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Amina, ta libert�, c�est aussi la mienne, la v�tre et la n�tre !
Publié dans Le Soir d'Algérie le 15 - 04 - 2013

Pourquoi croyez-vous que des femmes arabes ont r�cemment exhib� leurs seins nus sur les r�seaux sociaux ? Pourquoi ont-elles volontairement provoqu� une onde de choc dans le monde arabe ? Pourquoi croyez-vous que leur sexualit� est l�affaire de tous ? Pourquoi croyez-vous ?
Derni�rement, lors d�une interview t�l�vis�e, une journaliste qu�b�coise m�interrogeait sur mon cheminement pour essayer de cerner le sens qu�avait pris pour moi le mot libert� alors que je venais de quitter l�Alg�rie pour la France en ao�t 1994 puis pour le Qu�bec, trois ans plus tard. Alors, la libert�, comment se d�cline-t-elle ? �Marcher librement dans la rue�, ai-je r�pondu spontan�ment. �Mais encore ?�, me demandait la jeune et ravissante blonde tout en me scrutant de ses petits yeux verts. Face � la banalit� de mon propos, je sentais le d�sarroi gagner la voix de mon interlocutrice. �Quelle broutille !�, devait-elle marmonner en son for int�rieur. A 20 ans, bien que j�ai �tudi� la physique quantique � l�universit� d�Oran et jongl� avec les �quations diff�rentielles, je ne r�vais ni de danser entre les �toiles ni m�me de valser dans la soupe atmosph�rique. Rien ne m�aurait rendu aussi heureuse que la possibilit� d�humer une bouff�e d�air sur une terrasse, seule. Seule, sans tutelle, sans un homme. Ce bouclier que j�avais taill� sur mesure pour repousser les regards inquisiteurs des autres hommes qui me ramenaient constamment � ma condition de boule glandulaire. C�est d�ailleurs sous les regards enflamm�s de libidos d�bordantes alors que la volupt� de la mer sculptait mon corps juv�nile que j�ai vu poindre deux cerises rebelles dont je me fichais compl�tement. Ce n�est pas pour autant que j�avais renonc� au doux plaisir du pr�lassement sous les palmiers. Oran avec ses boulevards, son th��tre rococo, ses cascades de bougainvilliers et son front de mer sugg�rait la nudit� et l�abandon de soi. Le soleil y �tait suffisamment doux mais jamais trop chaud et les �t�s longs et langoureux.
Les po�tes, ma lucarne sur le monde
Par moment, il m�arrivait de d�laisser mon �protecteur� et de n�en faire qu�� ma t�te, me glissant entre les tables d�une terrasse, seule. Les remarques d�sobligeantes de quelques badauds, leurs regards insistants, leurs crachats, les petits cailloux qu�ils me lan�aient � la sauvette � quelques rares occasions me donnaient une frousse terrible et les mains baladeuses de quelques salopards me faisaient regretter la l�g�ret� de mon geste. A chaque fois, je me promettais de ne plus tenter le diable, et � chaque fois je recommen�ais. Il arrivait aussi que ces d�sagr�ments soient mis en veilleuse par les commentaires galants de quelques passants raffin�s. A vrai dire, j�aurais souhait� �tre transparente, invisible. Clou�e � ma chaise, j��tais tel un chat sauvage, en alerte permanente d�un �ventuel assaut, somme toute pr�te � parer � n�importe quelle �ventualit�. Mais sur le coup, je faisais semblant que rien ne m�atteignait. Je restais imperturbable. Digne. Etait-ce ma fa�on de briser l��touffement dans lequel on voulait confiner mon corps ? Certainement. Bien entendu, rien de tout cela ne se faisait sans souffrance. Ma d�marche restait purement na�ve et individuelle d�nu�e de toute port�e id�ologique ou politique. En d�autres mots, il ne me serait jamais venu � l�esprit d�organiser un mouvement collectif contre le harc�lement sexuel que nous �tions pourtant nombreuses � subir ni m�me � soulever cette question au sein du parti politique de gauche dans lequel je militais � l��poque. Les libert�s individuelles n��taient pas de notre ressort. Nous �tions trop pr�occup�s � �b�tir le pays�, � redonner la dignit� aux travailleurs et � chanter les louanges du socialisme. Aujourd�hui encore, je m��tonne que nous n�ayons pas su capter cette r�volte sourde qui grondait en chaque femme. Qu�ajouter d�autre sinon la fracture entre mon corps rabougri, chancelant, incertain et ma t�te au c�ur de l�universel refusant de courber l��chine. Avant de jouir pleinement de la libert� de mon corps, je me suis mise en bouche des pages enti�res de la po�sie d�Eluard, de Neruda, de Hikmet et de Darwich. Leurs mots acidul�s, d�une tendresse d�sesp�r�e, m�ont apais�e. En �grenant leurs vers, je me rapprochais de l��claircie jubilatoire. C�est peu dire que les po�tes m�ont sauv�e. Ils �taient ma lucarne sur le monde, ma fantaisie, mon ballon d�oxyg�ne d�une l�g�ret� lunaire, mon caviar et mon pr�lude � la libert�.
