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LES CHOSES E LA VIE
Thaïs, le paradis de Da Mokhtar
Publié dans Le Soir d'Algérie le 16 - 05 - 2013


Par Maâmar FARAH
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Thaïs, c'était le nom d'un bateau grec qui traversa, pour la première fois, la Méditerranée du nord au sud... Quand je me suis rapproché du club Thaïs, sur cette côte sauvage qui va de Béjaïa à Azzefoun et que mon regard a plongé dans cet ensemble de pierres, de bois et de roches barbotant dans l'eau la plus limpide du monde, la terrasse en forme semi-circulaire du complexe m'apparut comme le pont d'un navire ouvert sur le grand large ! Thaïs, c'est aussi un rêve, un beau rêve aux couleurs de l'eau et de la roche, déployé d'abord sur les rives vagues d'une folie pas du tout ordinaire. Celle d'un homme qui a tenté l'impossible : installer, dans ce milieu isolé et hostile, un club de vacances qu'il jurait construire sans ferrailles, ni béton... Et le rêve prit forme... Il déploie aujourd'hui ses ailes sur un bout de plage située au pied des montagnes, dans l'une de ces criques magiques que l'on trouve tout au long de notre côte méditerranéenne... De Béjaïa, ce qui est connu par la majorité des Algériens se résume souvent à Tichy, Cap Aokas, les hautes montagnes défiant les nuages, la vallée verdoyante du nom de la Soummam, important cours d'eau qui la traverse. Mais cette wilaya est aussi connue pour l'état lamentable des équipements et la faiblesse des infrastructures de base... D'ailleurs, pour s'en convaincre, il suffit de grimper sur les hauteurs de Béjaïa, pour emprunter la route côtière menant vers Azzefoun. Souvent en piteux état, cette chaussée traverse des zones à la pauvreté frappante où aucun projet de développement durable ne semble avoir été retenu. Pourtant, la nature a doté cette région d'un charme insoupçonnable : aux grandes plages de sable blond rayonnant sous le soleil d'avril succèdent des criques discrètes. Un grand hôtel, à peine achevé, demeure mystérieusement fermé. Sa grande masse de pierre et de béton, fouettée par les vents, reste muette et ne livrera ses secrets que lorsque l'hôtel tout entier tombera en ruine... Nous faisons une halte à Boulimat, à l'auberge de Da Belaïd, dirigeant du MOB qui n'était pas sur la place ce jour-là car son équipe disputait un match capital pour l'accession. La terrasse domine une immense plage à l'eau claire. On nous sert un assortiment de poissons du jour. Venir à Boulimat et ne pas manger du poisson est aussi inconvenant que d'oublier de goûter à la viande bovine lors d'un séjour à Ighzer Amokrane ou Seddouk... Et la route continue, dans le même décor sauvage, au milieu des mêmes maquis dominant une mer d'un bleu impressionnant. Aux environs du village côtier de Tighremt, on annonce Thaïs. Je me tourne vers la droite, cherchant des yeux une infrastructure hôtelière classique, m'attendant à voir des cubes blancs découpés dans le bleu du large... Rien ! En fait, les yeux ne remarquent pas tout de suite le club Thaïs parce qu'il s'intègre parfaitement au décor local : par la composante de ses matériaux, par ses couleurs fauves, pareilles à celles des roches éparpillées, explosées dans une eau invitant tout visiteur à y plonger ! Puis, en descendant la piste qui mène aux maisons de tuiles rouges regroupées autour d'une place centrale prolongée par la fameuse terrasse, on réalise que l'on est arrivé au... paradis ! Celui de Da Mokhtar, l'homme qui a cru en ce projet et qui est allé jusqu'au bout de son rêve... Je vous parlais la semaine dernière de ce printemps fantôme qui traverse les calendriers sans se faire voir ! Je vous parlais de cette saison orpheline, sans génie, ayant perdu son identité entre les pluies tardives et les chaleurs précoces ! Mais je ne savais pas, à ce moment-là, que le printemps existait encore ! Oui, et même si on ne peut pas le voir, je sais qu'il existe au cœur de cet homme de 65 ans qui porte la vie comme on porte une guitare, s'attachant chaque jour à en tirer les meilleurs sons et cette joie sublime qui illumine le visage des gens heureux... Heureux parce que satisfaits. On appelle ça, chez nous, «El Qanaâ». La satisfaction est l'une des vertus capitales : celui qui est satisfait sera toujours riche même s'il n'a qu'un bout de galette à tremper dans l'huile d'olive, même s'il a pour demeure une baraque. Et celui qui n'a pas accédé à la