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Les oubli�s de l�histoire
Publié dans Le Soir d'Algérie le 15 - 07 - 2012


Par Selim Sa�di,
moudjahid, chef de bataillon, chef de r�gion militaire, colonel en retraite, ancien ministre.
J�ai voulu, dans ce texte, � travers l��vocation du r�le jou� par le capitaine Benabdelmoumen, tenter d�exhumer de l�oubli ceux qui, comme lui, ont donn� le meilleur d�eux-m�mes � l�Alg�rie, que ce soit durant la p�riode h�ro�que de la guerre de Lib�ration nationale ou apr�s, en contribuant � l�effort d��dification nationale. J�ai voulu �galement souligner que si certaines actions ont pu porter leurs fruits � une p�riode d�termin�e, c�est parce qu�il y a eu symbiose entre la pertinence de la d�marche globale et la qualit� des acteurs charg�s de sa mise en �uvre.
Cela a permis, durant les derni�res ann�es de la guerre de Lib�ration, malgr� l�affaiblissement de la lutte arm�e � l�int�rieur, � l�Alg�rie combattante de se doter d�une force avec laquelle l�ennemi devait compter. La force arm�e, dont l�Alg�rie disposait aux fronti�res, constituait pour l�ennemi une menace qu�il devait contenir en maintenant un important dispositif d�fensif. L�impossibilit� pour lui de r�gler militairement le conflit l�am�nera, contraint et forc�, � envisager une solution politique. Il finira par s�apercevoir qu�il avait en face de lui la majorit� des Alg�riens. Le peuple alg�rien s��tait empar� de la R�volution. Plus rien ne sera plus jamais comme avant. Le processus de lib�ration �tait devenu irr�versible. L�immense travail accompli par les moudjahidine dans les �preuves dotera l�Alg�rie d�un noyau d�arm�e ancr� � la terre et au peuple, solide et naturellement pr�par� aux �volutions qualitatives dont l�expression actuelle est l�ANP. Je souhaite que nos jeunes historiens se penchent, � l�occasion de l�ann�e du cinquantenaire, sur les actions exemplaires men�es par l�Alg�rie combattante dans les domaines de la diplomatie, de la sant�, des transmissions ou encore dans celui de l�aide aux mouvements de lib�ration. La pr�paration patiente, assidue aux t�ches du �day after� a permis � l�Alg�rie d��tre imm�diatement debout lorsqu� a retenti le glas pour �l�Alg�rie fran�aise�. Nous comm�morons cette ann�e le cinquanti�me anniversaire de l�ind�pendance. Le peuple alg�rien peut �tre fier de ce qu�il a accompli. Peu importe les vicissitudes de l�histoire, la victoire finira, t�t ou tard, par �tre au rendez-vous. Les nations qui se sont forg�es dans les �preuves ne meurent jamais.
S. S.
A l�occasion de la r�cente rencontre (fin mai 2012) organis�e conjointement par les minist�res de la D�fense nationale et des Moudjahidine pour traiter du th�me �De l�ALN � l�ANP� � laquelle je fus convi�, je n�ai pas pu m�emp�cher de me rem�morer certains �v�nements, tandis que j��coutais les expos�s des intervenants. Les acteurs de ces �v�nements sont, bien entendu, des hommes qui, pour le sujet qui nous int�resse, ont tous eu le m�rite d�avoir particip� � cette grande �pop�e que fut la guerre de Lib�ration, chacun selon ses possibilit�s et ses contraintes. Si certains d�entre eux ont �t� souvent cit�s � travers des t�moignages parus �� et l�, d�autres � ayant jou� pourtant des r�les majeurs � ont