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L'entretien de la semaine
Docteur Ouartsi Mohamed Fakhr El-Islem, gynécologue, au soirmagazine «la peur de ne pas nourrir assez son bébé reste l'une des causes principales des envies compulsives de nourriture»
Publié dans Le Soir d'Algérie le 07 - 06 - 2014

Des croyances populaires transmises jusqu'à l'heure actuelle font croire qu'il serait très risqué de refuser une envie alimentaire à une femme enceinte. Certains révèlent que cela risque de faire apparaître chez le nouveau-né des tâches brunâtres ou des malformations congénitales, enlaidissant particulièrement le visage. Ces faits racontés par nos aïeux sont devenus aujourd'hui les témoins de l'histoire du phénomène d'el ouahma, comme préfèrent l'appeler nos grands-parents. Mais sur le plan pratique, ces sensations font généralement partie des signes accompagnateurs des faims pressantes de la femme enceinte et c'est ce que l'on appelle communément les envies alimentaires des futures mamans.
Pour certains, c'est un signe fidèle et annonciateur d'une grossesse, pour d'autres c'est un mythe. Pour lever toute équivoque, le docteur Ouartsi Mohamed Fakhr El-islem, gynécologue. Ce praticien répond à nos questions.
Soirmagazine : Comment définissez-vous les envies de la femme enceinte et à quel moment surviennent-elles ?
Docteur Ouartsi : Il s'agit d'un désir insatiable de manger, qui survient généralement du matin au soir. C'est une sensation de faim impérieuse. Mais qui s'associe à des envies absurdes et incontrôlables qui diffèrent d'une femme à une autre. Ces envies alimentaires soudaines et inhabituelles peuvent être saugrenues, la femme peut demander des pastèques ou des fraises en hiver, des mandarines en été ou des fruits exotiques pas toujours disponibles. Mais parfois ces tentations peuvent être raisonnables.
Les envies de la femme enceinte apparaissent le plus souvent les premières semaines de la grossesse, mais elles peuvent survenir aux 2e et 3e trimestres. Mais certaines femmes enceintes n'ont aucun appétit ; je tiens donc à les rassurer que ces cas n'ont aucun caractère alarmant et que c'est tout autant normal. Au contraire, cette attitude peut aider la femme à manger sainement et correctement et ne prendre que des aliments dont elle et son futur nouveau-né ont besoin pour leur métabolisme.
Comment expliquez-vous ce phénomène ?
Sur le plan psychologique, les femmes enceintes se trouvent continuellement envahies par l'idée qu'elles doivent alimenter deux organismes, tout en obtempérant aux injonctions nutritionnelles données par l'entourage, mais qui peuvent leur provoquer les fameuses sensations de nausées.
A cela s'ajoutent le stress et la peur de la grossesse elle-même. Il y a aussi la crainte qui hante leur esprit durant les deux premiers trimestres de la grossesse, celle de ne pas pouvoir apporter les nutriments nécessaires à leur bébé. C'est un sentiment qui expliquerait les fringales de la femme enceinte.
Une peur qui reste l'une des causes principales des envies compulsives de nourriture. Toutefois l'origine de ce phénomène ne se restreint pas au volet psychologique. L'anxiété et la nervosité décrites chez la femme enceinte semblent également être liées à un dérèglement hormonal. Ce trouble du comportement est déclenché par les œstrogènes qui sont sécrétés par le placenta pendant la grossesse. Ils peuvent même donner des poussées compulsives. Aujourd'hui, malgré les progrès de la médecine, le flou continue à régner autour de ce phénomène.
Mais les chercheurs estiment que toutes les envies de la femme enceinte, aussi farfelues soient-elles, ont une explication. Donc les facteurs déclenchants de ce phénomène n'ont pas encore été entièrement établis.
Même l'idée selon laquelle des besoins nutritionnels sont à l'origine des envies a été récemment retenue par certains auteurs.
Y a-t-il un lien entre ce phénomène et les modifications physiologiques au cours de la grossesse ?
Cela peut être une explication, c'est donc une idée à retenir, du fait que le goût se modifie et l'odorat devient plus sensible lors d'une grossesse. Ça augmente donc l'appétit. Certains chercheurs estiment que l'hypersensibilité gustative et olfactive de la femme enceinte trouve son explication dans les modifications hormonales.
Selon eux, la forte concentration en œstrogènes serait à l'origine des envies et des troubles digestifs (nausées et vomissements). Donc je dirais qu'il y a effectivement un lien entre les modifications physiologique de la femme enceinte et la survenue des envies alimentaires.
Ce phénomène peut-il avoir des conséquences médicales et socioéconomiques ?
Les envies alimentaires sont variables, leur survenue n'est pas systématique. Elles ne sont donc pas le lot de toutes les futures mamans ; néanmoins, une grande majorité reconnaissent avoir eu un désir ardent et obsessionnel de manger un certain aliment au cours de cette période.
Quel que soit leur pouvoir d'achat ou leur niveau socioculturel, les futurs papas, qui entendent des demandes qui sembleront insolites de la part de leurs épouses, font de leur mieux pour se montrer disponibles, surtout quand il s'agit d'une première grossesse. Breuvage, casse-croûte et différents mets traditionnels cuisinés sont généralement offerts.
De quoi combler toutes les fringales. Mais cela peut affecter le budget familial d'autant que les conditions financières ne le permettent pas. Ces comportements constituent également un véritable casse-tête, du fait qu'ils peuvent causer des problèmes de santé pour la maman, entre autres, la prise de poids, qui risque d'avoir des effets néfastes sur sa santé et celle de son bébé.
Quels conseils donneriez-vous au couple ?
Il est très important de bien se nourrir lors de la grossesse, notamment pendant les quatre premiers mois. Cela permettra à la future maman de bien s'alimenter mais aussi d'emmagasiner des réserves qui seront très utiles pour le développement du fœtus.
Mais les fringales peuvent également causer des problèmes de santé attribuables aux crises de boulimie dont la principale complication observée est un excès de poids.
Ce qui nous pousse à croire que les envies de la femme enceinte doivent être contrôlées. En revanche, les réponses favorables aux envies alimentaires d'une future maman constituent incontestablement une forme d'affection qui sera des plus agréables, notamment en cette période.


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