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Quand l'Etat se mettait au service des Kouninef
Leur procès s'ouvrira le 19 Août
Publié dans Le Soir d'Algérie le 09 - 08 - 2020

On les dit toujours sous le choc des événements ayant conduit à leur incarcération, encore « paralysés » par la nouvelle vie qui s'est offerte à eux dans les geôles des prisons d'Alger. Karim, Réda et Tarik-Noa attendent leur passage devant le tribunal chargé de les juger ce 19 août, après seize mois d'incarcération pour des faits sur lesquels nous levons le voile ici.
Abla Chérif - Alger (Le Soir) - Des faits somme toute intimement liés aux relations que leur défunt père entretenait avec Abdelaziz Bouteflika, alors que ce dernier était plongé dans les profondeurs de l'Histoire, des moments sombres, difficiles, souvent qualifiés de traversée du désert. Nous sommes à cheval entre les années 1970 et 1980. Ahmed Kouninef est alors en plein essor, les affaires qu'il entreprend dans le secteur des travaux publics sont très prometteuses. Il vit entre l'Algérie et la Suisse où Bouteflika décide de s'établir après ses déboires politiques avec le gouvernement algérien de l'époque. Rien ne va à ce moment pour le futur Président des Algériens. Même les portes du studio que son frère de lait lui avait loué de longues années lui sont fermées. «Il avait glissé la clé dans la serrure mais cette dernière avait été changée ! Il apprend alors que le bail de location avait été rompu», témoignent des personnes bien au fait de l'épisode. Bouteflika est à ce moment sans le sou, incapable de renouveler le contrat de location. Ses premières pensées vont à son ami Ahmed. Kouninef intervient, rétablit la situation, Si Abdelaziz retrouve son studio et bénéficie d'une aide précieuse qui lui permet de remonter la pente. Ahmed est à ces côtés durant toutes ses années difficiles, les deux hommes se voient fréquemment. Il l'accompagne y compris lors de son retour à Alger et compte parmi ces principaux soutiens lorsque tous lui tournent le dos. Il agit pour le réintroduire à nouveau dans le cercle de ses anciens amis, et ne lésine pas sur les aides financières lorsque son ami vient à manquer d'argent. Les années 1990 sont là, les affaires de Kouninef s'étendent, il est à présent dans l'importation de matériaux de construction. Il soutient activement l'avancée de Abdelaziz Bouteflika dans le monde politique, le conseille parfois. La mort interrompt la relation des deux hommes. Ahmed Kouninef décède en 2006. Il laisse derrière lui quatre enfants. Bouteflika, qui se sent redevable, les prend sous sa protection. Karim, Réda, Tarik-Noa et Souad ont grandi entre Alger et la ville helvétique, Genève, mais ils ont la réputation d'être encore trop ignorants de la réalité algérienne. Réda, le cadet de la fratrie, est celui sur lequel le père a le plus misé pour les affaires. C'est d'ailleurs lui qui prend la tête du groupe familial KOUGC en 2004. Très vite, il se heurte à des problèmes qui entravent l'avancée des affaires. Le président de la République l'apprend. Il fait savoir à tous que les enfants de son ami sont intouchables.
Le pouvoir exécutif au service des Kouninef
Les éléments recueillis durant l'enquête qui a mené à l'incarcération des trois frères résument d'ailleurs, à la perfection, les conséquences des directives de Bouteflika. Ils constituent en quelque sorte le point nodal d'une affaire pas comme les autres puisque les Kouninef se sont vu offrir les faveurs de l'unique véritable détenteur du pouvoir dans le pays, contrairement aux autres hommes d'affaires qui ont dû ,eux , se hisser, parfois de longues années, pour l'obtention de ses faveurs. Pour cerner les relations entre les mis en cause et les responsables en poste à cette époque, les enquêteurs se sont basés sur le relevé des appels téléphoniques, il en dit long. Les résultats ont, en effet, permis d'établir une très longue liste de personnalités mises en cause : Saïd Bouteflika est à la tête des noms cités à la présidence de la République, puis vient Ahmed Tartag, coordinateur des services de sécurité, Mokhtar Reguieg, chef du protocole, puis vient le wali d'Alger, Abdelkader Zoukh, Mahdjoub Bedda, alors ministre chargé des Relations avec le Parlement, Abdelghani Zaâlane, alors ministre des Travaux publics. Est cité ensuite le P-dg des douanes et de Sonatrach, Zemali Mourad, ministre du Travail. La liste complète des anciennes personnalités incriminées et transmise à la Cour suprême, seul organisme compétent à enquêter sur le sujet en raison de la qualité des mis en cause, est la suivante : Ahmed Ouyahia, Abdelmalek Sellal, Temmar Abdelwahid, Abdeslam Bouchouareb, Amar Tou, Houda Feraoun, Amar Ghoul, Necib Hocine, ex-ministre des Ressources en eau, Arkab Mohamed, Baraki Azzedine, ex-P-dg de l'Agence nationale des barrages, Loukal Mohamed, ex-ministre des Finances et ex-P-dg de la BEA, Ould Kaddour, ex-P-dg de la Sonatrach, Abdelkader Zoukh, Bedersi Ali et Far Bachir, anciens walis de Jijel, Farouk Bahmid, ex-P-dg des douanes.