sombr� dans l�oubli. Qu�il me soit permis, � l�occasion du cinquanti�me anniversaire de notre ind�pendance d��voquer l�un de ceux qui ont tant m�rit� de la patrie, le moudjahed Abdelhamid Benabdelmoumen. Le futur capitaine Abdelhamid Benabdelmoumen a vu le jour au d�but des ann�es 1920 dans la commune de Toudja (B�ja�a), dans une famille de notables, consid�r�e et respect�e pour sa pi�t� et sa charit�. Apr�s une enfance studieuse dans l�est du pays, il fit partie, durant la Seconde Guerre mondiale, de la premi�re promotion d��l�ves officiers de l��cole de Boussa�da (M�sila) qui venait d�ouvrir ses portes aux jeunes d�origine maghr�bine (Tunisie, Alg�rie, Maroc). La France, apr�s la d�b�cle de 1940, �tait alors sous occupation nazie. Pour reprendre le combat aux c�t�s de ses alli�s, elle fit appel � des troupes essentiellement nord-africaines. Elles constitueront la 2e arm�e. L�Ecole d�officiers de Boussa�da fut mise � contribution. C�est ainsi que les �l�ves de cette promotion dont faisaient partie le futur capitaine Benabdelmoumen, ainsi que deux de ses camardes, Mohamed Zerguini et Mohamed Boutella (qui plus tard combattront au sein de l� ALN) participeront, comme simples combattants aux campagnes de Tunisie et d�Italie (1943) et ensuite de France, d�Allemagne et d�Autriche (1944). La guerre finie, leurs �tudes achev�es, ils furent promus sous-lieutenants. Apr�s quoi, ils furent engag�s dans les op�rations d�Indochine qui prirent fin apr�s la d�faite de Dien Bien Phu (mai 1954). Affect�s dans les forces fran�aises stationn�es en Allemagne, alors que se d�roulait la lutte de Lib�ration en Alg�rie, le capitaine Benabdelmoumen et un certain nombre d�officiers alg�riens sign�rent (�t� 1957) la p�tition dite �D�claration des 51�, laquelle d�non�ait la guerre faite au peuple alg�rien et exigeait que lui soit reconnu le droit de disposer de son destin. Beaucoup d�entre eux furent arr�t�s et inculp�s d�atteinte � la s�ret� de l�Etat. Lib�r�s au cours du premier semestre 1958, non sans qu�on ait tent� � les amener � r�sipiscence, la majorit� d�entre eux choisit, � travers diverses fili�res, de rejoindre les bases du FLN-ALN en Tunisie ou au Maroc. Entre-temps, la famille Benabdelmoumen conna�tra un drame terrible avec l�assassinat du p�re, ca�d � Toudja, qui pourtant apportait son aide � l�ALN. Ceux qui l�ont tu� cette nuit-l� �taient ses invit�s ! Ferhat Abbas, parent par alliance des Benabdelmoumen (sa ni�ce �tait mari�e � ma�tre Ali Benabdelmoumen, fr�re du capitaine), �voquant ce drame dans ses �crits, raconte qu�il avait interrog� plus tard, � ce sujet, un grand responsable de cette r�gion sur le motif de cet assassinat. Il eut cette �trange r�ponse : �Le ca�d Benabdelmoumen avait trop d�influence sur la population locale.� Avoir de l�influence et la mettre au service de l�Alg�rie est donc un crime ! Ce terrible traumatisme n��branla en rien les sentiments patriotiques des Benabdelmoumen, qui continu�rent � servir avec abn�gation la cause qu�ils pla�aient au-dessus de tout. Noblesse oblige ! Nombreuses sont les familles qui ont subi pendant la R�volution de telles �preuves. Sachant que les m�prises sont le lot de toute r�volution, la majorit� d�entre elles les surmonta avec courage et dignit�.
