De Tunis, Mohamed Kettou Alors que la nouvelle Premier ministre engage les consultations pour former le gouvernement selon la feuille de route du Président Kaïs Saïed, le parti islamiste En Nahdha continue de faire de l'agitation. Rached Ghannouchi est en tête des contestataires. La situation que vit actuellement la Tunisie est le résultat d'une «bataille déchirante» entre les présidents de la République et du Parlement, en l'occurrence Kaïs Saïed et Rached Ghannouchi, a déclaré Tarek Fetiti, vice-président de l'ARP gelée depuis le 25 juillet. Cette déclaration a été faite, vendredi dernier, au moment où certains députés gelés ont observé un sit-in timide réclamant la reprise des travaux de l'Assemblée dont le siège reste inaccessible, étant gardé par les forces de sécurité. A leur arrivée, ils ont été accueillis «bruyamment» par un «dégage» lancé par de nombreux citoyens qui ont exprimé leur refus de voir le Parlement reprendre ses activités, manifestant leur soutien au président de la République. L'un des députés, l'islamiste Mohamed Goumani, aurait connu une mésaventure, la foule ayant failli le jeter dans une poubelle. Simultanément, les parlementaires qui ne reconnaissent toujours pas la légalité des mesures présidentielles qu'ils considèrent comme un «putsch» contre la Constitution, ont publié un communiqué appelant au retour à la situation antérieure au 25 juillet. Sur la page Facebook du Parlement, Rached Ghannouchi abonde dans le même sens en rejetant le recours du chef de l'Etat à l'article 80 de la Constitution et le décret présidentiel du 22 septembre qui permet à Kaïs Saïed de s'accaparer les pouvoirs législatif et exécutif. Ce qui, a-t-il dit, ouvre la voie à la dictature. Poursuivant ses attaques, Ghannouchi a ajouté que le bureau de l'Assemblée est en session ouverte en permanence. Sit-in chahuté Rappelant que le 1er octobre était la date de l'ouverture de la 3ème législature du mandat en cours, Ghannouchi, qui se considère toujours président du Parlement, a appelé les députés à reprendre le travail dans le «calme» et le «respect de la loi». Pour le député Hichem Ajbouni (courant démocrate), Ghannouchi ferait bien de se taire étant le principal responsable de la situation actuelle et étant «le premier à violer la loi». Cette ambiance ne laisse personne indifférent. La plupart des observateurs qualifient le communiqué rendu public par Ghannouchi de «déni de l'Etat et de la Constitution». Enfonçant le clou, le bras droit de Ghannouchi, l'ancien ministre de la Justice, Noureddine Bhiri, estime que les décisions prises par Kaïs Saïed «n'engagent pas l'Etat tunisien». Le même jour, Kaïs Saïed a fait un nouveau réquisitoire contre les corrompus. En recevant le président de la Cour des comptes, venu lui présenter le rapport de cette institution, le chef de l'Etat a beaucoup insisté sur la nécessité pour la justice de prendre les mesures adéquates contre tous ceux qui ont bénéficié de soutiens étrangers pour financer leurs campagnes électorales. À noter que cette cour avait relevé, dans son rapport, de nombreuses irrégularités qui exposent leurs auteurs, parmi les députés, à la suspension, voire à la prison. Dans ce climat délétère, la nouvelle cheffe du gouvernement (Premier ministre), Mme Nejla Bouden Romdhane, poursuit ses consultations avec diverses personnalités pour former le gouvernement. Il s'agira, a-t-elle précisé, d'un gouvernement capable de lutter contre la corruption et apte à élaborer un plan de développement économique et social fiable pour faire sortir le pays du marasme où il est plongé depuis 2011. La tâche est d'autant plus lourde que le pays croule sous les dettes menaçant l'avenir immédiat du pays et hypothéquant l'avenir des futures générations. M. K.