Le pouvoir exécutif s'était-il mis au service des frères Kouninef ? L'enquête le mentionne, le répète, en fait son feed-back, la ligne directrice de toutes les recherches et auditions entreprises dans le cadre de cette affaire. Interrogés à plusieurs reprises sur le genre de relations qui les liaient aux concernés, et à Saïd Bouteflika en particulier, les frères Kouninef n'ont eu, à ce jour ,qu' une seule réponse : «Il s'agissait de connaissances, on nous appelait pour nous souhaiter un bon Aïd ou nous saluer.»
La même attitude a été observée durant toutes les auditions auxquelles ils ont été soumis. Depuis leur transfert de la prison d'El-Harrach vers celle de Koléa où le juge a dû se déplacer ou organiser des interrogatoires par visioconférence en raison de la situation sanitaire, les mis en cause n'ont été que très rarement en mesure de répondre aux questions qu' on leur posait. Me Chelgham Djamil, leur avocat explique : «Ces hommes d'affaires activaient dans des sociétés parfaitement organisées, à la Suisse si je peux me permettre, il y avait des gérants, des responsables chargés des détails dont ils ne s'occupaient pas. Ces personnes ont hérité de ces entreprises, elles n'ont rien créé.»
Kouninef Reda, Noa Tarik, Abdelkader Karim, Souad Nour sont poursuivis pour obtention d'avantages illégaux, blanchiment d'argent, trafic d'influence sur des fonctionnaires en vue d'obtention des avantages, surfacturation... Souad Kouninef, la sœur, a fait l'objet d'un mandat d'arrêt international lancé en juillet 2019. «Elle n'a rien à voir dans ce dossier», regrette son avocat. «Elle est associée à ces entreprises par la force d'une fredha, c'est une héritière au même titre que ses trois frères.» Comme Karim, Reda et Tarik-Noa, elle détient la nationalité suisse. Frappés d'ISTN (interdiction de sortie du territoire national), ces derniers ont remis six passeports, trois algériens, trois suisses. Selon la procédure en cours, ces derniers ont été également sommés de remettre les armes à main, de self-défense, qu'ils détenaient depuis de longues années. Au moment où ils étaient destinataires de l'ISTN, seuls Réda et Tarik-Noa se trouvaient à Alger. Karim, l'aîné de la fratrie, se trouvait à ce moment à New-York. Ses frères l'informent de leurs ennuis avec la justice et lui demandent de rentrer, il accepte, «car il disait n'avoir rien à se reprocher», affirme son avocat. L'enquête judiciaire se met en cours. Onze personnes sont poursuivies dans la même affaire. Des responsables au sein des 54 sociétés sont également mis en cause et poursuivis.
Ce que leur reproche la justice
Les faits sont nombreux : obtention de crédits sans avoir présenté d'assurances suffisantes, opération illicite de transfert d'argent vers l'étranger, projets inachevés, obtention d'indus avantages... L'enquête note, entre autres avantages, l'octroi à SPA Nutris d'un terrain d'une superficie de 10 808 mètres carrés pour un projet de huilerie à Jijel, l'octroi de la décision d'établir un passage de 45 mètres de long et 14 m, pour l'accès à ce terrain, l'octroi d'un projet hydraulique avec simple consentement à Constantine, l'autorisation de gérer deux mines de minéraux... À Jijel toujours, l'enquête note l'octroi de trois terrains agricoles d'une superficie supérieure à 1, 8 et 16 hectares. Les enquêteurs se sont aussi arrêtés sur les nombreux crédits bancaires qui leur ont été accordés. Les exemples sont légion : SPA Nutris crédit de 39 018 millions de DA, Spa Unihuile 1 127 100 000 DA, Mobilink 200 819 500 DA et 3 661 000 000. Le montant des crédits accordés à la Sarl KOUGC est de 1 309 983 millions DA , 20 689 544 933 00 DA à SPA sans garanties. La Sarl Ferial et Monetix ont, à elles seules, pu obtenir 34 997 266 900 DA. Parmi les projets octroyés de manière illégale, l'un retient particulièrement l'attention, il porte sur l'édification d'un raccord électrique entre El Kseur-Derguina et Jijel qui aurait dû, notent les enquêteurs, revenir à Sonelgaz. Il est aussi fait mention de l'irrégularité dans la manière avec laquelle a été passé cet accord, puisqu'il n'a pas été annoncé ni publié dans le Journal officiel.