Benabdelmoumen sur les lignes Morice et Challe
Affect� au cours de l�automne 1958, avec plusieurs autres jeunes officiers ayant fait les �coles de guerre fran�aises, par Belkacem Krim, aupr�s de l��tat-major Est (COM), plac� sous le commandement du colonel Mohamedi Sa�d, dit si Nacer, j�ai rencontr� pour la premi�re fois Benabdelmoumen. Certains d�entre nous � tout comme Benabdelmoumen � avaient connu la prison ou les arr�ts de forteresse pour leur engagement militant. Nous �tions charg�s, en sus de diverses missions ponctuelles, d�engager une r�flexion sur la question devenue pr�occupante du franchissement des barrages fortifi�s mis en place par l�ennemi sur des centaines de kilom�tres entre 1957 et 1958. Cette version alg�rienne de la fameuse ligne Maginot, construite par les Fran�ais entre les deux guerres le long de la fronti�re avec l�Allemagne, avait pour but d�isoler les wilayate de l�int�rieur des bases logistiques de l�ALN install�es sur le sol de nos voisins tunisiens et marocains. Si notre mission �tait plus t�t g�n�raliste et s�inscrivait dans le long terme, le capitaine Benabdelmoumen, homme d�exp�rience, avait �t� charg� par le ministre des Forces arm�s, en personne, plus sp�cialement d�une �valuation technique urgente du dispositif ennemi, pour faire �un �tat des lieux� et proposer d��ventuelles solutions. Le colonel Nacer dirigea le capitaine Benabdelmoumen sur le PC de Abderahmane Ben Salem (ancien sous-officier, v�t�ran, tout comme Benabdelmoumen, de la Seconde Guerre mondiale et du conflit indochinois). Bensalem, chef de la zone 2 de la base de l�Est, homme de grand courage, ayant une connaissance pratique des obstacles mis en place par l�arm�e ennemie, comprenant l�importance de la mission, d�cida de s�y associer personnellement. Sa parfaite connaissance du terrain allait se r�v�ler pr�cieuse. De retour au PC de Ghardimaou, apr�s avoir effectu� sa p�rilleuse tourn�e avec succ�s, le capitaine Benabdelmoumen, les traits tir�s par la fatigue, les v�tements grouillant de vermine (dont il s�empressa de se d�barrasser et de bruler) se mit � nous raconter la grande �preuve que seuls son pass� d�homme de guerre (il en avait vu d�autres) et ses convictions patriotiques lui ont permis de surmonter. C�est donc accompagn� du capitaine Bensalem et d�une escorte compos�e de maquisards aguerris, presque tous natifs de la r�gion, qu�ils pass�rent de nuit la premi�re ligne. Ils avaient plac� des c�bles de d�rivation pour pouvoir couper les fils sous tension sans donner l�alerte. L�ennemi, qui avait d�couvert, malgr� cela, les traces de leur franchissement, les prit en chasse. Ils parviennent � le semer en utilisant les feintes �prouv�es des maquisards et purent rejoindre, apr�s moult p�rip�ties, le massif bois� des Beni Salah. De l�, ils se port�rent vers la deuxi�me ligne (Morice) pour compl�ter leurs renseignements. Le peu de ravitaillement stock� dans des caches discr�tes leur permit de subsister. Malgr� la traque sans r�pit dont ils furent l�objet, ils purent accomplir enti�rement leur mission et regagner sains et saufs leur base de d�part ! Benabdelmoumen, tout � sa joie d�avoir r�ussi son �expertise� des fortifications fran�aises, donnant ainsi � ses compagnons l�occasion de constater ce dont il �tait capable, ne s�attendait certainement pas � �l�accueil � qui allait lui �tre r�serv� par le colonel Nacer. J�ai assist� � la sc�ne. J�eus, ce jour-l�, l�illustration d�solante des cons�quences malheureuses qui r�sultent des heurts de deux forts caract�res quand aucun des protagonistes ne veut c�der d�un iota de ce qu�il pense �tre son bon droit. Le capitaine Benabdelmoumen, qui venait de vivre des jours �prouvants, voulait r�server la primeur de son compte rendu � Belkacem Krim, l�homme qui l�avait mandat�. Le colonel Nacer ne l�entendait pas de cette oreille. L�incident, d�abord verbal, d�g�n�ra. Benabdelmoumen se vit mettre aux arr�ts. Nous �tions, nous jeunes officiers qui avions du respect pour les deux hommes, constern�s par la sc�ne � laquelle nous avons assist�. Le capitaine Benabdelmoumen ne tint aucune rigueur � si Nacer de sa� rigueur, d�montrant sa propension intelligente � tout relativiser.