Des femmes aux joues roses de d�sir et de col�re
Quoi ? Je n�allais tout de m�me pas �c�der� la rue aux hommes sans opposer de r�sistance ? Plut�t mourir que la leur offrir sur un plateau d�argent. Moi aussi j�y avais droit ! D�autres s��taient battues pour mon �mancipation. En particulier, des femmes aux joues roses de d�sir et de col�re. D�ailleurs, mon pr�nom me renvoyait � leurs sacrifices et cela suffisait � forger encore un peu plus ma d�termination. La bravoure de ces femmes, qui n�avaient pour la plupart m�me pas vingt ans et dont les r�cits grouillaient dans ma t�te, engag�es pour la libert� de tous et condamn�es � mort pendant la guerre de Lib�ration nationale, me rendait fi�re et forte. D�autres battantes me fascinaient d�j�. Clara Zetkin, Rosa Luxembourg, Simone de Beauvoir, Huda-Sharawi (1879-1947) � vous savez, l��gyptienne qui a men� d�s les ann�es 1920 un combat pour l��galit� des sexes, le droit � l��ducation, le d�voilement des femmes, l�acc�s � la culture, la condamnation du mariage pr�coce et la limitation de la polygamie. � bien y regarder, sommes-nous si loin de son �poque ? Puis, vous ne vous imaginez tout de m�me pas que j�allais bondir de mon lit, le matin, pour me t�l�porter vers l�amphith��tre de l�universit� sans que l�un de mes orteils n�effleure la rue ? Si pour moi l��ducation allait de soi avec l�ind�pendance financi�re, l��mancipation sexuelle et la libert� individuelle, d�autres ne la voyaient pas du tout du m�me �il. Et ils �taient nombreux dans l�Alg�rie post-ind�pendante o� l�islam est religion d�Etat � s��touffer juste � l��vocation de ce parfum de libert� au f�minin. Dans l�enthousiasme, qui a suivi l�av�nement du multipartisme en 1989, la voix de Ali Benhadj, le num�ro 2 du Front islamique du salut (FIS), a retenti soudainement comme un �clat de tonnerre nous rappelant la responsabilit� ultime de notre existence : �Le lieu naturel de la femme est le foyer, affirmait-il dans une interview au quotidien Horizons. La femme n�est pas une reproductrice de biens mat�riels mais reproduit cette chose essentielle qu�est le musulman.� Voil� qui avait le m�rite de la clart� ! Lorsqu�il m�arrive de me rem�morer cette fameuse d�claration, plus de vingt ans plus tard, je repense surtout au sort des femmes iraniennes dont le FIS se serait certainement inspir� s�il avait r�ussi � se hisser au pouvoir en 1991. Les victoires �lectorales des islamistes en �gypte et en Tunisie me plongent dans ce m�me �tat de choc. Car une chose est s�re, les islamistes � qu�ils soient Fr�res, salafistes ou quelque part entre les deux � r�vent de faire reculer de 14 si�cles les aiguilles du temps. Par ailleurs, les forces conservatrices � franchement pas modernistes et pas tout � fait islamistes � esp�rent toujours nous tenir en laisse. Reste � d�finir sa longueur d�pendamment de la conjoncture politique. Du c�t� des d�mocrates, � quelques exceptions pr�s, les ruptures historiques sont difficiles � assumer et les h�sitations encore nombreuses. On sent bien leur agacement face aux probl�matiques relatives � la religion, aux corps des femmes et � leur sexualit�.
