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C�EST MA VIE
Le doyen des forgerons tire sa r�v�rence
Publié dans Le Soir d'Algérie le 14 - 07 - 2012


Par Katya Kaci
La�rch Imchedallene, ce bourg repr�sentatif de la Petite-Kabylie, dans la wilaya de Bouira, est depuis quelques jours en deuil suite � la perte du doyen des forgerons de la r�gion, Boukhalfa Ahitos, l�h�ritier des pionniers de la trempe de fer dans cette r�gion essentiellement agricole et paysanne. Lundi, ils �taient des milliers � d�fier la canicule pour accompagner � sa derni�re demeure Dda Boukhalfa, 81 ans, qui a rendu les armes, pour un monde meilleur, laissant � ses compagnons de vie un souvenir inalt�rable d�un homme d�exception.
C�est tr�s jeune, � l��ge de 12 ans, que Boukhalfa enfile son tablier pour rejoindre la forge familiale �rig�e par son d�funt p�re, il y a de cela 120 ans, pour d�buter dans un m�tier fait d�art et de rudesse, h�rit� de ses anc�tres : celui de forgeron, et qu�il ne quittera plus jusqu�� sa mort. Un savoir-faire que le d�butant qu�il �tait a su d�velopper au fil des ann�es aupr�s des siens sur l�autre versant de la montagne, dans le village Ihittoussene dans la wilaya limitrophe de Tizi-Ouzou, et qu�il a perp�tu� avec art et amour en fa�onnant un mat�riel aratoire et des outils agricoles pleins de finesse et de robustesse qui furent les alli�s des paysans du coin et des environs et qui ont r�sist� au temps et aux hommes dans ces r�gions fi�res o� le travail de la terre repr�sente l�essence de la vie.
C�est tr�s jeune, � l��ge de 12 ans, que Boukhalfa enfile son tablier pour rejoindre la forge familiale �rig�e par son d�funt p�re, il y a de cela 120 ans, pour d�buter dans un m�tier fait d�art et de rudesse, h�rit� de ses anc�tres : celui de forgeron, et qu�il ne quittera plus jusqu�� sa mort.
C�est tout naturellement alors que cet h�ritier du m�tier de la forge est devenu une l�gende vivante, se m�lant avec gr�ce et simplicit� � l�histoire des terres qui l�ont accueilli. Une vie devenue fable que la tradition orale, unique v�hicule des connaissances ancestrales, a pr�cieusement sauvegard�e pour faire de cette lign�e de forgerons �m�rites un des maillons essentiels de l�existence campagnarde. En effet, et lors d�un entretien accord� au Soir d�Alg�rie, le 30 d�cembre 2004, l�auteur Aliane Abdelkrim, dans son ouvrage intitul� Histoire du forgeron, a d�clar� avoir eu essentiellement recours � la tradition orale pour �crire et reconstituer la vie de ce pionnier de la forge et de la mar�chalerie en Alg�rie. Le m�tier de la forge, qui remonte � des milliers d�ann�es, est, selon notre chercheur, �un m�tier bien ancr� dans les l�gendes qui perdurent depuis la nuit des temps, notamment en Afrique o� l�anc�tre du forgeron est consid�r� comme le sauveur de l�humanit�, car c�est lui qui fabrique la lame qui coupe le cordon ombilical et c�est lui qui fabrique la charrue pour labourer la terre et la pioche qui creuse la tombe� Il est � l�origine de la vie et de la mort�. La digne lign�e de forgerons qui a marqu� profond�ment l�histoire de notre pays compte, toujours selon la tradition orale, parmi ses illustres anc�tres, un forgeron grec, un certain Ahitos, qui d�barqua durant le XVIe si�cle sur les riches c�tes kabyles pour ensuite rejoindre La�rch Ath Ydjeur, actuellement Bouzegu�ne, o� le saint Sidi Moussa l�accueillit g�n�reusement, au point d�en faire son ami et confident. Et c�est l� que ce �g�nie�, qui est � l�origine de la premi�re serrure en Kabylie, a install� son atelier au milieu du XVIIIe si�cle sur les terres du saint homme et dont la lign�e de forgerons d�tient depuis lors le secret de la trempe du fer, de sa fusion et de sa soudure r�alis�e par simple aspersion de fines poussi�res �tafza�. Les Ihittoussenes fabriquaient ainsi eux-m�mes leurs enclumes et leurs soufflets dans la fonderie artisanale du village, un mod�le de forme horizontale dit �� la caucasienne � dont la repr�sentation figure sur certaines st�les romaines ainsi que des lampes � huile et autres objets fabriqu�s par les forgerons du village qui ont �t� d�rob�s par l�arm�e coloniale et se trouvent actuellement au mus�e du Louvre. Durant les longues ann�es de colonisation, les armes � feu d�Ihittoussene ont largement servi, notamment lors de l�insurrection arm�e de 1870, � la r�volte d�El-Mokrani et de Cheikh Aheddad et � la bataille d�Icherridene.L��crivain et historien Boukhalfa Bitam raconte dans son livre Les justes, comment ces armes �taient transport�es � dos de mulet vers les ateliers de haute pr�cision des Ath-Yenni o� elles subissaient les derni�res finitions. Par ailleurs, et toujours concernant les origines de cette famille, qui a profond�ment marqu� la m�moire collective, un courant de la tradition orale attribut les origines du village d�Ihittoussene � la langue berb�re dont le mot �Ihittoussene� constitue le pluriel du nom Ahitos et qui signifie litt�ralement �forgeron�. Une autre tendance attribue ce patronyme � la mythologie grecque dans laquelle le mot Ahitos signifie �fils du dieu de la forge ; H�pha�stos�. La famille de Dda Ahitos Boukhalfa est consid�r�e, de ce fait, comme l�un des piliers majeurs de la vie, aussi bien sociale, �conomique, agricole que spirituelle et historique pour les habitants de ces r�gions montagnardes de Kabylie et pour lesquels elle fabriquait des outils vitaux pour supporter l�existence humaine rude et laborieuse.