Rappel de la situation des combattants de l�ALN stationn�s sur la bande frontali�re alg�ro-tunisienne
La mise en place des barrages �lectrifi�s rendant les mouvements des moudjahidine de plus en plus probl�matiques, notamment d�Est en Ouest, a fait que des milliers d�entre eux se trouv�rent immobilis�s dans leurs cantonnements. N�ayant pas pris la juste mesure de l�importance du dispositif mis en place par l�ennemi pour isoler les combattants des wilayas de l�int�rieur de leurs bases d�approvisionnement en territoire voisin, le commandement tenta, au printemps 1958, un franchissement en force. Il se solda par un �chec. Cette op�ration, qui engagea plusieurs bataillons de l�ALN dans la r�gion de Souk-Ahras, n�avait pas tenu compte que l�affrontement direct ne pouvait profiter qu�� l�ennemi. Sa puissance de feu et ses moyens �tant infiniment sup�rieurs aux n�tres, on revint, contraints et forc�s, � la gu�rilla, pour entretenir chez l�ennemi un climat d�ins�curit� permanent. En attendant des opportunit�s pour rejoindre leurs wilayas d�origine, les combattants provenant des wilayas de l�int�rieur �taient regroup�s dans des camps de fortune. On s�effor�ait � les occuper en leur dispensant quelques rudiments d�instruction militaire. La base de l�Est au Nord, et les Zones V et VI de la Wilaya I limitrophes du territoire tunisien, continuaient � mener sporadiquement des actions de harc�lement sur les implantations ennemies.
Effort de reprise en main de ces forces par le minist�re des Forces arm�es, fin 1958 d�but 1960
D�s son entr�e en fonction et s�appuyant sur un staff au sein duquel il int�gra des officiers professionnels, le ministre des Forces arm�es entreprit une action de grande envergure destin�e � transformer cet ensemble h�t�roclite en force organis�e, disciplin�e, motiv�e, capable de donner un nouveau souffle � la lutte arm�e. Il d�veloppa le r�seau des centres d�instruction et de formation encadr�s soit par des officiers et des sous-officiers issus des rangs de l�arm�e fran�aise et rompus pour bon nombre d�entre eux au m�tier des armes, soit dipl�m�s des �coles du Moyen-Orient. Le transfert, parfois d�autorit�, de milliers de combattants, jusque-l� en attente dans des bases-vie, sur ces centres et �coles o� ils seront soumis � un entra�nement intensif, ne se pas fait sans grincements de dents. Leur formation achev�e, ces hommes seront int�gr�s dans des unit�s nouvelles, bien encadr�es, mieux �quip�es et affect�es dans des nouveaux secteurs op�rationnels, o� elles reprendront le combat. C�est dans cette optique que le capitaine Benabdelmoumen se verra confier la direction du centre d�instruction de �Mellegue� au d�but du printemps 1959. J�y serai moim�me affect� comme officier instructeur. J�avais avant cela partag� mon temps entre diff�rentes missions ordonn�es par le colonel Nacer, dont la plus significative reste la formation de formateurs de servants de lance-roquettes antichar modernes. A l��cole des cadres du Kef, j�assurerai des cours dans toutes les disciplines. D�s mon arriv�e � Mellegue, je me suis vu confier la t�che, avec le sous-lieutenant Ahmed Aggoune qui tombera au champ d�honneur, � la t�te d�un bataillon en janvier 1960, de former les cadres du futur bataillon Didouche-Mourad, en cours de constitution au lieu-dit Garn Halfa�a. Cette unit�, dont le commandement fut confi� au lieutenant Slimane Hoffman, (officier chevronn�, ancien d�Indochine), constituait le nouveau prototype que le minist�re des Forces arm�es voulait progressivement g�n�raliser. Je signale au passage que parmi les futurs cadres de ce bataillon que nous e�mes, le sous-lieutenant Ahmed Aggoune et moi-m�me � former, sous la conduite du capitaine Benabdelmoumen, se trouvait l�actuel g�n�ral de corps d�arm�e Ga�d Salah. Je garde de lui le souvenir d�un jeune stagiaire, dynamique, volontaire et tr�s assidu.