Devenir si absolument libre
Cette ti�deur, nous la mesurons alors que Amina Tyler, une Tunisienne de 19 ans, et avant elle, Alia Magda Ehmahdy, une Egyptienne de 22 ans, ont fait de leur corps l�objet m�me de leur contestation en exhibant leur nudit� (partielle ou int�grale). �Mon corps m'appartient, il n'est l'honneur de personne�, a �crit Amina qui a post� sa photo seins nus sur sa page Facebook � la mi-mars. Le calvaire ne s�est pas fait attendre. Battue par son cousin et s�questr�e par sa propre famille qui la dope de m�dicaments, sa vie a bascul� tout comme celle d�Alia Magda Ehmahdy qui a d� quitter son Egypte natal pour se r�fugier dans un petit village de Su�de. Il ne fait aucun doute que les clich�s des deux rebelles arabes venant grossir les rangs de l�audacieux mouvement f�ministe Femen initi� par une poign�e d�Ukrainiennes ont d� faire saliver beaucoup d�hommes, ceux l�-m�mes qui r�vent, depuis des lustres, de mettre � leurs semblables une museli�re, de les embastiller ou de les clouer au pilori. Qu�y a-t-il de si honteux � s�approprier son corps ? Qu�y a-t-il de si d�sastreux � consacrer la r�alit� charnelle de son �tre ? Que vaut la vie sans la possibilit� d�exprimer sa propre existence et d�affirmer son moi ? En choisissant la nudit� comme moyen de r�sistance, les deux rebelles arabes incarnent un Camus au f�minin et portent sa parole au c�ur d�une actualit� br�lante. �Le seul moyen d�affronter un monde sans libert�, �crivait- il, est de devenir si absolument libre qu�on fasse de sa propre existence un acte de r�volte.� En choisissant de faire de leur corps le lieu de leur r�sistance, Amina et Alia ne se sont pas tromp�es. Pourquoi ? Parce que, dans le monde o� elles vivent, le corps de la femme sent toujours le soufre, et il n�est jamais vraiment le sien. C�est un corps pour l�homme qu�elle partage par la suite avec sa prog�niture. D�ailleurs, l�injonction de la virginit� n�a pas pris une ride. Pour aspirer au mariage, on exige d�elles qu�elles observent une abstinence sexuelle compl�te et refoulent tous ces sentiments et toutes ces sensations qui font la femme : le d�sir, la jouissance et l�amour. Le retour � l�envoyeur d�une �marchandise g�t�e� demeure toujours une option (et m�me en France !). Cette d�possession est une violence qui, d�abord confin�e dans l�espace intime, se d�place petit � petit dans l�espace public. En ce sens, la n�gation du sujet sexuel se traduit par la n�gation du sujet citoyen. Se r�approprier son corps, l�assumer, l�exhiber dans de telles circonstances c�est cheminer vers la libert�. Cette libert�, c�est celle qui pousse l�histoire vers l�avant, qui l�autorise au lieu de la figer dans la tradition ou dans le dogme religieux. En faisant de la sexualit� des femmes l�affaire de tous, ceux qui s�entichent de puret� et d�abstinence fusionnent la sph�re priv�e et la sph�re publique. Or, le d�tachement de l�une et de l�autre est l�un des fondements de la modernit�. rend possible l�exercice d�mocratique et garantit le respect des libert�s individuelles. Qui tire parti d�une police qui r�glemente la sexualit� des femmes si ce ne sont les z�lateurs de la morale ? Le sexe est une affaire politique, la fornication un acte de dissidence, la sexualit� une fixation qui occupe tous les esprits. La sexualit� des femmes est l�affaire de tous, son contr�le rel�ve de la pathologie collective ; les agressions contre des femmes non voil�es en plein centre-ville de Tunis par des agents des forces de l�ordre nouvellement recrut�s, le viol des femmes � la place Tahrir ou l�imposition des certificats de virginit� aux r�volutionnaires �gyptiennes par des militaires en perte de vitesse n�en sont que quelques tristes illustrations parmi tant d�autres. En insinuant un doute sur la pr�tendue �l�g�ret� de leur tenue vestimentaire ou de leur conduite, ces atteintes entra�nent les femmes sur le terrain de la moralit�. Cette mise en sc�ne de la transgression par le corps de l�ordre moral est un appel d�lib�r� � la vindicte populaire. Les femmes jug�es immorales se trouvent doublement condamn�es : par l�Etat, qui cesse de les prot�ger, et par la soci�t�, qui les conspue.
