Les mesures sanitaires contre la progression inquiétante du Covid-19 reprennent de la vigueur à Alger. Il aura fallu du temps pour que les services de la Wilaya daignent fermer le marché communal Ferhat-Boussaâd (ex-Meissonier), relevant de la commune de Sidi-M'hamed. Beaucoup de spécialistes avaient appelé à la fermeture temporaire de cet espace, entre autres, très fréquenté par la population, le considérant comme un potentiel foyer de contamination. Un coup dur pour les commerçants, qui espéraient que les autorités reculeraient sur cette décision annoncée la semaine dernière. Massiva Zehraoui - Alger (Le Soir) - Ce samedi matin, au marché Ferhat-Bousaâd, c'est dans une ambiance des plus moroses que les vendeurs entament leur dernière journée d'activité, avant la fermeture de leur lieu de travail, pour une durée de 15 jours. En dépit d'une affluence importante, certains commerçants, l'air hagard, semblent complètement déboussolés et encore sous le coup de la nouvelle. «Ce qui m'attriste le plus, c'est que ça peut aller au-delà de ce laps de temps, qu'allons-nous faire?», grogne l'un d'eux. Se tenant près de son étal bien garni (fruits, légumes, herbes...), il fait un grand geste de la main, pour montrer deux grandes flacons de gel hydroalcoolique disposés sur un même niveau. « J'estime que j'ai toujours fait le nécessaire en matière d'hygiène», murmure-t-il d'une voix à peine audible, avant d'enchaîner avec plus de dynamisme : «Mais à cause de l'inconscience de certains de nos concitoyens, on se retrouve dans cette situation.» Pour une dame d'un certain âge, qui déambulait près de là, la responsabilité n'incombe pas seulement aux consommateurs. « Vérifiez par vous-mêmes et vous constaterez que tous les vendeurs ne mettent leurs bavettes que quand ils voient la police arriver », lance-t-elle d'un ton sarcastique. Celle-ci estime que « les autorités ont tardé à intervenir, il fallait appliquer cette mesure depuis un moment déjà». Chose sur laquelle ne se mettent visiblement pas d'accord tous les citoyens qui ont l'habitude de faire leur marché dans ce lieu. «À mon avis, il y a d'autres alternatives», suggère un quadragénaire, visiblement agacé par cette fermeture. «J'habite tout près, je suis malade, j'ai déjà assez de mal à me déplacer comme ça, ou vais-je aller maintenant ?» fulmine-t-il. Ce à quoi la dame rétorque : «Il s'agit là du bien-être commun, chacun doit faire un petit sacrifice.» Les citoyens rencontrés sur place paraissent, d'après leurs propos, «partagés» quant à l'utilité de cette décision. Ainsi, une partie semble comprendre l'enjeu. D'aucuns, en revanche, se disent mécontents de voir les commerces fermer l'un après l'autre, notamment dans un contexte ponctué d'incertitude. Un état d'esprit que l'on retrouve surtout chez les différents commerçants, qui s'attelaient en cette matinée à vendre le plus de produits possibles. Ces derniers avaient à peine le temps de se retourner, tant la demande était importante. Cependant, c'est sans grand enthousiasme que ces marchands troquaient leurs produits maraîchers contre les billets qui s'entassaient dans les caisses. À l'intérieur du marché, pas de changements majeurs dans le comportement du personnel, ni même au niveau de l'organisation, hormis le fait que contrairement aux jours précédents, seulement deux entrées donnent accès à ce marché. Les trois autres entrées, habituellement ouvertes aux clients, étaient scellées, dans le but de contenir le flux des personnes qui entraient et sortaient du marché. «On aurait dû faire ça au moment du déconfinement», juge un agent de sécurité qui multipliait les rondes entre les étals. Pour ce dernier, «il aurait fallu être plus exigeant vis-à-vis du protocole sanitaire dès le début», admettant que «le laxisme du personnel du marché, d'un côté, et des autorités, de l'autre, a eu raison de nous». À l'extérieur de la bâtisse, on aperçoit une note placardée sur le mur. Elle annonce la fermeture du marché pour une durée de 15 jours. Un délai qui pourra être renouvelé si les événements l'exigent. Pour ce dernier jour, les vendeurs ont été autorisés exceptionnellement à travailler jusqu'à 14 h au lieu de 12h. Le jeune Imad, vendeur de volaille, posté à quelques mètres de l'entrée du marché surveillée par la police, était pensif. Il émet le souhait de reprendre le travail dans 15 jours tout au plus : «Tout ce que j'espère, c'est qu'on pourra rouvrir après l'Aïd.» Il fera part de ses maigres finances et de sa situation qui risque de se détériorer si cet état de fait perdurait. Pour lui, tout le monde est quelque part un peu responsable de ce qui se passe, «on doit en assumer les conséquences aujourd'hui», dit-il avec fatalisme. Si les vendeurs de ce marché ont fini par se faire une raison, on ne peut en dire autant des gérants des autres commerces qui se trouvent aux périmètres de la rue Ferhat-Boussaâd. Censés eux aussi être touchés par cette décision de fermeture, étant donné leur emplacement, ils ne sont pas encore fixés sur leur sort. « Nous attendons la fin de la journée pour savoir ce qu'il en est », précise un employé d'un magasin d'habillement, situé en face du bazar de Meissonier. Comme lui, un autre responsable d'une boutique de bijoux de fantaisie est lui aussi manifestement dans le flou. Pour lui, « cette mesure ne doit pas s'appliquer aux commerces individuels ». « Dans ce cas, il faut fermer tous les commerces de Didouche-Mourad, Télemly...», a-t-il soutenu. Dans les environs, les agents de la police vont et viennent le long de la rue. Curieusement, malgré l'omniprésence policière, les vendeurs ambulants s'étaient installés aux abords de la rue et vendaient leurs marchandises tranquillement. Certains d'entre eux semblaient même avoir noué des liens avec la police. Loin du brouhaha qui résonnait à Meissonier, le marché de Ali-Melah est quasiment désert. À l'exception de deux ou trois magasins, le reste des commerces sont fermés. Les rares commerçants trouvés sur place ont fait savoir que les services de la Wilaya sont venus sur place jeudi dernier et ont sommé tous les vendeurs de fermer jusqu'à nouvel ordre. M. Z.