Le processus devant aboutir à la réouverture des gros procès qui ont défrayé la chronique durant les années Bouteflika est très largement entamé, apprend-on de sources concordantes. De nombreuses auditions ont été effectuées depuis l'été dernier et les investigations judiciaires ont permis, dit-on également, de récolter de nouveaux éléments à même de permettre de rejuger bientôt les dossiers de l'autoroute Est-Ouest, Sonatrach II et Khalifa. Abla Chérif - Alger (Le Soir) - L'affaire qui risque de faire le plus de bruit dans les prochaines semaines n'est autre que celle de Khalifa. Enrôlée au début du mois d'octobre dernier au niveau du tribunal criminel de Blida, elle a été, comme on le sait, programmée en procès pour le 8 novembre prochain. Ceci signifie que la Cour suprême, saisie en 2015 par les prévenus qui se sont sentis lésés par la condamnation dont ils ont fait l'objet, a tranché dans le pourvoi introduit en décidant non pas de confirmer les peines prononcées à cette époque, mais en offrant aux mis en cause une autre chance. L'importance de cette étape réside cependant dans un autre fait : l'argument avancé par la Cour suprême pour étayer sa décision ! Les magistrats de la Cour suprême sont parvenus à la conclusion que le procès de 2015 a occulté l'audition de personnes citées à cette époque. L'argument permet à lui seul de mieux appréhender les événements à venir, nous dit-on, puisque le tribunal, doté d'une nouvelle composante, est d'emblée habilité à entreprendre une enquête complémentaire qui prendra effet à la suite du procès et nécessairement sur la base des propos qui seront tenus durant les auditions. L'on sait, dès lors, que la cassation concernera principalement Moumen Khalifa, condamné à dix-huit ans de prison, puisque tous les autres prévenus, plus d'une cinquantaine, ont déjà purgé la peine à laquelle ils ont été condamnés. À ses côtés, apprend-on d'autre part, comparaîtra également un ancien responsable de la sécurité d'une entreprise mêlée à ce dossier qui, lui aussi, a déjà purgé sa peine mais qui a introduit un pourvoi dans l'espoir de pouvoir récupérer une maison qui lui avait été confisquée. C'est, bien sûr, du côté de Khalifa que le nouveau pourrait venir. Ce dernier a toujours imputé à Abdelaziz Bouteflika et certains de ses ministres d'avoir mené une cabale à son encontre. Le procès qui s'est déroulé cinq ans auparavant a, quant à lui, été perçu comme une parodie qui a permis à plusieurs anciens hauts responsables d'échapper aux mailles de la justice. En sera-t-il de même cette fois ? À l'heure où les instances judiciaires de Blida seront penchées sur ce dossier, les deux autres rouverts seront programmés en procès, à Alger cette fois. Le nouveau pôle chargé des affaires de corruption mis en place au niveau du tribunal de Sidi-M'hamed est déjà en possession des documents relatifs à l'affaire de l'autoroute Est-Ouest et de Sonatrach II. Les magistrats instructeurs de la Cour suprême ont procédé à de nombreuses auditions durant l'été dernier avant de transmettre les dossiers à Sidi-M'hamed qui se chargera de la suite. Difficile, cependant, de s'attendre à du nouveau là-dessus. Dans l'affaire Sonatrach, l'on sait, par exemple, que les principaux mis en cause sont tous en fuite. Ce qui change, c'est que Chakib Khelil, Farid Bedjaoui et même les anciens responsables de Sonatrach cités dans ce dossier ont été inculpés et font aujourd'hui l'objet d'un mandat d'arrêt international. On apprend que des mandats d'arrêt internationaux ont également été lancés à l'encontre de l'épouse de Chakib Khelil et de ses deux enfants, et Mohamed Bayou, ancien responsable de la filiale SPC de Sonatrach, ainsi que sa fille. L'on sait, également, que depuis juin dernier, plusieurs anciens cadres de Sonatrach ont été auditionnés, permettant d'accumuler de nouveaux éléments versés au dossier transmis au tribunal de Sidi-M'hamed. Ce qu'il faut savoir est que le nom de Farid Bedjaoui est, cependant, davantage associé au marché de construction de la centrale électrique de Hadjret Ennous, à Tipasa, et du rôle qu'il aurait joué pour son attribution par Sonelgaz au groupe canadien SNC Lavalin pour un montant de 800 millions de dollars. Un autre dossier, celui de l'autoroute Est-Ouest, est également en cours de programmation au tribunal de Sidi-M'hamed. Le tribunal, doté d'une composante différente qui devra rejuger l'affaire, ne se suffira, cette fois, plus d'un témoignage écrit de Amar Ghoul. L'ancien ministre des Transports et des Travaux publics a été auditionné deux fois de suite et inculpé dans le cadre de ce dossier. Le juge d'instruction a également inculpé Mohamed Bedjaoui, ex-ministre des Affaires étrangères qui avait introduit auprès des autorités algériennes Pierre Falcon, le sulfureux homme d'affaires et marchand d'armes français condamné dans une affaire de vente d'armes en Angola. On apprend, enfin, qu'un autre dossier est actuellement en fin d'instruction, toujours au tribunal de Sidi-M'hamed. Il s'agit de l'affaire de l'ANBT (Agence nationale des barrages et transferts), qui a absorbé un montant de plus de dix milliards de dollars en l'espace de cinq ans, 2005-2010. Dans un communiqué rendu public, le parquet d'Alger avait informé l'opinion que Abdelmalek Sellal, trois walis (Tizi-Ouzou, Béjaïa et Mostaganem) font partie des personnes concernées par l'enquête qui se mène. La liste comporte, également, le nom de Hamid Temmar, l'ancien ministre des Participations et de la Promotion de l'investissement. L'audition des mis en cause se poursuivra dans la semaine avant clôture de l'instruction du dossier. A. C.