Malgré une conjoncture globalement pas très propice pour une remontée des prix, eu égard à une demande toujours en deçà de ce qu'elle doit être, le pétrole s'est offert ces dernières semaines une spectaculaire hausse, certes ralentie par l'ultime séance de la semaine dernière, mais sans remettre en cause la tournure plutôt encourageante, après des mois de stress, pour les producteurs et les investisseurs. Vendredi dernier, le pétrole s'est donc offert un peu de répit, après deux semaines comme les producteurs n'espéraient plus revivre, surtout en ces temps où la pandémie repart avec une violence telle que la vie économique s'en est vite ressentie partout dans le monde, à commencer par les pays dont dépend en grande partie la demande de pétrole. Le tout dernier accord scellé par les 23 pays partenaires de l'Opep+ y est sans doute pour quelque chose dans le maintien de la courbe des cours à la hausse sur les deux marchés principaux, l'Intercontinental Exchange de Londres et le New York Mercantile Exchange, où, habituellement, pour des raisons toutes subjectives, le pétrole réagissait très mal, pour les «vendeurs» s'entend. Ce sont, en tous les cas, des niveaux que l'or noir n'a pas connu depuis onze longs mois, avec tout ce qui en a découlé comme affres pour les pays dont la vie socioéconomique dépend, comme c'est le cas pour l'Algérie dont la loi de finances de cette année reflète intégralement la mauvaise passe traversée par le marché pétrolier. L'optimisme règne donc sur le marché, mais il est des données qui font tout de même peser certaines craintes, à l'instar de celle émise par l'Opep il y a quelques jours, lorsqu'elle a admis que la perspective de l'amélioration continue des prix du brut pourrait amener les producteurs américains de schiste à ne pas lésiner sur la production. Selon l'Organisation, il est à s'attendre que l'augmentation de la production aux Etats-Unis atteigne 370 000 barils par jour, alors que les prévisions précédentes établissaient cette augmentation à 71 000 barils par jour. Ceci au même moment où le plus gros consommateur, la Chine, renoue avec des chiffres inquiétants de contaminations au coronavirus, donc de quoi craindre un nouveau ralentissement de l'activité économique et, partant, sur la demande de pétrole. Une des donnes qui explique la baisse des prix de vendredi dernier sur les deux marchés mondiaux, bien que les temps soient encore à l'optimisme, le pétrole ne pourrait connaître pire conjoncture que celle vécue durant les pénibles printemps et été 2020. Optimisme nourri par des perspectives, telles celles émanant de spécialistes du genre de David Messler, un habitué des colonnes de la presse américaine spécialisée dans les questions de l'énergie et du pétrole. Un spécialiste qui affirmait, il y a à peine quelques jours, que le pétrole continuera d'augmenter en 2021. «L'Opep reprend son rôle traditionnel de fixation des prix pour le monde» «Nous avons assisté à de fortes hausses des indices de référence clés du pétrole brut, le WTI et le Brent, au cours des derniers mois. Cela a été initié par l'avènement de nouvelles positives sur le front Covid, selon lesquelles les vaccins en développement étaient extrêmement efficaces, promettant un point final pour la propagation du virus. Cette tendance à la hausse du brut a été stimulée par la baisse progressive de la production et des stocks de schiste aux Etats-Unis au cours de la même période», explique David Messler qui, visiblement, pas du tout refroidi par les nouvelles vagues de contaminations dans les pays développés notamment, met également en évidence la décision prise début janvier par l'Opep+ de limiter la production jusqu'à la mi-2021. «L'Opep+ a surpris le monde avec sa détermination à finalement pousser les prix à la hausse. Utilisant sa puissance en tant que l'un des trois premiers producteurs mondiaux de pétrole brut et sa position incontestée en tant que producteur le moins coûteux au monde, l'Arabie Saoudite a choisi unilatéralement de retirer un autre million de barils par jour (...). C'est cette action qui a fait passer les marchés pétroliers au-dessus de 50 $ pour la première fois depuis début mars 2020. Ce que cela suggère fortement, c'est que le cartel reprend son rôle traditionnel de fixation des prix du brut pour le monde», nous explique Messler pour qui « malgré les verrouillages actuels qui inhibent la demande, la tendance est à la hausse. À mesure que la mise en œuvre des vaccins augmentera le bassin de la population immunisée contre les virus, l'activité commerciale reprendra, créant une demande pour les produits pétroliers raffinés ». Le spécialiste américain explique, par la suite, que la baisse des approvisionnements américains rendra fermement le pouvoir de fixation des prix à l'Opep+ et la barre des 50 dollars sera probablement un prix plancher à l'avenir. C'est en tous les cas une vision très optimiste sur le marché pétrolier qui se répand de plus en plus, comme le reflète d'ailleurs une analyse de ANZ Bank, une des sociétés bancaires les plus importantes d'Océanie, qui prévoit que les prix du Brent devraient atteindre 60 dollars le baril au second semestre de cette année, puis se stabiliser à ces niveaux, grâce à des baisses de stocks également aidées par la réduction supplémentaire de la production saoudienne au premier trimestre. D'autres groupes financiers estiment également que le pétrole atteindra et dépassera 60 dollars le baril cette année, en particulier au second semestre. C'est le cas de Goldman Sachs qui voit le baril de Brent atteindre 65 dollars en moyenne en 2021. Azedine Maktour