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Les choses de la vie
Et si c'était à refaire, Ali ?
Publié dans Le Soir d'Algérie le 31 - 10 - 2013


Par Maâmar Farah
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Ali nous reçoit avec son large sourire planté de belles dents, remarquablement alignées, comme les pins qui cavalent derrière lui, à l'orée de la forêt. Il est agité par une quinte de toux qui fait trembler tout son être. Une sale toux dont l'écho retentit au plus profond des bois mitoyens, envahis par un beau soleil d'été indien. La ferme d'Ali, composée de deux bergeries sommairement aménagées et d'une vaste maison de type traditionnel, c'est-à-dire aux murs extérieurs entièrement aveugles, mais ouverte sur une cour intérieur. Pour arriver chez Ali, on quitte la forêt pour s'engager sur une piste hasardeuse qui traverse un immense plateau dénudé au paysage tourmenté, un paysage à mi-chemin entre le Tell et la steppe. En engageant sa voiture dans cette route cahoteuse, mon compagnon me lance : «Bienvenue au territoire sioux !»
Ici, tout le monde parle d'Ali. Ce n'était ni un patriote, ni un GLD, ni un garde communal, mais il a été obligé de prendre les armes, tout seul. Une histoire assez singulière, banale diront certains, mais qu'il faut raconter parce que l'étoffe des héros, ce n'est pas souvent ce que l'on pense, ce ne sont pas les histoires édulcorées revisitées par Hollywood. Celle d'Ali porte l'empreinte du nif et sent le baroud... Il fait partie des gens qui ont pris les armes pour défendre leur vie et montrer aux terroristes qu'ils ne sont pas les plus forts. Il a passé des nuits blanches dans la forêt et ça a laissé des traces. Aujourd'hui, il est malheureux parce que les terroristes, dont il croyait s'être débarrassé, le défient. L'un d'eux, un voisin, est revenu après dix années de maquis. Ali m'a dit que ce terroriste le narguait en lui disant des choses pas gentilles comme «tu es le collabo des gendarmes» ou «que t'a rapporté ton combat antiterroriste ?»
Ali est malade. Il a un poumon pourri. Et personne ne vient à son aide. Dire qu'il a veillé sur les siens pendant des années ! Pas seulement sur eux, mais sur la République ! Mais c'est quoi la République ? Vue d'ici, elle n'a l'air de rien, si ce n'est de quelque chose d'immense et de flou qui court sous les nuages pour s'arrêter devant la mer. Je suis malheureux pour Ali. Je vais faire une quête pour qu'il puisse se soigner, puisque la République ne l'écoute pas.
L'autre jour, autour d'un plat traditionnel bien chaud, Ali a décidé de me raconter ses aventures :
«Tu sais, je n'ai rien d'un patriote ! D'ailleurs, quand cette sale guerre a commencé, je m'en foutais royalement. Je voulais simplement avoir la paix ! Les souvenirs de l'autre guerre sont encore bien vivants pour que nous en voulions une autre ! Notre grande malchance est que notre douar est situé à la lisière d'une grande forêt qui donne sur toutes les régions limitrophes. C'est un lieu de passage obligé pour des gens qui choisissent le maquis. D'un côté, tu as le passage vers Ouenza et toute la région de Tébessa. De l'autre, tu peux joindre Sédrata, Aïn Beïda, Khenchela et tout l'Aurès. A l'est, tu te faufiles tranquillement vers la frontière tunisienne. Et, au milieu, c'est un chemin tout indiqué pour rentrer dans les montagnes de la région de Souk-Ahras, à travers Oued Chouk. Guelma est également accessible à partir d'ici. Voilà pourquoi, notre douar allait subir des pressions intenables. La nuit, c'étaient les moudjahidine. Moi, j'étais gosse et je n'y comprenais rien, mais mes parents leur donnaient à manger et ma mère passait son temps à cuire les galettes. De ce que j'ai entendu, j'ai cru comprendre que mes parents faisaient cela de leur propre gré et ils disaient que c'était leur devoir. Le jour, nous recevions la visite des soldats français qui voulaient tout savoir sur le mouvement des fidaïs. Ils étaient très méchants et je tremblais à la simple apparition de leur colonne motorisée derrière la butte menant à notre douar !
«Ce n'était pas la joie. Tant de privations, de sacrifices, de peurs allaient cependant connaître leur terme un certain 5 juillet 1962. Mais, rien ne changea depuis, si ce n'est qu'un gros engin est venu aménager la piste qui est redevenue comme avant au bout de quelques années. Si, si, quand même : il y a l'électricité et les gens du parti qui venaient à la veille de chaque élection. Mais, on était bien content de vivre en paix. Après la mort de mon père, j'ai agrandi la ferme et j'ai pu constituer un troupeau de moutons qui faisait des jaloux dans la région !