La justice s'interroge également sur les raisons pour lesquelles 247 500 000 00 DA ont été ajoutés à la somme initiale de 1 322 798 639, 76 DA, et les raisons pour lesquelles le choix s'est porté sur les Kouninef, sachant qu'une directive de l'ANP avait interdit ce genre de travaux avec les sociétés privées dans certaines zones sensibles comme celles citées. Les enquêteurs notent aussi que certains projets, comme celui de la huilerie, ont eu des ajouts de 1 100 000 000 DA qui ont transformé la somme totale à 1 985 077 360 DA ,sans rien changer au niveau des délais d'exécution. Deux exemples sont cités : Aïn Ousséra, 0,24% de travaux achevés et Kasr-el-Boukhari 11, 5 travaux achevés après 16 mois. Le second projet qui retient l'attention est lié à l'affaire Mobilik. Il s'agit d'une convention de raccordement des cabines téléphoniques Hourria au réseau Algérie Télécom, un accord qui a connu, comme on le sait, des anomalies dans l'application des clauses. Selon les éléments fournis par l'enquête, ce projet a causé de grands torts à AT qui a été contrainte de verser 2 813 377 54 268 DA à Mobilink.
Les investigations ont également fait ressortir l'existence de deux lettres qui sont adressées au ministère des TIC, mais qui elles sont restées sans suite. Après audition, des responsables du secteur concerné ont fait aussi état de pressions exercées par la ministre des Télécommunications durant la passation du contrat en faveur de Mobilink.
Les Kouninef sont privilégiés, insiste l'enquête. Ils ont en particulier le monopole dans le secteur de l'hydraulique et leurs concurrents n'ont aucune chance face à eux.
1 500 milliards de centimes de dettes effacées et 4 milliards de centimes pour le quatrième mandat
Les privilèges cités sont nombreux : octroi d'un terrain de 4 268 mètres carrés à Bab Ezzouar pour l'édification du nouveau siège de KOUGC, mais le projet n'a jamais vu le jour. Les recherches ont établi que les Kouninef ont été globalement libérés des contraintes des charges de location, qu'ils ont bénéficié d'exonérations de dettes. Ces dettes effacées dans plusieurs secteurs ont d'ailleurs atteint le montant de 1 500 milliards de centimes. Au port d'Alger, où les Kouninef détiennent le droit de jouissance d'une assiette foncière d'une superficie de 7174 mètres carrés pour une durée de 40 années, jusqu'à 2047 donc, la dette effacée s'élève à 4474 657 600 DA. Au port d'Oran, elle s'élève à 58 708 047 DA. Des chiffres, encore des chiffres. Ils sont, cette fois, en rapport avec les aides débloquées par le FNI, Fonds national d'investissement, à la KOUGC. En 2014, deux versements ont été enregistrés sur le compte bancaire de la société domiciliée à Paribas. Le premier s'élève à 100 000 000 DA, le second à 40 000 000 DA, auxquels s'ajoute un montant équivalent à 183, 612 euros versé sur le compte KOUGC BEA. Durant la même année, Réda Kouninef procède au retrait de 4 milliards de centimes issus des fonds fournis par le FNI. Questionné à ce propos, il déclare que l'argent était destiné à financer la campagne de Abdelaziz Bouteflika pour le quatrième mandat. Il s'agissait d'un prêt auprès de la KOUGC, affirme aussi son frère Tarik-Noa. «Tout ceci est notifié au niveau de la comptabilité de la société.»
Des commissions rogatoires dépêchées dans quinze pays
L'enquête, qui a duré plus de quinze mois, a connu plusieurs étapes. L'une d'elles a consisté en l'envoi de commissions rogatoires et de correspondances aux autorités judiciaires de quinze pays : Suisse, Etats-Unis, France, Canada, Irlande du Nord, Turquie, Egypte, Espagne, Belgique, Allemagne, Italie, Portugal, Jordanie Chine et Emirats arabes unis. Objectif de ces recherches : établir la liste des biens détenus par les mis en cause à l'étranger. Les résultats des recherches entreprises demeurent inconnus pour l'instant, mais les enquêteurs évoquent, eux, une opération de blanchiment d'argent qui s'est déroulée à travers l'achat de biens immobiliers. Et pas seulement. Durant leurs recherches, les enquêteurs ont remarqué que Réda Kouninef avait procédé au retrait de 10 milliards de centimes trois jours après sa première audition. Le mis en cause a déclaré qu'il s'agissait d'un argent personnel issu des gains des sociétés ,et qu'il avait été versé sur le compte de son épouse et de sa fille.
La seule liste des biens connus des Kouninef à l'étranger demeure la demeure familiale en Suisse, deux logements de 50 et 60 mètres carrés à Benidorm, en Espagne, au nom de Karim. Les biens cités en Algérie consistent en des villas à deux étages pour chacun des membres de la fratrie à Bouzaréah, pour des prix supérieurs à 8 000 000 DA. La villa de Réda, une habitation de style mauresque de 800 mètres carrés édifiée sur une terre agricole, notent les enquêteurs, précédemment occupée par André Parant, ancien ambassadeur de France en Algérie. En saura-t-on davantage durant le procès ?
A. C.


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