Le professeur Khaled Benmiloud est n� en 1930 � A�n-Sefra et est d�c�d� le 25 juillet 2003 � Alger. Il a fait le coll�ge � Tlemcen et le lyc�e � Oran. Il a obtenu le doctorat en m�decine � Paris, le dipl�me de psychiatrie � Gen�ve et l'agr�gation de m�decine � Alger. Il a �t� professeur � la Facult� de m�decine d'Alger et m�decin-chef de la Clinique universitaire de psychiatrie d'Alger. �Je suis un fils de paysan�, aimait � r�p�ter Khaled Benmiloud, cet enfant issu d�une lign�e de notables de l�oasis de Tiout, pr�s de A�n Sefra, descendant du saint Sidi Ahmed Benyoucef El M�liani (Kh�mis-Miliana). Son p�re, Si-Khelladi, est mort en 1981, alors qu�il n�a jamais connu sa m�re d�c�d�e � sa naissance. Les souvenirs d�enfance qui revenaient souvent dans ses propos, sont les interminables vacances d��t� pass�es � �tudier le Coran dans la zaou�a de ses a�eux, en tenue traditionnelle et les cheveux coup�s � ras, ponctu�es toutefois de s�jours bien plus agr�ables et divertissants dans leur r�sidence secondaire de Tlemcen. Apr�s avoir �tudi� au lyc�e d�Oran, p�riode marqu�e par une scolarit� perturb�e, c�est � Paris qu�il poursuivit ses �tudes de m�decine. Ensuite en Suisse pour suivre la formation de psychiatre � la clinique Bel Air de Gen�ve, sous la houlette du professeur J. de Ajuriaguerra, tout en �tant secr�tement affili� au FLN, pour le compte duquel il militait discr�tement. Ami d�artistes, tels Issiakhem, le peintre ou Malek Haddad, le po�te, ses compagnons d�infortune. Ses camarades d��tudes, dont il parlait souvent et avec lesquels il �tait li� par une amiti� sans faille qui durera toute sa vie, �taient Omar Boudjellab, Mohamed Redjimi et Saddek Bedali-Amor, tous trois futurs professeurs en m�decine de l�Alg�rie ind�pendante. En �t� 1962, apr�s un exil dur et forc� mais f�cond, alors laur�at, fra�chement promu, promis � un avenir radieux, il rentrait au pays, ramenant avec lui la science qu�t�e en terre d�Occident. il �tait d�ailleurs le premier psychiatre alg�rien. Chef de service des urgences psychiatriques du CHU Mustapha � Alger-Centre, qu�il cr�era pratiquement, il �tait �galement m�decin- chef de l�h�pital Drid-Hocine de 1967 � 1976, et depuis m�decindirecteur jusqu�au d�but de l�ann�e 1984, r�gnant ainsi en despote �clair� sur toute la psychiatrie de l�Alg�rois. Il �tait second� par son fid�le complice et ami de toujours, le professeur Pierre Laborde, Bordelais de naissance, Alg�rois d�adoption et Alg�rien de c�ur, d�c�d� peu de temps avant celui qu�il consid�rait toujours comme son ma�tre, bien que son cadet de deux ans. Durant cette p�riode, outre qu�il avait mis en place toutes les modalit�s fonctionnelles du dispositif psychiatrique de l�Alg�rois, avec son intersecteur comprenant un service d�urgence, un h�pital avec son centre de jour et ses dispensaires � la rue Horace-Vernet et au boulevard Victor-Hugo � Alger-Centre, � El Biar, � Oued Ouchayeh, � Kouba et � La Haute- Casbah, mais �galement deux services de d�gagement aux deux points cardinaux de la wilaya, � Th�nia et � Kol�a, pour les longs s�jours en post-cure. Il avait reconstruit pour cela Drid-Hocine de fond en comble en l�agrandissant et en le r�am�nageant totalement pour le rendre conforme aux exigences de son mod�le de fonctionnement id�al. De la modeste clinique l�Ermitage, petit �tablissement colonial priv�, il avait fait un grand h�pital universitaire, l�institution-m�re et le premier centre de formation psychiatrique de la jeune R�publique alg�rienne. Lui, l��l�ve de J. de Ajuriaguerra, grand ma�tre de la p�dopsychiatrie, il avait cr�� le premier service d�hospitalisation � temps plein pour les enfants, � Drid-Hocine, avant de se raviser et de transf�rer ses activit�s dans une structure de jour, � temps partiel. Dans cette t�che gigantesque, il sera aid� par son ami de toujours, le professeur Omar Boudjellab, promu au rang de ministre de la Sant� et qui s�av�rera �tre un authentique bienfaiteur de la psychiatrie et de la sant� mentale. Il b�n�ficiera �galement des conseils avis�s et du soutien d�un de ses autres amis, Tahar Hocine, ex-directeur du CHU Mustapha. On lui doit de la m�me fa�on la cr�ation de la clinique de Ch�raga sur les d�combres d�une ancienne clinique de pneumophtisiologie dynamit�e par l�OAS, et qui a longtemps fonctionn� comme centre de cure psychiatrique et de repos de la Casoral. De la m�me fa�on, c�est � lui que revient le m�rite d�avoir con�u et inspir� l�institutionnalisation du premier CES de psychiatrie, � la Facult� de m�decine d�Alger en 1969, en s�inspirant de l�exemple fran�ais apr�s les �v�nements de Mai 1968 et la scission entre neurologie et psychiatrie. C��tait en ces temps-l� qu�il