Les alc�ves coraniquement sous cl�
Mais que l�on ne s�y trompe pas. Amina et Alia sont aussi le produit de leurs soci�t�s o� la jeunesse �touffe et explose. Des soci�t�s qui ne sont pas � une contradiction pr�s, puisqu�elles portent en elles deux mouvements contradictoires. D�une part, celui pour l��mancipation des femmes qui est bien r�el, n� avec les ind�pendances, qui travaille � changer les soci�t�s en profondeur et, d�autre part, un autre mouvement qui tente � tout prix de maintenir la structure familiale patriarcale, base de la structure sociale traditionnelle, intacte. Comme la lib�ration des m�urs n�a pas suivi la r�alit� sociologique, on saisit bien dans ce contexte l�impact du conservatisme social � la base de l�id�ologie islamiste, qui joue � fond la carte de la chastet� et le confinement des femmes � leurs r�les de m�re et d��pouse. Dans l�esprit des islamistes, la cause profonde de la r�gression et du sous-d�veloppement est l�absence de morale ou encore l��loignement de la morale islamique. �Trop de sexe� a d�sax� la oumma. Pourtant, s�il y a un sujet qui a travers� les si�cles sans perdre de sa fra�cheur, c�est bien celui de la sexualit�. Faire l�amour � perp�tuit� c�est pour plus tard, dans l�au-del�. Le temps viendra des nuits de braise, des jours de feu et des copulations sans fin. Pour le moment, les alc�ves sont mises coraniquement sous cl�. Pour ces bigots, la civilisation musulmane �tait � son apog�e � l��poque du Proph�te qui avait une conduite morale et sexuelle irr�prochable. Hassan Al-Banna, le fondateur de la confr�rie des Fr�res musulmans en 1928 ne r�ve pas d�une nouvelle �re abbasside (IXe-XIIIe) o� le calife Al-Ma�moun prot�geait les libres penseurs mutazilites et c�l�brait les sciences et les arts. Il s�inscrit dans la ligne de pens�e int�griste de Ibn Hanbal (780-855), revigor�e par le sinistre Ibn Taymiya (1263-1328) et reprise comme doctrine officielle de l�Arabie Saoudite. A l��ge d�or abbasside o� l�on se souciait de traduire Platon et Aristote, il pr�f�re la mani�re sombre d�un Mohammed Ibn Abd Al-Wahab, p�re contemporain du salafisme, aussi appel� wahhabisme. Pour lui, les inflexions rationalistes au sein de l�islam au XIXe si�cle ne sont que le produit de l�interaction des musulmans avec l�Occident et n�ont conduit qu�� la ruine et � l�ali�nation. Par cons�quent, il faut �liminer toutes ces �volutions et revenir aux sources : al-salaf (les anc�tres), et en particulier � la lecture litt�rale des textes r�v�l�s et � l�imitation de la tradition ( taql�d). Voil� pourquoi le jeune Al-Banna pr�conise le retour � l�orthodoxie musulmane et le voilement des femmes.
