Par Ammar Belhimer [email protected] L�encadrement de la commande publique suscite les m�mes craintes partout. Chez nous, le r�gime juridique des march�s publics, inspir� du droit fran�ais, a r�cemment connu certains r�am�nagements qui ont fait couler beaucoup d�encre, opposant principalement les tenants d�un durcissement justifi� par l�aisance financi�re et ce qu�elle g�n�re comme gaspillages et autres actes malveillants, d�une part, et les tenants d�une lib�ralisation plus pouss�e, d�autre part. Le d�cret pr�sidentiel n�10- 236 du 7 octobre 2010 portant r�glementation des march�s publics, publi� au Journal officiel n�58 de la m�me date (pp. 3-30), semble acc�der aux dol�ances du premier courant. A juste titre, d�ailleurs. �Des atteintes aux deniers de l'Etat existent et le fl�au de la corruption s'est confort�. Nul ne tente de dissimuler ces r�alit�s que notre soci�t� condamne, mais nul ne pourrait aussi contester la d�termination de l'Etat � combattre ces d�viations avec toute la rigueur de la loi�, constatait le pr�sident de la R�publique lors du dernier Conseil des ministres. Le d�bat autour des voies et moyens de transparence et de lutte contre la corruption et autres d�tentions d�int�r�ts � la faveur de la d�pense publique n�est pas propre � l�Alg�rie. La Commission fran�aise de r�flexion pour la pr�vention des conflits d�int�r�ts dans la vie publique a remis ce 26 janvier 2011 au pr�sident Sarkozy un rapport intitul� : �Pour une nouvelle d�ontologie de la vie publique�. Il s�agissait pour cette structure ad hoc, qui devrait faire rugir nos parlementaires, oisifs et ventripotents, d�arr�ter un mod�le, juridique s�entend, de pr�vention ou de r�glement des situations de conflit d�int�r�ts dans lesquelles peuvent se trouver les membres du gouvernement, les responsables d��tablissements publics ou entreprises publiques, et en tant que de besoin les hauts fonctionnaires. L�objectif est, au final, d�am�liorer les r�gles d�ontologiques applicables � ces personnes. La commission a cibl� trois cat�gories de personnes : - les membres du gouvernement (Premier ministre, ministres, secr�taires d�Etat) ; - les responsables d��tablissements publics et d�entreprises publiques (pr�sidents ex�cutifs ou directeurs g�n�raux) ; - les fonctionnaires exer�ant les plus hautes responsabilit�s administratives. Outre une importante enqu�te internationale (effectu�e soit aupr�s des ambassades de France dans diff�rents pays de l�Organisation de coop�ration et de d�veloppement �conomiques (OCDE), soit directement aupr�s d�institutions nationales ou internationales comp�tentes � Commissariat � l��thique et aux conflits d�int�r�ts du Canada, Union europ�enne, Conseil de l�Europe) destin�e � lui permettre de collecter tous les �l�ments de droit compar� n�cessaires, la Commission a proc�d� � des auditions dont une part substantielle a �t� publique et diffus�e en ligne sur un site internet cr�� � cet effet. La pr�vention des conflits d�int�r�ts en France, pour les personnes mentionn�es, vise un triple objectif : - primo, renforcer la confiance des citoyens dans les institutions de l�Etat et les administrations publiques de l�Etat, des collectivit�s territoriales ou hospitali�res. �L�impartialit�, l�objectivit� et la probit� des membres du gouvernement et des personnes exer�ant les plus hautes responsabilit�s publiques sont d�terminantes pour garantir non seulement l�Etat de droit, mais plus g�n�ralement les valeurs constitutives du ��vivre-ensemble�� qui sont le ciment de la R�publique. Pr�server les acteurs publics des risques de conflits d�int�r�ts doit permettre de consolider le lien entre les citoyens et leurs institutions �, est-il notamment soulign� ; - secundo, pr�voir et combattre �imp�rativement� les situations de conflits d�int�r�ts ; - tertio, mettre en �uvre la l�gislation (importante) qui concourt � la pr�vention de telles situations, en sus de l�existence de nombreux contr�les a priori et a posteriori de natures diverses (contr�le hi�rarchique, inspection�). Il est toutefois d�plor� que �cette l�gislation, ancienne, est essentiellement r�pressive, en particulier par le biais des d�lits de prise ill�gale d�int�r�ts, et peu appliqu�e, tandis que le volet pr�ventif, notamment dans sa dimension d�information et de sensibilisation, est tr�s insuffisamment d�velopp�. La commission a conclu � la n�cessit� de construire une nouvelle culture de d�ontologie gr�ce � trois actions : d�finir des codes de conduite ou des chartes de d�ontologie ; mettre en place une organisation administrative adapt�e � la prise en compte de la d�ontologie ; mettre en �uvre l�imp�ratif de la formation et du dialogue d�ontologique. Le recours � une loi relative � la d�ontologie des acteurs publics constitue l��l�ment central du dispositif normatif envisag�. Seraient inscrites dans cette loi : - la d�finition de la notion de conflit d�int�r�ts ; - l�exigence de pr�vention des situations de conflit d�int�r�ts, dans sa double hi�rarchie de ne pas placer ou maintenir une personne sous son autorit� dans une situation de conflit d�int�r�ts ; - les valeurs fondamentales de l�action publique : la probit�, l�int�grit�, l�impartialit� et l�objectivit�. Cette loi devrait �galement d�finir, dans leurs principes, les principaux dispositifs pr�ventifs envisag�s. Elle devrait � ce titre : - g�n�raliser l�obligation pesant sur tout acteur public de s�abstenir de conna�tre des questions dans lesquelles il d�tient des int�r�ts personnels de nature � compromettre son ind�pendance, son impartialit� et son objectivit� et de prendre des d�cisions sur ces questions ; - adapter le dispositif r�pressif � la marge pour assurer une articulation optimale et juridiquement s�curis�e avec les dispositifs pr�ventifs existants ou � venir. Le d�cret pr�sidentiel n�10- 236 du 7 octobre 2010 portant r�glementation des march�s publics et publi� au Journal officiel n�58 de la m�me date (pp. 3- 30) introduit nombre de ces principes. Au titre de la transparence des march�s publics, il est pr�vu l�ouverture et la mise � jour r�guli�re d�un fichier national des op�rateurs, des fichiers sectoriels et un fichier au niveau de chaque service contractant. Par ailleurs, un portail �lectronique des march�s publics est institu� aupr�s du ministre charg� des finances (art. 173). De m�me qu�il est cr�� un Observatoire �conomique de la commande publique (art. 175). L�intention express�ment affich�e est de lutter contre la corruption, fl�au auquel le d�cret ex�cutif r�serve une section enti�re (la sixi�me). A cette fin, il est pr�vu l�approbation ult�rieure par d�cret ex�cutif d�un code d��thique et de d�ontologie. Il est, par ailleurs, de suite introduit une d�claration de probit� dans les dossiers de soumissions. Par ailleurs, le journal en ligne Tout sur l�Alg�rie fait �tat de la nomination de dix hauts magistrats issus, pour la plupart, des rangs des hautes fonctions de l�appareil judiciaire, �afin de contr�ler l�activit� des ministres ayant en charge des secteurs sensibles� aupr�s desquels ils seront d�tach�s. Toute d�cision ou initiative allant dans le sens de la pr�servation du bien public est bonne � prendre.