Oyez, oyez, braves gens, damoiselles et damoiseaux ! Troubadours, faites rugir les trompettes, les tambours ! Et ensuite faites silence pour écouter cette histoire d'avant. Prêtez-moi donc votre oreille pour ouïr ce conte sans pareil ! Oyez, oyez, bonnes gens, on sait que vous ne le saviez pas encore, mais l'Algérienne existe, et elle serait même la plus heureuse au monde dans son pays de Cocagne ! Et vous grincheux, chichiteux, hargneux Hadjs Machos que vous êtes, si vous n'en êtes guère convaincus, dites-vous alors que preuve en est le fait même que la culture soit déjà un mot féminin ! Et qu'en Algérie, qui est une femme bien sûr, ce vocable se conjugue depuis deux décennies au féminin, et que le ministre de la Culture est de nouveau une femme. Elle se prénomme joliment Malika, la reine en son ministère de Culture ! L'époustouflante Malika ! Elle est la preuve par la femme que l'Algérienne et la culture sont parfaitement épanouies en leur royaume. Hein, elle est pas belle la vie, dites-le, dites-le Hadjs Machos qui ne croyez pas que l'Algérienne, mieux d'ailleurs que ses sœurs de l'ailleurs, est la «moitié de la religion» et «l'avenir de l'Homme». Et qu'une fois mère, c'est l'Eve qui, après avoir donné la vie à nous autres Hadjs Machos, aura donc le paradis sous ses pieds, comme vous le savez, grâce au Prophète qui aimait les femmes (QSSL). Elle a même en son pays, son propre salon de la femme, Eve, le bien-nommé, qui était à sa énième édition avant la Covid-19, qui est un virus féminin mutant, comme vous en êtes certains. Un hymne à la culture, on vous le dit, avec ses stands du bonheur féminin dédiés aux cosmétiques, aux produits de «bien-être», à la décoration d'intérieur, aux cuisinières et, cerise culturelle sur le gâteau du bien-être féminin, l'artisanat. Alors, elle est pas belle la vie pour l'Eve d'Algérie ? Et comme le 8 Mars, c'est sa fête à elle seule, les hommes la chantent en ut majeur et en ut mineur. Ils se sont même égosillés pour elle, il y a quelques années de cela. Ce 8 Mars-là, les féministes Abdou Driassa, Hamidou, Samir Zerieb, Ghilès, Ghani El Djazaïr, Cheb Tewfik, pas celui du DRS, bien évidemment, et Nabil Rostom, ainsi que Cheb Yazid, avaient alors rivalisé de profonde poésie et de tendres vocalises. Yazid, celui-là, il chante Eve depuis longtemps déjà. Ce fou d'Eve devant l'Eternel, qui a sans doute lu Louis Aragon, est devenu le chéri de ces dames, avec sa célèbre Darou Esshour. Hymne d'amour à ces Eve qui font des gris-gris, des « chlaouèche » et des « harharouch-barbarouch » pour séduire ou détruire Adam. Ce coup-ci, Cheb Yazid-Aragon leur avait chanté «Had el youm aïdkoum, 8 mars, ya lébnèt» Hein, dites-nous, Hadjs Machos, Hadjs Fachos moustachus du bulbe, elle est pas belle la vie pour les Algériennes qui eurent droit ce 8 Mars-là, au «botox capillaire» au Hilton, ce fantastique palace du mauvais goût «beggarien» sur la côte-ouest d'Alger ? Dans cette Algérie édénique, terre d'accueil d'Adam après son expulsion du Paradis céleste, les Hadjs Machos aiment tellement l'Algérienne Eve qu'ils «l'honorent» régulièrement, à défaut de la mettre à l'honneur tout le temps. Prenez par exemple notre vénérable DGSN qui honore les femmes journalistes et les moudjahidate, entre autres Eve méritantes du pays. Remarquez que les flics sont désormais accompagnés de fliquettes, pas très beaucoup, comme qui dirait l'autre, mais il y en a quand même quelques milliers, fort heureusement diriez-vous vous-mêmes. Et même que la Toile est l'univers d'Eve l'Algérienne. Elle y a ses sites propres du bonheur féminin, comme «l'Algérielle» où, au pluriel, on leur dit, entre autres philtres du bonheur féminin, que «la fripe, c'est chic». Où on leur montre aussi comment prendre soin de leur peau et, à défaut de botox capillaire, on leur propose, pour leur donner envie, un magique «lissage brésilien adapté à leurs envies». Elle est pas belle la vie pour toutes les Eve dans une Algérie où leur Hadj Macho Abdelaziz Bouteflika avait imposé, dans la Constitution, «l'élargissement» de leur représentation politique. C'est que notre grand et bien-aimé Kim Il Sung de Tlemcen, adorateur d'Eve et de toutes les filles d'Eve, avait dû entendre le conseil de Maïssa Bey. L'écrivaine avait notamment suggéré un jour que «l'homme se mette dans la peau d'une femme, au moins une fois par an». C'est pour ça que chaque 8 mars, Hadj Macho se plie en quatre pour Eve qui, au fertile et prolifique ministère de la Culture, se prénomme désormais Malika. N. K.