recevait r�guli�rement le philosophe fran�ais Francis Jeanson, un ses amis, qui animait un s�minaire sur la r�habilitation des patients en milieu urbain selon une approche transdiciplinaire ainsi que maintes autres conf�renciers de renom. Par ailleurs, une des caract�ristiques essentielles de cette personnalit� attachante et fid�le en amiti� �tait cette �rudition incommensurable qui portait, � peu pr�s, sur tout ce que l�esprit humain �tait en mesure d�embrasser. Critique d�art pictural � l�occasion, fin connaisseur et collectionneur lui-m�me, il savait, le cas �ch�ant, conseiller ses amis artistes. De la m�me fa�on, � l�improviste, il �tait capable de r�citer de m�moire des tirades enti�res de la chanson du Mal-aim�d�Apollinaire ou du Cimeti�re marin de Val�ry, ainsi que des pages enti�res du Quai aux fleurs ne r�pond plus de son ami Malek Haddad, ainsi que de tant d�autres, modernes et classiques. Dans un registre voisin, il lui arrivait d��crire assez fr�quemment des articles dans la presse. Il passait alors avec un �gal bonheur du langage des fleurs et de ses subtiles significations dans les r�gles du savoir-vivre � la prodigieuse �pop�e de la mystique musulmane, le Tassaw�f, de sa premi�re aurore et de son envol originel � son essor universel actuel, en passant par une �tude de l�intellectuel alg�rien, de sa fonction sociale et de ses rapports � la culture, l�id�ologie et l�ordre sociopolitique, un de ses premiers �crits journalistiques. A un moment, fortement impressionn� par le film de Luchino Visconti Le Gu�pard, et m�en �tant ouvert � lui, il me parla longuement de l��uvre de Tomaso Di Iampeduzza, lui-m�me authentique prince de rang, qui avait servi � l�adaptation cin�matographique de la dynastie normande des princes de Sicile, qu�ils prirent aux Arabes au XIIe si�cle. Il savait �tre, par moments, un g�nial improvisateur, capable de fulgurations d�esprit �blouissantes et de r�parties cinglantes. Une fois, invit� par son ma�tre � Gen�ve en 1973, � l�occasion d�un congr�s de psychiatrie l�gale, et ayant eu � exposer ses positions doctrinales et sa praxis sociale sur les mesures d�internement et la d�fense sociale, il fut vivement pris � partie par Franco Basaglia, de l�h�pital Gorizia de Trieste, le c�l�bre chef de file du courant politichiatrique de l�anti-psychiatrie. Le d�bat qui s�ensuivit fut, semble-t-il, un moment d�une rare densit� intellectuelle. On lui doit �galement une �uvre de la maturit�, con�ue apr�s son d�part � la retraite, La raison paramagique, qui peut �tre consid�r�e tout simplement comme un trait� d�histoire de la philosophie naturelle de l�esprit, d�admirable facture et donnant la pleine mesure de sa parfaite connaissance des grands classiques. On ne saurait terminer sans �voquer K. Benmiloud, l�auteur du sc�nario du film d�Akiki, L�Olivier de Boulhilet, sorte de conte populaire moderne se basant sur une r�alit� sociologique, culturellement et historiquement d�termin�e, anim�e d�un lyrisme exalt� et mystique, en faisant une �uvre d�une souveraine beaut�. Quoi dire d�autre sinon que le professeur K. Benmiloud est mort deux fois. Il est d�abord mort pr�matur�ment � la psychiatrie � l��ge de 53 ans, lors de son d�part forc� en retraite anticip�e, � la suite d�un s�rieux diff�rend l�opposant au ministre de la Sant� de l��poque, alors que son sens de l�honneur ne lui permettait pas de rester en fonction. Il est mort �galement, mais pour de vrai cette fois-ci, ce triste jour de vendredi 25 juillet 2003, alors que rien ne le laissait pr�sager, fermant ainsi une double parenth�se, celle de sa vie ouverte 72 ans plus t�t, et celle de la maturit� professionnelle apr�s son retour d�exil, ouverte 40 ans plus t�t, et qui n�aura pas tenu toutes ses promesses. Il �tait parti comme il avait v�cu, dans la discr�tion la plus pudique et la r�signation la plus sto�que, en essayant, comme toujours, de ne d�ranger personne. Artiste, philosophe, po�te et mystique, vous, le m�decin psychiatre qui ne se prenait jamais vraiment au s�rieux et qui � la fin de sa vie portait sur le monde ce regard � la fois lourd d�insistance et per�ant d�application, d�une lucidit� sans complaisance, mais avec une sympathie pleine d�indulgence, d�nu�e de toute amertume et ranc�ur, qui l�avait amen� � cette s�r�nit� int�rieure et � cet apaisement ext�rieur, et qui lui faisait envisager la perspective de sa propre finitude, sans angoisse ni d�sespoir m�taphysique. En votre derni�re demeure, trouvez le sommeil du juste, vous qui en aviez �t� tant priv� de votre vivant. B. Henine Extrait du t�moignage du professeur M. Tedjiza, chef de service � l�h�pital psychiatrique universitaire Drid-Hocine, Kouba, Alger).