«Mais qui pouvait donc prévoir cette autre catastrophe qui allait nous tomber sur la tête : le terrorisme ? Comme je vous l'avais expliqué plus tôt, quiconque monte au maquis et circule d'est en ouest et du nord au sud, passe par chez nous. La densité de la forêt et son prolongement vers toutes les directions lui offrent la meilleure des sécurités.
«Au début, je m'en foutais. Mais, un jour, la gendarmerie est venue arrêter un voisin qui s'est avéré être un dangereux terroriste. Convaincus que j'ai vendu leur copain aux autorités, ses amis décidèrent de me trancher la gorge et c'est ainsi que je suis devenu leur ennemi. Moi, je n'ai vendu personne. Certes, je ne suis pas un héros, mais je n'aime pas ça ! Mais allez leur faire comprendre que je n'ai rien à voir avec tout ça !
«Il ne me restait plus qu'à fuir. Mais pour aller où ? Dans la forêt pardi ! J'étais comme eux, près d'eux, suivant les mêmes chemins, fréquentant les mêmes abris. Je les fuyais mais je suis allé dans leur propre fief ! Pour me protéger, j'avais pris mon fusil. Parfois, la nuit, et après maintes précautions, j'allais chez moi pour me ravitailler et voir les enfants. Je devais faire très attention, car ils risquaient de me surprendre. Ils avaient des yeux partout...»
Ali souffle un peu, ramasse une grande cuillerée de couscous, et poursuit, la bouche pleine :
«Les gens me prenaient pour un héros. Combattre les terroristes tout seul, tu parles ! En fait, j'avais très peur. Ainsi j'ai vécu jusqu'à la fin de ce qu'ils appellent maintenant la tragédie nationale et qui fut un véritable cauchemar pour moi et ma famille ! Ce que j'ai gagné, c'est cette terrible souffrance au niveau du poumon. Les veillées, les conditions de vie dans la forêt, les rigueurs du froid, ça ne pardonne pas ! Mais comme j'ai tout perdu durant ces années, je n'ai plus de ressources pour me soigner convenablement.
«Dis, tu penses que j'ai un problème de santé sérieux ?»
Je tente de le rassurer. Nous sommes au dessert. Il savoure une belle salade de fruits, en montrant sa dentition parfaite. Puis, on nous sert le thé. Il allume une cigarette sans filtre et je saute sur l'occasion :
«Dis Ali, tu ne penses pas plutôt que tes ennuis de santé, tu les dois à cette saloperie que tu avales !
- La cigarette ? Peut-être ! Mais la montagne aussi ne pardonne pas ! Dieu seul sait ce que j'ai enduré, mais ce n'est rien par rapport à l'enfer vécu par les moudjahidine. Je trouve qu'on ne parle pas assez de ces souffrances ! C'est atroce ! Marcher sous une pluie battante et ne pas pouvoir se changer. Marcher et marcher encore avec ses vêtements mouillés, trempés de fond en comble ! Et par des froids sibériens ! Non, ça aussi, ça laisse des traces sur les poumons...
- Et maintenant, comment ça se passe ?
- A part ce poumon pourri, je suis harcelé par les terroristes libérés. Ils me lancent des mots pas très gentils, du style : «Qu'est-ce que tu as gagné ?» ou encore «ton tour viendra», ou «va, cours à la gendarmerie dire à tes maîtres que nous sommes là !» Ali baisse la tête. Il murmure à peine ces quelques mots que j'ai des difficultés à saisir : «L'un d'eux m'a même dit : Ali, tu viendras à la banque le jour où ils me donneront le magot...»
J'essaye d'expliquer à Ali que ce sont des ragots, qu'il ne faut pas y attacher de l'importance et que le gouvernement n'est pas tombé sur la tête pour payer les terroristes ! Non, il faut qu'il cesse de penser à ces choses-là.
Et, pour lui semer quelques brins d'espoir dans sa tête de désabusé, je lui promets de l'aider. Il pense qu'un journaliste est un type important qui a des connaissances et des entrées partout. Si tu savais, frère Ali... Mon unique fils est chômeur. Les enfants des généraux possèdent tout et investissent dans tout. Moi, je n'ai pas des grades sur mes épaules pour impressionner le banquier !
Il se fait tard. C'est l'heure de partir. Ali nous salue avec le même sourire planté de belles dents, remarquablement alignées comme les pins qui cavalent derrière lui, à l'orée de la forêt. Il est agité par une quinte de toux qui fait trembler tout son être. Une sale toux dont l'écho retentit au plus profond des bois mitoyens, parcourus par les premières ombres de l'obscurité envahissante.


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