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C'est ma vie
Le repas d'adieu (2e partie et fin)
Publié dans Le Soir d'Algérie le 10 - 02 - 2018

Une semaine après leur retour, alors que Selma et Sonia avaient encore la tête pleine de souvenirs et d'images de leur séjour niçois, un tragique événement que rien ne présageait allait bouleverser la vie de toute la petite famille.
Fadhéla qui avait entendu la remarque de Sonia profita de l'occasion qui lui était offerte pour renouer le dialogue avec ses filles sur un sujet instructif et qui leur permettait en même temps de se changer les idées. Tout en remplissant les cartes de faire-part, elle leur expliqua avec force détails la colonisation, la politique de peuplement qui avait permis à des migrants de tout le bassin méditerranéen, des Français bien sûr, mais aussi des Maltais, des Espagnols, des Italiens, des Corses, des Bretons et même des Grecs de venir en masse s'installer en Algérie et de profiter de tous les avantages que leur offrait l'occupant.
Certains de ces migrants avaient bâti des fortunes sur le dos des Algériens en les dépossédant de leurs terres avec l'aide de l'administration et de l'armée coloniales. Aujourd'hui les descendants de ces migrants, pour ceux qui ne continuent pas de faire prospérer les immenses domaines coloniaux légués par leurs aïeux, se retrouvent pour la plupart dans la fonction publique, ou l'administration comme on dit, et où ils occupent des postes-clés.
D'autres exercent des professions libérales ou ont monté de petites entreprises familiales. Si vous ajoutez à cela les juifs d'Algérie qui étaient là bien avant le début de la colonisation française, vous avez là toute une mosaïque des origines de la population dite «pied-noir» qu'on retrouve dans à peu près toutes les villes du pays.
Une fois la date fixée et les cartes de faire-part envoyées, Fadhéla et Zahia s'étaient réunies pendant tout un après-midi pour arrêter le menu, dresser la liste de tous les besoins et lancer les commandes. Comme les deux femmes tenaient à ce que ce repas d'adieu fasse date, reste dans les mémoires, elles avaient convenu également de faire appel à des «extras» pour les aider à la cuisine et assurer le service. Cela s'était passé un dimanche, une de ces journées caniculaires d'un septembre finissant, propres au bassin méditerranéen, sans un souffle d'air. Pour fuir un soleil de plomb qui dardait des rayons de feu, une longue table en forme de «U» fut dressée au patio à l'ombre d'une treille chargée de grosses grappes de raisins blancs, du muscadet.
En véritable maître de cérémonie, Zahia, qui avait instruit tout son monde sur les différentes étapes de ce repas, veillait sur tout, vérifiait chaque détail. Toutes les chaises avaient été numérotées et les noms des convives qui devaient y prendre place imprimés sur de petits cartons blancs posés sur la table devant chaque chaise. Il ne fallait rien laisser au hasard.
A partir de onze heures, les premiers invités avaient commencé à arriver. Alors que Fadhéla les accueillait à l'entrée des «Glycines», Selma et Sonia les accompagnaient jusqu'au grand salon où avaient déjà pris place des membres de la famille venus la veille ou très tôt le matin.
En attendant de passer à table, une variété d'amuse-gueules, de tartelettes salées, de brochettes de saumon aux fruits et de boissons fraîches étaient mises en quantité à leur disposition sur un long buffet. Tout en buvant et en dégustant ces flatteries de palais qui les mettaient en appétit, quelques-uns, des amis de longue date, conversaient entre eux à voix basse. A peine si on les entendait lorsqu'ils évoquaient le défunt, les dangers de la route avec ces nombreux chauffards, ou les bons souvenirs, les sorties en famille, le caractère jovial de Rachid. Une femme parla de cette nouvelle génération de véhicules de tourisme qui atteignent des vitesses à donner le vertige ; alors qu'en même temps rien de sérieux n'est fait pour améliorer la sécurité du conducteur et des passagers.