Fin du printemps 1959, entra�nement et mise sur pied du 9e bataillon, baptis� �Amirouche� au camp de Mellegue
Le processus de mise sur pied de nouvelles unit�s, appel�es � l��poque bataillons autonomes, s�intensifia d�s la fin du printemps 1959.C�est ainsi que les �l�ments de la Zone V Wilaya I furent r�partis sur les camps de Mellegue et Garn Halfa�a (ce dernier fut confi� au sous-lieutenant Abdelmadjid Allahoum) ceux de la zone VI, Wilaya I, furent regroup�s dans un camp implant� au Djebel Hambli (hauteurs de T�bessa) plac� sous les ordres du commandant Azzedine Zerari, qui venait de rejoindre la Tunisie, avec pour adjoint le capitaine Mohamed Boutella. Enfin, les �l�ments de la Zone III de la base de l�Est, furent regroup�s dans un camp nouvellement am�nag� dans un massif forestier appel� Biranou sous le commandement du capitaine Mohamed Zerguini. Pour revenir au camp de Mellegue o� je me retrouvais de nouveau avec le capitaine Benabdelmoumen, je me suis vu confier la formation des cadres du futur 9e bataillon autonome, baptis� �Amirouche� (rebaptis� plus tard 19e Bataillon) tandis qu�un autre officier prenait en charge la formation de la troupe. Nous �tions assist�s de moniteurs, dont un bon nombre �tait sorti de l�Ecole des cadres du Kef.Sous la houlette du capitaine Benabdelmoumen, l�instruction fut men�e rondement et on pouvait voir s�op�rer la transformation radicale des unit�s de l�ALN. Les hommes, dont la majorit� �tait d�origine rurale, d�couvraient l�ordre et le progr�s. Cela ne pouvait que servir leur engagement militant en leur donnant confiance en leurs possibilit�s. Le processus de r�novation fut confort� par l�arrivage (�t� 1959) d�une cargaison d�armes livr�e sous emballage flambant neuf �tiquet�e �made in USA�. L�arsenal impressionnant comportait toute une panoplie allant des pistolets automatiques jusqu�aux armes semi-lourdes : canons sans recul de 57 mm et 75 mm, mortiers de 60 mm et 81 mm, mitrailleuses de 12,7 mm, fusilsmitrailleurs, carabines et lance-roquettes antichar (bazooka). C��tait un don de nos fr�res irakiens apr�s la chute de la monarchie et la proclamation de la R�publique sous la pr�sidence du g�n�ral Abdelkrim Kacem. Pour nous, qui disposions d�un �quipement h�t�roclite compos� essentiellement d�armes de la Deuxi�me Guerre mondiale, cet arrivage �tait un don du ciel. Ainsi, � sa sortie du camp de Mellegue, le 19e bataillon �Amirouche� se trouvait dot� du m�me type d�armes que les unit�s d�infanterie des arm�es qui faisaient partie de l�OTAN (ou de ses prolongements sur d�autres continents). Nous �tions v�tus de tenues et poss�dions des mat�riels de campement d�origine US, acquis par les n�tres � partir de surplus am�ricains. Pour l�anecdote, lors de notre d�placement du centre de Mellegue, habill�s comme les soldats d�une arm�e de l�OTAN, �quip�s d�armes modernes et suivis par une colonne de mulets portant un lourd barda vers le secteur op�rationnel o� nous devions nous d�ployer, nous suscitions l��tonnement des populations tunisiennes qui avaient peine � croire que c��taient des hommes de l�ALN qui d�filaient ainsi devant eux. Cette unit� qui faisait mouvement dans un ordre parfait �tait l�illustration des changements qu��tait en train de conna�tre l�arm�e alg�rienne.
Bilan des actions entreprises par le minist�re des Forces arm�es durant l�ann�e 1959
L�ann�e 1959 a �t� une p�riode charni�re qui amor�a r�solument la mutation progressive du conglom�rat des forces existantes en nouvelles unit�s, plus homog�nes et militairement plus efficaces. L�ennemi l�a ressenti douloureusement sur le terrain, lorsque son dispositif le long des barrages fut soumis aux attaques incessantes de nos troupes. Ses blind�s pay�rent le prix fort d�s que les lance-roquettes entr�rent en action. Seule ombre au tableau, le probl�me du franchissement des barrages (en dehors d�infiltration de petits commandos) qui rendait l�approvisionnement des wilayas de l�int�rieur, de plus en plus difficile. Au lendemain des travaux du Conseil national de la r�volution (dernier trimestre de l�ann�e 1959), Krim Belkacem ordonna une autre action de passage des lignes fortifi�es. Ayant particip� � cette action, en tant que chef de bataillon charg� de faciliter le franchissement, j�en ai relat� le d�roulement dans un article paru sur El Watan en 2011. Cette op�ration se solda par un �chec, l�ennemi bien renseign�, la contra � l�aide de puissants moyens. Nos pertes furent minimes gr�ce � notre excellente organisation sur le terrain.
