier, soit au début des plantations. «C'est une seconde vague vingt fois plus importante que les précédentes», selon les propos de Cyril Ferrand, le coordinateur des programmes de résilience en Afrique de l'Est pour la FAO rapportés par la RTBF, la télévision belge. Une nouvelle invasion de criquets qui, ajoutée à ce qu'a induit le coronavirus comme conséquences, a de quoi inquiéter au plus haut point pas seulement les populations de la Corne de l'Afrique mais également l'ensemble des pays de la partie nord du continent. Jusqu'à il y a quelques jours, les criquets pèlerins ont dévasté d'importantes superficies de cultures vivrières de 23 pays à travers le monde, l'Afrique de l'Est étant le foyer principal, de l'Ethiopie au Kenya en passant par leurs voisins l'Ouganda et la Somalie, mais qui étendent leur menace jusqu'en Afrique du Nord, au Moyen-Orient et en Asie du Sud. D'après la Banque mondiale, ce sont plus de 8 milliards de dollars de dégâts et une famine pouvant s'étendre sur plusieurs années auxquels pourraient aboutir ces attaques de criquets, parce qu'il faut savoir qu'un essaim d'1 km² de criquets peut dévaster l'alimentation journalière d'une population de 35 000 personnes. C'est dire si, comme le suggèrent la FAO et la Banque mondiale, des mesures de contrôle à grande échelle doivent être établies par la communauté internationale. C'est à ce titre que la FAO avait lancé au début de l'année un appel de fonds de 76 millions de dollars avant de le revoir à la hausse pour demander finalement 153 millions de dollars. Bien que la pandémie de Covid-19 ait fait passer au second plan toutes les inquiétudes du monde, jusqu'à début mars, 110 millions de dollars ont été mobilisés pour permettre, entre autres, d'envoyer dans les régions touchées des experts pour former plusieurs centaines de personnes aux opérations de surveillance et de contrôle. Plusieurs avions ainsi qu'une flotte de véhicules terrestres ont été déployés pour venir à bout des essaims de criquets qui menacent d'aggravation l'insécurité alimentaire dont souffrent 20 millions de personnes. La lutte contre cette nouvelle invasion devrait se poursuivre jusqu'en juin bien que ces invasions soient parmi les plus difficiles à prévoir et à maîtriser, selon des spécialistes. En tous les cas, le Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine, eu égard à l'urgence absolue de la question, a communiqué sur la question. En premier lieu, l'organe de l'Union africaine a mis en garde contre une invasion prévisible ciblant également les régions de l'ouest et du nord du continent, d'autant plus que la saison des pluies dans les régions de l'ouest et du Sahel, durant le troisième trimestre de l'année, constitue un cadre favorable pour la reproduction des criquets. Puis en second lieu, a exprimé sa préoccupation face au potentiel de l'invasion de criquets pèlerins de devenir un fléau continental ayant un impact sur la situation humanitaire, qui pourrait entraîner davantage de souffrances, de déplacements et d'éventuelles violences intercommunautaires, en particulier entre les agriculteurs et les éleveurs; et à cet égard, met en garde : le fait de ne pas contrôler les invasions actuelles risque d'amplifier et de propager l'invasion sur l'ensemble du continent. Pas moins et ceci entre autres inquiétudes exprimées pour de larges populations du continent dont une partie du sud de l'Algérie. Azedine Maktour