Des centaines de femmes, rejointes par plusieurs autres citoyens, ont battu le pavé, hier lundi, à Alger, à l'occasion de la Journée internationale de la femme. Aux cris de « Algérie libre et démocratique » et d'autres slogans du mouvement populaire, elles ont sillonné le centre-ville faisant entendre, en même temps, leurs revendications liées au droit à l'égalité homme-femme. Karim Aimeur - Alger (Le Soir) - C'est aux environs de 14h que le rassemblement a été entamé devant la Grande-Poste, ce lieu hautement symbolique du mouvement populaire du 22 février 2019. Sous un dispositif sécuritaire important, la marche pacifique s'est ébranlée au rythme des mots d'ordre du Hirak. Au slogan réclamant l'édification d'une Algérie libre et démocratique, succèdent d'autres, comme celui affirmant que les manifestantes ne sont pas venues célébrer le 8 Mars mais pour exiger le départ du système politique. En même temps, une autre marche moins importante et organisée par des femmes portant des revendications spécifiques a été lancée à partir de la place Audin. Ces dernières réclamaient, dans leurs slogans, banderoles et pancartes, l'abrogation du code de la famille, l'égalité en droits homme/femme et des lois civiles et égalitaires. « Pas de démocratie sans les droits des femmes. Non aux violences faites aux femmes », lit-on sur l'une de ces nombreuses pancartes. Les deux processions humaines se sont croisées au niveau de la Faculté centrale, fondant en seule marche. Au moment de la rencontre fuse le strident « le peuple veut l'indépendance ». La manifestation pacifique et unitaire laisse, cependant, apparaître au grand jour les différences idéologiques des uns et des autres, se distinguant par les slogans que lançait chaque groupe. Parmi les manifestantes, plusieurs militantes des droits des femmes comme la professeure Fadéla Boumendjel-Chitour et l'avocate Fetta Sadat, ainsi qu'une des figures de la révolution algérienne : Louizette Ighilahriz. À la Grande-Poste, les manifestantes ont fait une longue halte, ponctuée par des débats entre manifestantes au moment où d'autres scandaient leurs mots d'ordre. Pour Fadéla Boumendjel-Chitour, connue pour son engagement de longue date en faveur des droits de la femme, la célébration du 8 Mars cette année se fait en deux manières. « En se fondant dans les revendications populaires, et en montrant que les femmes sont partie prenante de ce mouvement, mais aussi il y a eu une tentative d'exprimer les revendications plus spécifiques, en particulier les droits des femmes à l'égalité en droits avec les hommes. Pour cela, c'est positif, c'est un pas de plus pour que les femmes soient à la fois, et resteront toujours, dans le Hirak mais elles n'hésiteront plus à poser leurs revendications spécifiques. Le côté négatif, c'est qu'on est beaucoup moins nombreuses que...» Pendant ce moment, un jeune, bien habillé et portant une petite barbe bien taillée, tente d'arracher la banderole qu'arborent Mme Chitour et d'autres femmes. Sur cette banderole, il est écrit « Pour l'égalité entre les femmes et les hommes », un slogan qui dérange, semble-t-il. Ce jeune sera rapidement repoussé par des présents dont Ali Brahimi, militant des droits de l'Homme et ancien détenu du Printemps berbère de 1980, venu apporter son soutien à la cause féminine. Avant de ranger la banderole, Mme Chitour poursuit : « Les revendications sur l'égalité entre les hommes et les femmes ont été mal reçues par certains, on a entendu la phrase habituelle : ce n'est pas le moment d'exprimer et de poser ces revendications, tant que le pays n'est pas pacifié et sécurisé. Ça veut dire que cette bataille de l'égalité ne fait que commencer .» Les manifestants ont été dispersés par les services de l'ordre, qui ont interpellé quelques jeunes à la fin de la marche. K. A.