R�uni � Tripoli en fin d�ann�e 1959, le CNRA d�cide de r�viser son approche sur la conduite de la lutte arm�e
Les d�bats houleux au sein du CNRA, qui ont dur� plusieurs semaines, ont d�bouch�, entre autres d�cisions, sur les suivantes.
1- La cr�ation d�un comit� de guerre avec :
- Krim Belkacem, d�sormais ministre des Affaires �trang�res ;
- Abdelhafid Boussouf, ministre de l�Armement et des Liaisons g�n�rales ;
- Abdellah Bentobal, ministre de l�Int�rieur.
Ce comit� avait pour t�ches essentielles de fournir en amont toute la logistique aux forces combattantes, d�assurer leur protection ext�rieure et de renforcer l�action diplomatique � travers tous les continents.
2- La cr�ation d�un �tat-major g�n�ral avec pour missions :
- La mise en condition de l�ensemble des forces arm�es ;
- l�optimisation de leur emploi ;
- leur soutien moral et logistique.
Premi�res mesures prises par l��tat-major g�n�ral : Sit�t install�, d�but janvier 1960, au PC de Ghardimaou, si�ge de l�ancien COM, l�EMG prit un train de mesures qui provoqua un �lectrochoc b�n�fique chez les combattants, avec notamment :
- La restauration de la discipline dans les rangs des unit�s de l�ALN. Certaines unit�s qui avaient mal v�cu les changements intervenus en I959 avaient connu un flottement dans le commandement et une certaine �grogne�. Ceux qui avaient d�sert� leur nouvelle unit�, pour r�int�grer leurs structures d�origine, furent traduits devant le tribunal militaire qui pronon�a � l�encontre des principaux responsables quelques peines capitales. L�ordre et la discipline furent vite r�tablis ;
- la cr�ation au sein de l��tat-major d�un bureau technique (compos� d�officiers chevronn�s) pour pr�parer les plans d�action du commandement, tant en mati�re op�rationnelle que logistique ;
- la nomination d�un intendant g�n�ral charg� de pourvoir aux besoins des troupes en vivres, habillement, campement et autres accessoires (en dehors de l�armement et des munitions). La t�che fut confi�e au capitaine Moussa, organisateur hors pair et travailleur infatigable. Il avait fait ses preuves � la fronti�re ouest ; - la confirmation au poste de la sant� militaire du docteur Mohamed-Seghir Naccache, connu pour sa comp�tence et son d�vouement ;
- le maintien au bureau de l�armement et des munitions du sous-lieutenant Hamou Bouzada, cet ancien saint-cyrien, discret et m�thodique, pourvoyait, � partir de son r�seau d�entrep�ts d�armes et de munitions, sur ordre du commandement, les unit�s de combat ;
- la d�signation d�un commissaire politique g�n�ral, charg� de la sensibilisation des combattants (militants en armes, avant tout) par l��l�vation continue du niveau de conscience politique ;
- la nomination d�un directeur g�n�ral de l�instruction (DGI) en la personne du capitaine Benabdelmoumen qui allait d�sormais coiffer l�ensemble des �coles et centres d�instruction. C��tait dans ces creusets qu�allait se forger la ressource humaine destin�e � renforcer notre potentiel de combat. Tout en engageant ce train de mesures, l�EMG entreprit de tester la combativit� des troupes d�ploy�es le long des fronti�res. Il ordonna aux unit�s de mener des attaques dans leurs secteurs respectifs avec pour objectif de d�truire des tron�ons de la ligne dite �Challe� en rapportant comme �preuve� les supports des barbel�s ou des c�bles sous haute tension. Il d�signa des officiers observateurs qui devaient consigner le d�roulement de ces actions et en faire rapport. Le hasard a voulu que le capitaine Benabdelmoumen fut le superviseur pour le terrain d�action du 9e bataillon �Amirouche �, dont j��tais le chef. Il put, � partir d�une hauteur, suivre le d�roulement des combats qui furent d�une extr�me violence. Malgr� le d�luge de feu auquel nous fumes soumis, nos actions furent couronn�es de succ�s, puisque nous parv�nmes � d�truire bon nombre d�engins blind�s et ramener une bonne moisson de piquets. En professionnel de la guerre, le capitaine Benabdelmoumen appr�cia ces faits d�armes, d�autant plus qu�il a largement contribu� � forger cet instrument de combat qu��tait le 9e bataillon �Amirouche�. L��tat-major compl�ta les mesures pr�cit�es par la cr�ation de deux zones op�rationnelles -Nord et Sud- en les dotant chacune d�un organisme de commandement. La premi�re, plac�e sous le commandement du capitaine Ben Salem (assist� de 3 adjoints), coiffait l�ensemble des unit�s stationn�es entre la Calle (El-Kala) et le sud imm�diat de Souk-Ahras. La deuxi�me, plac�e sous le commandement du capitaine Salah Soufi (assist� de 3 adjoints), coiffait les troupes stationn�es entre le sud de Souk Ahras et Negrine. Ainsi, l�ensemble des structures op�rationnelles d�instruction et de logistique �tait mis en place d�s le d�but du deuxi�me trimestre 1960.
