Le véhicule électrique est aujourd'hui une réalité palpable dans tous les marchés automobiles de la planète. Une nouvelle donne qui impose aux constructeurs de nouveaux processus technologiques et une refondation de leur stratégie commerciale et industrielle. Pour les clients, c'est une métamorphose, désormais inéluctable, de ce moyen de mobilité, imposé par des exigences écologiques et sanitaires liées à la préservation de l'environnement. L'Algérie ne semble guère, pour l'heure, préoccupée par cette révolution technologique qui est en phase de reconsidérer les fondements mêmes de ce moyen de locomotion. Au moment où des Etats se préparent à tourner définitivement la page du moteur thermique, l'Algérie pourra-t-elle continuer à tourner le dos à une évolution majeure, qu'est l'électrique ? Serions-nous encore, durant les prochaines années, le seul pays où le diesel obtient les faveurs du législateur au détriment de carburants moins polluants ? Dans son rapport annuel rendu public, il y a quelques jours, le Commissariat aux énergies renouvelables et à l'efficacité énergétique (Cerefe) rappelle cette réalité, aujourd'hui incontournable, et tente de sensibiliser le gouvernement, mais aussi les citoyens, à la nécessité de «se préparer à l'utilisation généralisée de la voiture électrique qui devrait connaître un grand essor durant la prochaine décennie». Un constat qui sonne comme un avertissement pour ne pas se retrouver en rade de la nouvelle mutation automobile dont les contours sont de plus en plus visibles. Textes réglementaires inadaptés S'il est vrai que cette révolution verdoyante a désormais atteint son niveau de maturation technologique, il n'en demeure pas moins que, chez nous, l'action du gouvernement dans ce domaine n'est toujours pas imprégnée de ces nouvelles valeurs et reste cloisonnée dans des schémas de gestion où le souci écologique et environnemental est loin d'être une priorité. Les derniers textes réglementaires réorganisant l'activité automobile n'en font cas que brièvement. L'article 23 du cahier des charges relatif aux concessionnaires stipule que «les véhicules neufs importés doivent répondre aux normes de sécurité et de protection de l'environnement prévues par la législation et la réglementation en vigueur ou, à défaut, aux normes reconnues à l'échelle mondiale», et l'article 7 du cahier des charges pour la fabrication précise que «les véhicules à produire doivent répondre aux normes de sécurité et de protection de l'environnement prévues par la législation et la réglementation en vigueur, ainsi qu'aux critères de qualité du pays d'origine». Le véhicule électrique n'y est nullement mentionné. Des faveurs pour le diesel Il faut signaler que cette situation est aggravée par une politique des prix à la pompe qui favorise clairement le diesel, avec une légère différence par rapport au GPL. Ce dernier, qui aurait pu constituer une alternative écologique et économique importante pour le pays, n'a pas, en réalité, bénéficié d'une véritable politique de promotion en vue de le développer et généraliser son utilisation. Ajoutons à cela une disponibilité qui n'est toujours pas assurée sur l'ensemble du réseau routier national ainsi que l'interdiction d'accès pour les véhicules qui en sont dotés à l'intérieur des parkings couverts. Une anomalie relevée par le ministre de la Transition énergétique et des Energies renouvelables, Chems Eddine Chitour, lors de son passage à l'émission «LSA Direct». Il a, en effet, souligné que le «parc automobile national est composé de 80% de véhicules roulant au diesel». Pour lui, «le recours à la mobilité électrique reste l'alternative salutaire pour l'Algérie qui jouit d'une situation géographique parfaite pour faire de l'énergie solaire une source privilégiée pour l'avenir du parc automobile». Et face à l'immobilisme ambiant, il ajoutera également que «nous allons importer quelques voitures électriques et les faire circuler pour montrer que c'est un tournant majeur. Quelle que soit la santé financière du pays, il faut prendre ce tournant et ne pas rater la révolution de la locomotion électrique». La domination de l'électrique est inéluctable Ainsi, aussi bien du côté du Cerefe que du ministère de la Transition énergétique et des Energies renouvelables, l'alerte est donnée et le chemin à suivre est d'ores et déjà esquissé par le Commissariat. Celui-ci note particulièrement que «conformément aux différentes études et projections pour les dix prochaines années, il apparaît que la mobilité individuelle sera dominée par l'électrique. Il est, par conséquent, fortement recommandé d'éviter les investissements massifs dans l'industrie automobile thermique». Il ajoutera que l'Algérie doit «entreprendre au moins certaines études solides dans le domaine qui permettraient de bien préparer cette échéance en fonction des moyens dont dispose le pays». Notons, par ailleurs, que des tentatives d'introduction de véhicules électriques en Algérie ont été enregistrées par le passé, et ce, dès le début des premières expériences en Europe. C'était le cas pour Renault qui avait proposé vainement aux autorités compétentes l'homologation de son premier véhicule électrique, en l'occurrence Twizi. Tout comme Toyota avait réussi à commercialiser avec succès une quarantaine de son modèle hybride emblématique, la Prius. Progrès continus du tout électrique Mais depuis les profondes perturbations provoquées par la parodie industrielle de Bouchouareb, le marché automobile algérien semble évoluer en marge des grandes avancées technologiques que connaît ce secteur au niveau mondial. Le tout électrique est aujourd'hui un choix retenu et sans cesse amélioré par les constructeurs. La technologie des batteries lithium-ion est de plus en plus maîtrisée et affinée. La durée de leur chargement s'est sensiblement réduite et l'autonomie est passée de 300 à 750 km. Des moteurs essence réservés exclusivement à la recharge des batteries sont même adjoints à la configuration de certaines voitures entièrement électriques, afin d'augmenter la durée d'autonomie. Dans certains pays, comme l'Allemagne, on est en train de tester la faisabilité et l'efficacité de routes à induction qui assurent une recharge des véhicules tout en roulant. En outre, avec la multiplication et la modernisation du processus de fabrication des batteries, élément le plus coûteux, les prix de vente des véhicules ne cessent d'être revus à la baisse. C'est dire que les progrès réalisés au cours de ces dernières années par la voiture électrique permettent, effectivement, d'envisager, à moyen terme, un bouleversement radical dans le domaine de la locomotion. Et l'Algérie se doit de se préparer dès maintenant à cette échéance. Les propositions pertinentes du ministre de la Transition énergétique et des Energies renouvelables et du Cerefe sont plus que jamais d'actualité. B. Bellil