C'est à Béni-Ounif, alors une petite oasis sise dans le Sud oranais — jouxtant l'oasis de Figuig (Maroc) — que s'accomplissaient des recherches scientifiques de premier ordre, d'intérêt mondial, dans un petit laboratoire de l'Institut Pasteur créé dans une infirmerie à Béni-Ounif par le médecin Henry Foley (1871-1956). Ce chercheur en pathologie et parasitologie humaines fit, en 1907, une découverte capitale concernant la transmission de la fièvre récurrente. D'abord en 1907-1908 fut réalisée, dans cette infirmerie, la découverte du rôle des poux dans la transmission de la fièvre récurrente mondiale. Cette découverte fondamentale qui, à elle seule, devrait lui valoir la reconnaissance de l'humanité. Peu avant, en 1906, le général Lyautey, commandant la subdivision de Aïn-Séfra, qui avait été fasciné par la personnalité d'Henry Foley, le fait affecter dans le poste saharien de Béni-Ounif, dans une région à peine pacifiée. Dans sa lettre datée du 29 septembre 1906, Lyautey lui annonçait son affectation, en lui écrivant: « ... je sais d'avance quelle belle besogne vous allez me faire... ». En effet, à la fin de 1907, ses études cliniques, microbiologiques, épidémiologiques puis expérimentales d'une importante épidémie de fièvre récurrente l'amèneront à démontrer, avec Edmond Sergent, que le pou, et lui seul, est l'agent de transmission de cette fièvre. Cette découverte conduira ensuite Charles Nicolle, deux ans plus tard, à démontrer à son tour le rôle du pou dans la transmission d'une affection qui sévissait à Tunis et qui a les mêmes caractères épidémiologiques que la fièvre récurrente : le typhus exanthématique. Après six ans de séjour en Algérie, Henry Foley fait une demande au ministère de la Guerre afin d'y être maintenu et pour y poursuivre les recherches entreprises sur la pathologie humaine et animale de la région. Il n'obtiendra satisfaction que grâce aux multiples interventions de Lyautey, du gouverneur général d'Algérie et du docteur Emile Roux, directeur de l'Institut Pasteur à Paris, un de ses anciens de l'école du Val-de-Grâce qui, pour des raisons diverses, tenaient à le conserver à son poste. Promu médecin-major de première classe (correspondant au grade de commandant) en 1911, il est mis en position « hors cadre » sans solde pour servir à Béni-Ounif, au laboratoire qu'il avait créé quatre ans plus tôt en apportant son microscope personnel et qui deviendra le « Laboratoire saharien de l'Institut Pasteur d'Algérie». Edmond Sergent, dans sa préface de la monographie de J. Bouchat, sur Béni-Ounif, parue en 1956, écrit : «Béni-Ounif-Docteur Foley... deux noms indissolublement liés dans l'esprit de ceux qui ont vu s'épanouir l'œuvre magnifique accomplie depuis un demi-siècle dans les confins sud-algéro-marocains par officiers et médecins, sous l'impulsion enthousiaste du général Lyautey, commandant la subdivision de Aïn-Séfra. ... Béni-Ounif ne fut pas seulement, grâce à Foley, un modèle de l'œuvre médicale française au Sahara. Cette découverte, qui faisait entrer pour la première fois le pou dans la pathologie humaine, conduisit d'autres savants français à la démonstration du rôle des poux dans la transmission du typhus exanthématique... Ainsi, grâce à Foley, l'oasis de Béni-Ounif offre le double témoignage d'un exemple réussi de l'œuvre médicale française au Sahara et de très beaux succès à l'actif de l'exploration scientifique de l'Algérie, commencée si brillamment par les officiers et les médecins de l'Armée d'Afrique sous Louis-Philippe.» Dès lors, Henry Foley va avoir une double ambition : poursuivre ses travaux de recherche à Béni-Ounif et créer un réseau de médecins sahariens, avec les jeunes médecins militaires affectés dans les diverses oasis sahariennes, afin d'entreprendre l'exploitation scientifique du Sahara, non seulement dans le domaine de la pathologie humaine mais aussi dans les divers domaines des sciences du vivant pour lesquelles, depuis son enfance, il avait une véritable passion : zoologie, botanique, ethnologie, préhistoire... Il fera ainsi, chaque année, plusieurs missions scientifiques dans les diverses oasis sahariennes ; la première de ces missions le conduit en 1908 dans la direction du Touat et du Tidikelt. Afin de parfaire ses connaissances en microbiologie, il obtient de venir à Paris pour suivre le cours de l'Institut Pasteur où il travaille dans le laboratoire du docteur Borrel, de novembre 1910 à mars 1911. C'est l'occasion aussi, pour lui, de nouer, renouer ou resserrer des relations amicales avec les membres de l'Institut Pasteur de Paris, chefs de service avec lesquels s'établira ensuite une collaboration très fructueuse. Puis son retour à Béni-Ounif en mars 1911. Il partage sa vie entre le poste de Béni-Ounif et ses laboratoires sahariens, l'Institut Pasteur d'Alger et ses missions sahariennes. Il entretient une abondante correspondance avec René Vallery-Radot, gendre de Pasteur, et avec son fils Louis Pasteur-Vallery-Radot qui ont été fascinés, eux aussi, par sa personnalité et par son œuvre scientifique et humanitaire. B. Henine