La pleine mesure du capitaine Benabdelmoumen, responsable de la DGI
La t�che titanesque (� l�instar de celles de ses autres coll�gues pr�cit�s), que Benabdelmoumen s�appr�tait � entreprendre, comprenait trois volets principaux :
1- Faire face aux besoins en cadres et en hommes de troupe des unit�s combattantes existantes, d�sormais soumises au m�me sch�ma organisationnel ;
2- r�pondre, en parall�le, aux besoins des �coles et centres d�instruction en encadrement p�dagogique et administratif pour �tre en phase avec la mission qui lui �tait assign�e. Il faut dire qu�en plus des formateurs produits par son propre appareil, il y a eu l�apport continu de cadres provenant soit des rangs de l�arm�e fran�aise soit des �coles du Moyen-Orient ;
3- satisfaire aux demandes en cadres et en hommes de troupe pour les unit�s nouvellement mises sur pied, notamment celles hautement sp�cialis�es destin�es � l�appui feu, les fameuses CLZ (Compagnies lourdes zonales). Dot�es d�armes semi-lourdes : canons sans recul de 75 mn, mortiers de 81 mn, mitrailleuse autre anti-a�rienne de 12,7 mn et lourdes : canons sans recul de 107 mn, mortier de 120 mn et, vers la fin de la guerre, de puissants canons de 85 mn et d�obusiers de 122 mn, elles feront des merveilles aux c�t�s des autres unit�s de l�ALN ;
4- quand la �machine� de formation mise en place par Benabdelmoumen atteignit sa vitesse de croisi�re, au cours de l��t� 1960, on vit se multiplier les visites, principalement au camp de Mellegue, qui avait pris de l�extension, du colonel Houari Boumedienne, seul ou en compagnie de ses adjoints, pour assister � la c�r�monie officielle de sortie de nouvelles unit�s. Les images (qu�on a eu l�occasion de voir parfois dans des archives film�es ou photographiques), de ces hommes rang�s impeccablement derri�re leurs armes lourdes, refl�taient le nouveau visage de nos forces combattantes. L�ordre, la coh�sion et le savoir mis au service de la conviction patriotique faisaient la force de l�ALN. Mais combien de ces h�ro�ques combattants n�allaient pas conna�tre le fruit de leurs sacrifices. Pour avoir particip� avec mon unit� aux nombreuses op�rations appuy�es par les CLZ, notamment celles de la zone nord, command�es respectivement par Khaled Nezzar, Mokhtar Kerkeb et Abdelmalek Guena�z�a (actuel ministre d�l�gu� � la D�fense nationale), je sais ce qu�ont consenti tous ces hommes. Que ceux qui sont tomb�s en martyrs reposent dans la paix du seigneur !