Satisfaction sera toujours pauvre parce que les plus beaux palais, les milliards et tout le luxe du monde lui paraîtront insignifiants car ce sentiment d'insatisfaction perpétuelle en fera un pauvre permanent ! Da Mokhtar a trouvé son paradis. Il a donné un sens à sa vie : il a réalisé son rêve et chaque jour lui apporte ce soleil insoupçonnable qui dort en chacun de nous et qui ne s'éteindra que le jour où la vie s'arrête. C'est le moteur qui le fait carburer à plein régime pour développer son complexe, construire de nouveaux bungalows, aménager de nouveaux espaces de loisirs, améliorer les conditions d'accueil des touristes, s'occuper mieux de ces autres pensionnaires : des moutons, des vaches, des brebis, des canards... il est même allé chercher à Tiaret des chevaux de race pour permettre à ses visiteurs de pratiquer les sports équestres ou, à tout le moins, de faire des randonnées dans la région. C'est ce qui lui donne la force de rester debout, sur le pont de cet immense paquebot, pour régler chaque note, comme sur du papier à musique... A notre arrivée, le gars faisait la sieste. Nous cherchons ses enfants. Un appel au mobile nous permet de les joindre. Ils nous demandent de voir en direction du large et de chercher un petit point blanc dans l'immensité bleue. Difficile à repérer... nous nous attablons en face de la mer, demandons des consommations et attendons l'arrivée de nos hôtes. Puis, un cri : «Les voilà !»... un point minuscule, une virgule blanche dans les ratures de ces pages brouillées par les vagues. C'est un petit métier ballotté par les vents... Plus tard, lorsque Da Mokhtar nous guidera vers la plage Ouest pour découvrir la prise du jour, ses enfants auront droit à ses simagrées. Et il les raille en montrant le ridicule sachet qui contenait la pêche du jour. Même pas de quoi faire un petit plat de bouillabaisse ! De l'autre côté, sur les roches en contrebas de la piscine, des jeunes, remontant après une partie de pêche sous-marine, arrivent avec des prises autrement plus importantes ! Comme quoi, il ne fallait pas aller aussi loin pour capturer les poissons les plus gros. Mais Da Mokhtar est pessimiste : «Ils ont massacré la pêche ! Il n'y a plus de réglementation et l'on pêche n'importe comment ! Bientôt, il n'y aura plus de poissons de ce côté-ci de la mer !» Plus tard, autour d'une table où il reçoit, chaque jeudi, ses amis intimes, Da Mokhtar animera la soirée à la manière des grands ! Pas de costume, ni de smoking, pas de manières jet-set, juste l'authenticité de ce philosophe de père chaoui et de mère kabyle (chaoui comme moi, kabyle comme tout ce que j'aime !), juste l'amour de ce bout de terre qui n'est qu'une infime partie de l'amour qu'il a pour ce pays, juste le geste fraternel, le mot cru et sans tartuferie, le sourire qui illumine la nuit et fait tomber les étoiles dans vos yeux émerveillés par tant de bonheur... Les autres sens ne sont pas en reste : juste à côté, un immense feu de bois monte au milieu de la terrasse. Les merguez de Fréha sont à l'honneur, mais aussi le filet de veau de ces régions bovines d'excellence, les fruits de mer, le merlan, le rouget, l'espadon... Un régal ! Mais Da Mokhtar boude quelque peu ce menu «galvaudé ». D'une marmite artisanale, il tire du «tikerbabine» et d'une autre, il se sert une cervelle à la mode locale. Lui, ne mange que les plats préparés par sa mère ! Et la soirée se prolonge. Ses histoires sont nombreuses et il faut plusieurs pages de ce journal pour vous parler de sa vie mouvementée, du jour où il rencontra les terroristes, du jour où il fut condamné à sept mois de prison pour «soutien au terrorisme », lui qui crut bien faire en protégeant, à sa manière, son paradis au moment où l'Etat était totalement absent, de l'accueil populaire incroyable qu'il reçut à sa sortie de prison, du jour où il reçut un coup de crosse à l'oreille, devenue sourde depuis, du jour où il mordit un gendarme au point que les médecins se demandèrent quel type d'animal a pu commettre cela... La vie continue et elle est synonyme de combat quotidien ! Les pouvoirs publics doivent obligatoirement aider de tels promoteurs ! Maintenant que je suis loin de Thaïs, je sais que, quand il est au milieu de son «pont», sous le soleil éclatant de la Méditerranée ou sous la voûte étoilée de la Petite Kabylie, il est l'homme le plus heureux... Malgré tout !


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