Le jugement de plusieurs de ces affaires a, en effet, été programmé durant cette période sensible marquée par des mesures inédites liées à l'épidémie de coronavirus et les autorités judiciaires se sont, comme le reste des secteurs, mises en adéquation avec le nouveau rythme que connaît le pays. Pour limiter les risques de contagion parmi la population carcérale, décision a été prise, dans un premier temps, de limiter les extractions des détenus à un strict minimum laissé à l'appréciation des juges avant de durcir ces conditions en raison de la hausse des contaminations à travers le territoire national. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Cette mesure a mis fin aux déplacements des prisonniers, car, jusque-là, ils pouvaient être présentés individuellement ou en groupes très restreints devant les juges des tribunaux ou ceux de la Cour suprême, ce qui a mis fin à toute possibilité d'organiser des procès selon les procédés traditionnels. Depuis, les procès dits légers se sont déroulés par visioconférence. Qu'en sera-t-il pour les affaires lourdes ? Ce dimanche, le magistrat chargé de juger l'affaire de l'ancien chef de Sûreté de wilaya d'Alger et de l'ex-patron de la DGSN a laissé entrevoir que la possibilité d'organiser de tels procès par visioconférence n'est pas à écarter. Restées loin du tribunal de Blida en raison du confinement en vigueur, plusieurs sources ont rapporté que le juge avait tenté d'organiser ce procès à distance, mais que le procédé a été refusé par les prévenus. L'utilisation de ce procédé doit être, au préalable, soumise au consentement des concernés, apprend-on auprès d'avocats. Nourredine Berrachdi et Abdelghani Hamel auraient, quant à eux, refusé d'être jugés de la sorte,ce qui a contraint la cour de Blida à reporter une troisième fois le procès. La date retenue est le 31 mai prochain. Avant cette échéance, d'autres procès tout aussi importants sont cependant aussi prévus. Ceux de Ali Haddad et de Mourad Oulmi et de plusieurs ministres impliqués doivent se dérouler le 11 mai et, donc, en pleine période de confinement après avoir été reportés une première fois. Le tribunal de Sidi-M'hamed tranchera-t-il en faveur d'un nouveau report ? La décision ne sera bien sûr connue que le jour même, mais l'idée même d'organiser un tel procès par visioconférence partage déjà les avocats. Me Chellouche, membre du collectif de défense de l'ancien ministre de l'Industrie, Youcef Yousfi, qui doit également comparaître dans cette affaire, se dit peu convaincue du procédé car «il n'est pas dans l'intérêt du droit qui exige des débats contradictoires, des accusés qui ne se trouveront pas dans l'ambiance de l'audience pour se défendre. C'est un gros dossier. Il y a beaucoup d'expertises qui doivent être débattues et il y aurait manquement à l'un des éléments fondamentaux qui régissent les audiences et qui se trouve contenu dans l'article 212 du code pénal qui stipule, entre autres, que le juge prend sa décision en fonction des preuves débattues et de son intime conviction, d'où l'importance de la présence des prévenus». Ce n'est pas l'avis de Me Ksentini. «J'avoue, dit-il, que j'avais des préjugés contre ce genre de procédés mais j'ai changé d'avis il y a peu. J'ai pris part à un procès en visioconférence. Les prévenus étaient quand même au nombre de 23 et j'ai été très agréablement surpris par l'efficacité de cette méthode.» La raison : «Elle a le mérite de la clarté, les questions et les réponses sont audibles, contrairement aux audiences traditionnelles où l'on n'entend parfois pas grand-chose. Les prévenus sont là dans une salle de la prison face à une caméra. Ils sont interrogés par le juge dont l'image est également retransmise par caméra. Ils peuvent entendre les témoins et les avocats qui sont, eux, dans la salle d'audience. La technique est très bonne, très claire, même si elle prend un peu plus de temps que les jugements ordinaires.» Me Miloud Brahimi, qui doit assurer la défense de Youcef Yousfi et de Amara Benyounès qui doit également comparaître dans l'affaire Haddad le 11 mai prochain, ne voit, lui aussi , «aucun inconvénient à défendre ses clients lors d'un procès à distance. «Ce n'est pas nouveau, dit-il, des prévenus détenus dans des prisons loin de la capitale ont été déjà jugés de la sorte, et cela se passe très bien. La technique est bonne, la seule nouveauté est que des procès soient jugés d'Alger à Alger en raison de la situation sanitaire dans laquelle se trouve le pays». A. C.