La lign�e de forgerons compte, toujours selon la tradition orale, parmi ses illustres anc�tres, un forgeron grec, un certain Ahitos, qui d�barqua durant le XVIe si�cle sur les riches c�tes kabyles pour ensuite rejoindre La�rch Ath Ydjeur, actuellement Bouzegu�ne.
C�est une complicit� sans bornes, doubl�e d�un respect profond et d�une reconnaissance mutuelle que Boukhalfa et les agriculteurs de sa r�gion, mais aussi de Taquerboust, des Ath Mlikech, Ath Ivrahim, Ath Mansour jusqu�� ceux des confins de Bechloul et des bourgs et villes agricoles de l�est du pays de Tazmalt � Oued Zenati dans la wilaya de Guelma, � Bordj-Bou- Arr�ridj, S�tif, Batna, Khenchela, A�n-Be�da et Oum-El-Bouaghi ; ces compagnons de tous les jours ont su sauvegarder au gr� des �ges et des p�rip�ties du temps, pour traverser main dans la main des p�riodes de faste et de g�n�rosit� que la nature leur offrait, que les lourdes p�riodes de disettes et de mis�re qu�ils ont courageusement affront�es. Ainsi, les p�riodes de cueillettes �taient, pour l�atelier de forge Ahitous, l�occasion de profiter des dons de la nature que le modeste forgeron recevait, une fois l�an, en r�mun�ration de son travail. La forge devenait ces jours-l� un antre o� profusion et g�n�rosit� se m�laient avec d�lice aux multiples vari�t�s de fruits, l�gumes et r�coltes de saison ; des paniers de p�ches � la chair juteuse et � la peau velout�e, des couffins de figues succulentes et sucr�es aux huiles d�olive vierges d�or, aux mille vertus et au go�t in�galable et tant d�autre choses que les clients reconnaissants pr�sentaient en modestes offrandes dues au brave forgeron qui les acceptait simplement et naturellement en �change de ses services. Rencontr�s lors de la veill�e mortuaire du doyen de la forge � Bouzgu�ne, quelques-uns des compagnons de route du d�funt ont voulu partager avec nous la douleur de cette perte cruelle et l�honneur d�avoir un jour connu cet homme sans pareil. De ceux-l� figurent Laoudj Larbi de Taquerboust, Boukrif Ahmed des Ath Ivrahim et Daoud Ali ; trois amis fid�les afflig�s par cette trag�die, qui ont parl� de la m�me voix pour dire les qualit�s professionnelles, morales et humaines de cet homme de main, d�esprit et de c�ur qui, ne reniant pas ses origines, gardait � l�esprit tout le bien venu de sa terre adoptive ; �dans ses rares visites au village de ses anc�tres ; Ihittoussene � Tizi-Ouzou. Dda Ahitos n�omettait jamais de parler de Maillot ; actuelle M�chedallah, qui l�a abrit� durant tant d�ann�es, comme de son village de c�ur, son village de toujours. Et d�ajouter aux qualit�s humaines, la finesse de l�esprit et la grande sagesse de l��me de ce forgeron habile : �Ahitous n��tait pas seulement un forgeron �m�rite, c��tait aussi un sage dont les conseils �taient recherch�s et �cout�s par tous� Que de conflits entre fellahs ont �t� r�gl�s dans cette forge b�nie des dieux, d�o� les ennemis sortaient apais�s et r�concili�s et les conflits oubli�s et balay�s.� Tel est Ahitos Boukhalfa aux yeux admiratifs et larmoyants de ses amis qui demeurent d�chir�s entre la tristesse de cette perte cruelle et l�obligation de rester dignes et de perp�tuer le souvenir de cet homme � la poigne de fer et au c�ur plein de pi�t� et de bont�. Cette chaude journ�e d��t� a ainsi fait se taire � jamais le soufflet et le marteau de Dda Boukhalfa Ahitous ; n�anmoins, certains proches, amis et compagnons du d�funt croient dur comme fer que les coups modeleurs du forgeron se sont m�tamorphos�s en �chos c�lestes et �ternels qu�ils retrouveront dans le souffle chanteur et puissant d�un vent montagnard ou dans le froid m�tal des outils fa�onn�s par les mains du sage et rest�s en h�ritage t�moins d�une existence riche et pleine de sens. Telle est la philosophie d�un m�tier qui fa�onne les hommes et les rassemble dans un destin sans fin. Un m�tier de poigne qui continuera son parcours �ternel trac� depuis la nuit des temps par des �tres simples et pleins d�exception.
�Le bras sur un marteau gigantesque, effrayant
D�ivresse et de grandeur, le front vaste, riant
Comme un clairon d�airain, avec toute sa bouche,
Et prenant ce gros-l� dans son regard farouche,
Le forgeron parlait � Louis Seize, un jour
Que le peuple �tait l�, se tordant tout autour,
Et sur les lambris d�or tra�nant sa veste sale.�


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