L'Afrique renoue-t-elle avec les coups d'Etat militaires, opération de prise de pouvoir que l'on croyait appartenir au passé ? Réunis en Sommet, présidents et chefs de gouvernement ont, à l'unanimité pour ne pas dire à l'unisson, paraphé un document devant servir non seulement de référence mais surtout de code de conduite auquel tous doivent s'y conformer, voire défendre. Autrement dit, toute prise de pouvoir par la force est automatiquement condamnée, les auteurs du putsch voués aux gémonies. En seulement une année, en Afrique francophone ont eu lieu trois coups de force : Mali (août 2020), Tchad (avril 2021) et il y a deux jours en Guinée. Les auteurs issus de la jeune garde de l'armée appartiennent à la nouvelle génération d'officiers, rompant ainsi avec la tradition, c'est-à-dire l'accaparement des rênes du pays par les ainés, très françafriques. Les officiers-colonels, voire capitaines ne s'embarrassent pas de la manière d'arriver à leurs fins. En ce premier quart du 21e siècle, tous les beaux discours sur les avantages infinis de la démocratie sont balayés d'un revers de la main. Tout aussi est désinvolte la démarche consistant à suspendre la Constitution, le plus souvent taillée sur mesure pour l'homme fort du moment. Mieux, tout le personnel politique en charge des affaires de l'Etat est congédié sine die, sans autre forme de procès. Encore heureux que le bain de sang soit évité, trait commun des coups d'Etat d'avant. Le paradoxe dans ce type de situation fait que les avocats de l'alternance par les urnes et donc du rejet la violation de l'ordre constitutionnel restent, souvent sans voix. L'effet de surprise met du temps à se dissiper pour que les réactions de condamnations se manifestent. L'autre paradoxe, le plus frappant, ce sont les foules en liesse qui accueillent, comme sauveurs, les auteurs en tenues de combat. Paradoxalement enfin, les putschistes arguent, dans tous les cas de figure, de leur volonté de sauver le pays menacé d'écroulement du fait de la corruption, du clientélisme, etc. Rien d'autres. Il faudra aussi observer que le contre-pouvoir, censé être incarné par la société civile ne reconnaissant pas leurs défaillances — ou impuissance — face aux tous puissants renversés, surgissent bruyamment sur la scène publique, tentent de se rapprocher des nouveaux seigneurs pour leur présenter leurs revendications de la population, la justice. Tant il est vrai qu'il n'est pas évident de sortir du cercle vicieux de la règle du jeu imposée par les dirigeants déchus. D'autre part, là où le bât blesse, est qu'il n'y a rien d'innocent dans l'entreprise de ces baroudeurs d'un genre nouveau. Pis, ils ignorent qu'ils sont l'objet d'un jeu de rééquilibrage des forces internes et, partant, sur une échelle plus grande englobant toute une région. Nous avons vu comment les officiels français ont accouru dans la capitale tchadienne afin de reprendre en main la nouvelle donne politique introduite par l'assassinat du président Idriss Déby. Pas besoin d'être sorcier pour comprendre que ces coups d'Etat à répétition n'ont rien d'innocent, de spontané. Le fin mot est que ces histoires de lutte pour le pouvoir n'apportent rien de concret aux populations le plus souvent trahies dans leurs espoirs. Brahim Taouchichet