Le record africain des matchs sans défaite détenu désormais par les Verts ne laisse personne insensible. Et donne un goût d'une œuvre inachevée. À commencer par le sélectionneur national Djamel Belmadi qui pense que la performance, 27 rencontres sans accroc pour son équipe, manque un zeste d'exotisme. À son retour de Tunis, au lendemain de la victoire contre les Aigles de Carthage qui permettait à l'EN algérienne de devenir le numéro 1 africain des équipes invaincues, avec une invincibilité étalée sur 32 mois et 27 matchs, le coach national a été accueilli par les médias qui lui imposèrent» un point de presse devant le salon d'honneur de l'aéroport d'Alger. Parmi les nombreuses interrogations des journalistes, celle de savoir pourquoi les Verts n'affrontaient pas des sélections de pays européens. Plus «cyniquement», la question renvoyait au fait que l'EN a résisté, et à quelques exceptions près, à des adversaires pratiquement à sa portée représentant des Confédérations (CAF, Conmebol, AFC et Concacaf) peu «performants» comparativement aux équipes du Vieux Continent. Certainement gêné par la question, Belmadi ne manquera pas de faire noter que lui et son équipe ne choisissent pas leurs adversaires et, de surcroît, n'ont peur d'affronter personne. «Il faut respecter toutes les nations. On a déjà les éliminatoires de la Coupe du monde qui vont arriver. Chaque chose en son temps. Ensuite, si on a le mérite de se qualifier au Mondial, on essaiera d'affronter des équipes européennes et sud-américaines comme on l'a fait avec la Colombie et le Mexique. Mais avant cela, on a Djibouti, le Burkina Faso le Niger et il faudra se qualifier pour les barrages. Après, on parlera de ça», a-t-il répliqué. Comme pour dire que, comme les fans de la sélection, son envie est forte de croiser le fer avec les grands du football mondial, sans exception. Et sans chercher à calculer les bons et les mauvais coups ô combien importants dans l'élaboration du classement Fifa. Cette réaction de Belmadi n'était pas étrangère à sa ligne de conduite, celle d'un entraîneur ambitieux qui veut aller loin. Et qui crée le «besoin» chez les autres nations du football. C'est dans cette «logique», d'ailleurs, qu'il faudrait apprécier la dernière sortie du président de la FFF, Noël Le Graët. Interrogé par le site So Foot avant le déplacement à Munich où l'équipe de France affrontait l'Allemagne pour le compte de l'Euro-2020, le patron du football français a, comme d'habitude, réitéré son désir de jouer un match Algérie-France, mais en Algérie. «Je partage complètement votre souhait. J'ai toujours envie de le faire, mais c'est la politique qui m'empêche de le faire», s'accorde-t-il à dire d'emblée. Et de «porter le chapeau» aux Algériens de manquer à leurs engagements de recevoir les champions du monde 2018. «Ce n'est pas la France, c'est l'Algérie... Parce que moi, je souhaite aller là-bas. Jouer le match ici, on peut le faire, ils viendraient. Mais j'aimerais bien aller là-bas parce que ça fait quand même cinquante ans... C'est le seul pays du monde qu'on ne peut pas rencontrer. J'ai reçu Gianni Infantino hier ou avant-hier, on en a reparlé, on ira peut-être là-bas ensemble un de ces jours, pour voir plutôt le côté politique et sécurité. Mais oui, j'aimerais bien faire ce match», explique Le Graët qui s'était déjà exprimé à plusieurs reprises sur le sujet sans vraiment pointer à l'index les politiques dans la non-concrétisation de ce «projet» abordé avec l'ancien président de la FAF, Kheireddine Zetchi. Le président de la FFF qui ne semble pas intéressé que par un face-à-face en Algérie, assurant que les Algériens «sont déjà venus», montrera son impatience de conclure ce rendez-vous «historique» à ses yeux. Son empressement serait-il juste d'ordre sportif, le champion du monde voulant donner la mesure à un «petit» champion d'Afrique, ou a-t-il des relents tout aussi politiques ? À savoir du football, cette passerelle naturelle qui pourrait dégeler des relations électrisées entre les deux pays ? Sa réponse à la question insistant sur le fait que l'idée d'un Algérie-France traîne depuis 20 ans (6 octobre 2001 au stade de France) quand un certain Djamel Belmadi envoyait un coup franc magistral sous l'équerre des bois de Fabian Barthez, ne laisse aucun doute que, quelque part, Noël Le Graët ne fait pas que du sport. Le Graët relance Algérie-France «Ecoutez, vous me posez la question. Votre avis ne m'intéresse pas. Moi, j'ai envie d'aller jouer en Algérie parce que ce serait un signe fort. Je vais en Algérie souvent, et là-bas, sur les écrans, ils regardent les matchs de notre Championnat. Les faire venir ici, c'est facile, n'importe où. Je trouve que c'est difficile, non pas d'avoir un refus permanent, mais de ne pas pouvoir aller jouer au foot. Les faire venir à Paris, aucun problème, on remplit le Stade de France, on se fait du fric, ce n'est pas le problème. Mais j'ai envie de jouer là-bas.». Précis et net. Et ses propos ne manquent d'aucune ambiguïté quand il persiste à croire que, sur insistance du journaliste qui lui propose la possibilité de refaire le match en France ne serait pas une si mauvaise chose, sa démarche est la bonne. «Mes réponses, elles comptent. Je dis je veux aller en Algérie, donc ne revenez pas en arrière. Je souhaite aller jouer en Algérie et je ferai tout ce que je peux», se fâche-t-il et de renvoyer l'interviewer, qui voulait mettre un terme à l'entretien, au fond de la problématique. «Non, mais allez-y, je pense être correct dans mes réponses. Je n'ai pas employé de mots désagréables, vous me posez des questions, je réponds. J'ai aussi le droit de ne pas être tout à fait d'accord avec votre avis (...). Très bien, ben vous noterez ça.» En présence du directeur de la communication de la FFF qui rappelait au journaliste de vouloir disputer le match en Algérie, ce dernier posera une ultime et tranchante question : qu'est-ce qui pose problème de faire un match France-Algérie ? Après un nouveau rappel du directeur de la communication de la FFF qui répondait «rien du tout, il vient de vous le dire, il veut le faire là-bas», Noël Le Graët donne ce qu'il pense être la raison de vouloir jouer en Algérie, pas ailleurs. «Je vous ai dit que je voulais le faire en Algérie parce que ce serait un signe fort et que je pense que malgré tout, la France est aimée là-bas. Au niveau politique, il y a effectivement des difficultés entre les deux pays. Mais le sport, et surtout le football, peut arranger les choses», conclut Le Graët conscient que sa parole ne vaut pas grand-chose devant la raison politique. Contrairement à Belmadi dont le contrat avec la FAF expire à la fin du Mondial du Qatar, Le Graët (79 ans) peut espérer lui qui dispose d'un mandat jusqu'en 2024. M. B.