A douze heures passées, Fadhéla et ses deux filles arrivèrent à leur tour au salon avec les derniers invités attendus, des amis venus d'Alger, Tizi-Ouzou, Skikda, Annaba et même de Constantine. Après un petit moment, sur un signe de Zahia, Fadhéla invita tout ce beau monde à passer au patio et à prendre place. Il y avait presque une cinquantaine de couples autour de la grande table recouverte d'une nappe d'une blancheur immaculée et où un couvert réservé spécialement pour les grandes occasions avait été dressé ; rien que du cristal, de la porcelaine de Limoges et des pièces d'argenterie finement travaillées.
La plupart des hommes étaient en bras de chemise et les femmes en chapeau de soleil et en robe d'après-midi, extrêmement légères, où le noir prédominait. N'étaient le silence et la mine triste de Fadhéla et de ses filles, on aurait pu croire qu'il s'agissait là d'une de ces conviviales réunions dominicales entre amis que Fadhéla et Rachid, son défunt mari, savaient si bien organiser. Dès que les derniers invités s'étaient assis, une demi-douzaine de serveuses et de serveurs avaient commencé à servir les hors-d'œuvre : de petits aspics de fruits de mer, de volaille, accompagnés d'un riche composé de salade méditerranéenne. Hormis le cliquetis des fourchettes et des couteaux sur la porcelaine, parfois le flop d'une bouteille qu'on débouche ou le glouglou d'un verre qu'on remplit, les hommes et les femmes mangeaient et buvaient en silence.
Assise entre sa sœur Nabila, arrivée au cours de la semaine de Nice, et Tassaâdit, l'aînée des sœurs de son défunt mari qui ne cessait de lui parler à voix basse et de lui tapoter par instants la main ou l'épaule, Fadhéla ne cessait à son tour de hocher la tête pour saluer et se forcer à sourire tristement aux uns et aux autres. Lorsqu'on passa à l'entrée, du homard aux poires, certains convives avaient marqué un temps d'arrêt en se regardant les uns les autres. En fins gourmets, sachant apprécier la bonne cuisine, ils mangeaient lentement en se délectant de chaque bouchée. Assise au milieu de l'autre aile de la table avec sa sœur Sonia, Selma regarda sa mère. Elle ressentit subitement pour elle une grande tendresse, un flot d'admiration en songeant qu'elle s'efforçait de donner d'elle-même l'image que son défunt père aurait aimé qu'elle donne de leur famille. Avec sa robe noire en dentelles et son chapeau à larges bords qui lui cachait une partie du visage, elle entrait parfaitement dans le rôle de son nouveau personnage. Plusieurs convives n'avaient d'yeux que pour elle. A son tour, dès que leurs regards s'étaient croisés, la jeune fille adressa à sa mère un sourire plein d'encouragements. Cela sembla lui faire plaisir. Arrivés au plat de résistance, du filet de veau aux amandes et croquettes de pommes, tous ceux parmi les convives qui en doutaient encore furent convaincus cette fois qu'ils n'étaient pas là juste pour un repas quelconque mais que c'était à un véritable «festin» qu'ils avaient été conviés. Même les femmes qui surveillaient leur ligne s'étaient laissées tenter par ces mets délicats dont l'odeur fine et suave leur chatouillait les narines jusqu'à en avoir l'eau à la bouche. De nouveau le silence s'était établi et les convives mangeaient et buvaient en silence, se délectant de chaque bouchée de viande, de chaque gorgée de ces veloutés venus des hautes plaines de l'ouest du pays ou de ces petits coteaux qui cernaient de toute part la Mitidja.
Un bon moment après, alors qu'on servait déjà de grandes assiettes d'assortiment de fromages, un convive puis plusieurs autres cherchèrent du regard la maîtresse de maison sans doute pour la remercier de ces moments privilégiés. Cela alla droit au cœur de Fadhéla qui répondit par des hochements de tête et de petits sourires aux uns et aux autres.
Malgré les quelques appréhensions qu'avaient les deux femmes sur le temps que prendrait ce repas, tout semblait se dérouler dans les délais. Il n'était que quinze heures et les convives semblaient bien se plaire autour de cette table sous la treille. Sur un signe de Fadhéla, Zahia lança le dessert, de grandes coupes de glace aux fruits, fait maison, qui soulevèrent aussitôt des murmures de compliments et d'éloges.


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