Main ferme et c�ur d�or
A ces qualit�s professionnelles qui se traduisaient avec une certaine fermet�, le capitaine Benabdelmoumen ajoutait d�ind�niables qualit�s humaines. Il le prouvait en permanence en se souciant des conditions de vie mat�rielles et morales de ses hommes. Il saisissait toutes les occasions pour renforcer leur valeur de combattants et de militants. Lui-m�me en �tait l�incarnation vivante. �On n�enseigne pas ce qu�on sait, on enseigne ce qu�on est�, a dit un grand humaniste. Ainsi, derri�re une apparence aust�re, cet officier d��lite cachait une �me sensible et g�n�reuse. J�ai eu � le constater, lorsqu�apprenant mon �vacuation sur un h�pital frontalier tunisien, suite � une grave blessure � l�abdomen, je le vis aussit�t accourir � mon chevet. Il avait auparavant rendu visite � tous les bless�s alg�riens qui avaient particip�, comme moi, � la grande offensive qu�avait lanc�e l�EMG sur toute la fronti�re. Accompagn� des docteurs Mourad Taleb et Abbas Boudra�, qui n�avaient cess� d�op�rer depuis 48 heures, il s�inqui�tait de l��tat de sant� de chacun, distribuant les bonnes paroles aux uns et aux autres. Ces deux m�decins, ardents militants de la lutte de Lib�ration (avec tant d�autres, qu�on ne peut pas tous citer) ont �t� d�un d�vouement admirable. Tous �taient p�tris de la m�me p�te. J�avais, avec les autres bless�s, re�u la visite du commandant Slimane-Ka�d Ahmed, homme au grand c�ur et chef d�une trempe exceptionnelle. Il exprima chaleureusement ses f�licitations pour les faits d�armes de mon unit�, qui avait atteint son objectif, en investissant le poste ennemi, faisant des prisonniers et r�cup�rant des armes. Lors de ma convalescence � Tunis, fin d�cembre 1960, le capitaine Benabdelmoumen m�a fait la gentillesse de m�inviter � une c�r�monie familiale dans l�appartement de son fr�re, Ali Benabdelmoumen. Grande fut ma surprise de rencontrer l� le pr�sident Ferhat Abbas, accompagn� de ses fid�les compagnons, le docteur Ahmed Francis et Ma�tre Ahmed Boumendjel. Le repas se passa dans une bonne ambiance, �gay�e par les mots d�esprit qu��changeaient ces �minents personnages qui ont �t� � l�origine de notre �veil militant. Il va sans dire, qu�ayant dans mon jeune �ge eu les Abbas comme voisins, je gardais un souvenir �mu du plus illustre d�entre eux.
Un destin contrari�
Le capitaine Benabdelmoumen, qui avait, comme on vient de le voir, jou� un r�le pr�pond�rant dans le d�veloppement de nos forces combattantes, n�a pas malheureusement �t� pay� en retour, comme tant d�autres, d�ailleurs. Homme de caract�re, ayant son franc-parler, il s�attira des inimiti�s qui lui valurent son �loignement vers le d�but 1962. Il fut nomm� repr�sentant militaire dans la nouvelle instance magr�bine, issue de la conf�rence de Tanger, si�geant, si je ne me trompe, dans cette ville. Je dois � la v�rit� de dire que le colonel Boumedienne, qui l�avait vu � l��uvre, le tenait en haute estime. Houari Boumedienne avait fini par c�der aux pressions de certains membres de son entourage, eux-m�mes abus�s par des gens malintentionn�s. C�est malheureusement cette engeance (infiniment minoritaire) qui a continu� � s�vir des d�cennies apr�s l�ind�pendance, s�en prenant � des hommes comme le capitaine Benabdelmoumen et ses fr�res de combat de la m�me origine professionnelle. Quelle plus grande preuve de patriotisme peut-on donner quand on renonce � ses acquis sociaux, � son confort et sa tranquillit�, � la s�curit� mat�rielle de ceux qu�on a en charge, pour s�impliquer corps et �me dans la lutte de Lib�ration avec tout ce que cela comporte comme risques, mis�res et souffrances. Les �minents services rendus par beaucoup de moudjahidine ont �t� pass�s � la trappe. Personne n�a trouv� gr�ce � leurs yeux, y compris le grand Abbane Ramdane. Pour Benabdelmoumen et pour tous les authentiques h�ros de notre grande guerre de Lib�ration dont les noms et le souvenir ont �t� � dessein effac�s, l�histoire, t�t ou tard, s�parera le bon grain de l�ivraie.


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