Travailler � l��panouissement de l�ensemble de la soci�t�
Alors que j�effectuais un s�jour � Tunis et au Caire au printemps 2012, mon regard s�est pos� partout sur les femmes : dans les rues, les march�s et les bureaux, dans les hammams, les salons de coiffure et les restaurants, dans les librairies, aux mus�es et dans les universit�s, ou encore dans les domiciles priv�s. Travailleuses ou femmes au foyer, m�res ou c�libataires, divorc�es, veuves ou �pouses, rassur�es ou en doute, en qu�te d�elles-m�mes ou confiantes, affranchies ou soumises, confin�es dans la cuisine ou lib�r�es des t�ches domestiques, courant sur les stades ou s�attelant � d�couvrir le myst�re des �toiles, j�ai suivi les pas de quelques-unes d�entre elles en interrogeant leurs corps et leur histoire, en effleurant doucement leurs vies. Porteuses qu�elles sont d�un intense espoir d�exister et de s�affirmer en tant que sujet d�sirant, leur dignit� rend les femmes universelles, intemporelles, d�une humanit� consciente et sobre. V�ritable poteau-mitan de la soci�t�, leur statut fait l�objet de toutes les attentions. Toutefois, sur le terrain tortueux du corps et de la sexualit�, leur fragilit� est saisissante. Elles deviennent ce verre d�licat qu�un rien peut briser en �clats. Or, accepter leur sexualit�, c�est tenir compte de leur subjectivit� sans laquelle leur �mancipation n�est qu�une vaine illusion. C�est celle-l� la v�ritable r�volution. Celle qui se fera dans nos lits, dans nos maisons, dans nos rues, dans nos quartiers et dans nos lieux de travail. La m�re c�libataire retrouvera alors sa dignit�, la femme divorc�e n�aura plus honte de son statut, les amoureux pourront s�embrasser en public sans courir le risque d��tre caillass�s, les coll�gues de bureau pourront partager le m�me espace sans arri�re-pens�e et en toute convivialit�, la travailleuse n�aura plus peur de prendre l�autobus le matin, les fr�res ne seront ni les espions ni les bourreaux de leurs s�urs, la police des m�urs, celle qui fait le tour des parcs et guette les sorties des restaurants pour faire la chasse aux couples sera bannie, l�homme ne se sentira plus oblig� de bastonner sa femme pour prouver sa virilit�, la femme n�aura plus besoin de tuteur pour se marier. Et si elle ne souhaite pas l��tre, elle aura la possibilit� de vivre diff�remment et autrement, l�interdiction du mariage avec un non-musulman sera lev�e, le divorce comme facult� exclusive du mari et le droit � la moiti� des parts en mati�re successorale seront abolis. �a fait beaucoup d�aspects d�j�, non ? Tout ceci me fait penser � ce magnifique po�me de Bachir Hadj Ali R�ves en d�sordre. �Je r�ve d'hommes �quilibr�s en pr�sence de la femme. Je r�ve de femmes � l'aise en pr�sence de l'homme...� Donner un sens et un souffle nouveau aux r�volutions. C�est le d�fi que nous ont lanc� Amina Tyler et Alia Magda Ehmahdy, deux jeunes femmes absolument remarquables qui forcent notre soutien et notre admiration. Leur libert�, c�est aussi la mienne, la v�tre et la n�tre ! Parce que faire avancer la cause des femmes, c�est travailler � l��panouissement de l�ensemble de la soci�t�. Lib�rez Amina qu�elle puisse d�ployer grandement ses ailes. Le monde l�attend et la r�volution a besoin d�elle !
D. B.
Bio
N�e en Ukraine d�une m�re chypriote grecque et d�un p�re alg�rien, Djemila Benhabib a grandi � Oran dans une famille de scientifiques, ouverte et engag�e dans les luttes sociales et politiques. En 1994, elle quitte l'Alg�rie pour la France apr�s la condamnation � mort de toute sa famille par le Front islamique du jihad arm� (FIDA). Elle fait des �tudes en sciences physiques, en sciences politiques et en droit international. Journaliste, conf�renci�re et essayiste, elle s�int�resse notamment � l�islam politique, aux droits des femmes et � la la�cit�. Elle a publi� au Qu�bec, en France et en Alg�rie : Ma vie � contre-Coran (2009) ; Les soldats d�Allah � l�assaut de l�Occident(2011), Des femmes au printemps(2012) ou encore L�automne des femmes arabes(2013). Finaliste pour le Prix du gouverneur g�n�ral du Canada en 2009 et pour le prix Simone de Beauvoir en 2013, elle remporte le Prix des �crivains francophones d�Am�rique en 2010 et le Prix international de la la�cit� en 2012.


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