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Es-salef et el-khalef : la grande équivoque ! (2e partie et fin)
Publié dans Le Soir d'Algérie le 03 - 06 - 2015


Par Zineddine Sekfali
Le courant mutazilite, ses heurs et malheurs
Le mutazilisme est l'école de la logique et de la raison. Cette école affirme notamment que le libre arbitre de l'homme n'est pas incompatible ni avec l'omniscience ni avec l'omnipotence de Dieu. Pour cette école philosophique fondée par des musulmans profondément croyants, l'homme est l'auteur de ses actes ; il en est donc seul responsable. Ils le démontrent en recourant au raisonnement logique. Mais ils peuvent invoquer à l'appui de leur démonstration et argumentation philosophiques plusieurs dispositions coraniques qui appellent le croyant à la raison. La notion de aaql et l'expression af la taaqiloun sont en effet très nombreuses dans le Coran, tout comme les phrases qui proclament la responsabilité de l'individu, telle que celle-ci par notamment : «Celui qui a fait un atome de bien, le verra/Celui qui a fait un atome de mal, le verra (S. 99 v. 7 et 8). Le mutazilisme a été, sous le khalife abbasside Al Mamoun et trois de ses successeurs, la doctrine théologique officielle de l'Etat. Rappelons ici les réalisations culturelles et scientifiques d'Al Mamoun, en l'occurrence : Dar el Hikma, la riche bibliothèque y attenante, et l'Observatoire d'astronomie de Bagdad. C'est au XIe siècle qu'Al Ghazali (1058-1111), immense philosophe, théologien et soufi, a écrit Tahafut al falasifa, pour réfuter, de la façon la plus académique et sans recourir à l'insulte et à l'anathème, les idées développées et les thèses soutenues par le courant de pensée mutazilite, mouvement hautement intellectuel, auquel ont appartenu plusieurs savants dont notamment Ibn Sina et les deux Andalous, Ibn Tofail et son disciple et néanmoins ami, Ibn Rochd. C'est du reste ce dernier qui apporta la contradiction à Al Ghazali, dans une œuvre magistrale, intitulée d'une façon géniale : Tahafut at-Tahafut traduit en français par «L'effondrement de l'effondrement». Indiquons ici qu'Ibn Rochd, symbole et modèle de l'intellectuel arabo-musulman, fut persécuté par les gardiens almohades du dogme et les fouqaha du malékisme qui se sont autoproclamés détenteurs exclusifs de la Vérité. Ibn Rochd fut, à leur instigation, expulsé d'Andalousie et mourut en exil à Marrakech. Selon Ibn Arabi, il a été enterré en Andalousie, pays où il est né. Rappelons aussi qu'Al Ghazali critiquait la stérilité de la scolastique et la morne sècheresse de la casuistique des fouqaha de l'école malékite, dont les disciples d'aujourd'hui ont une tendance pavlovienne — si j'ose dire — à suspecter de bid'aa et à traiter d'hérésie tout effort intellectuel qui sort des sentiers battus qu'ils ont tracés. Ils prétendent pratiquer l'ijtihad alors qu'ils ne font en vérité que du taqlid, c'est-à-dire de l'imitation aveugle, et la répétition ad vitam æternam de doctrines et de jurisprudences déconnectées des réalités sociales.
Du malékisme en Algérie : exemples concrets de dérives intégristes
Je citerais pour illustrer le conservatisme dans lequel se sont enfoncés les fouqaha de l'école malékite le Mukhtassar de Khalil, une sorte de codification ou de code. Il est l'œuvre d'un imam et faqih égyptien du XIVe siècle, vénéré comme un «saint» en Algérie au point où on l'appelle encore aujourd'hui Sidi Khalil. Il était sunnite et appartenait au madhab malékite. On peut lire dans l'article 1385 de son code, qu'il faut, entre autres conditions pour devenir juge, être de sexe masculin. Le texte de Sidi Khalil, livre de chevet de tout étudiant en droit musulman, a été réédité en 2011 par notre Haut-Conseil islamique. Il est évident que la disposition de l'article 1385 de ce code très ancien est caduque. Tout le monde sait en effet que le corps de la magistrature algérienne compte actuellement entre 25 à 30% de femmes ! Ce texte est, me semble-t-il, l'exemple type du texte législatif ou jurisprudentiel, qui tourne le dos à la réalité et que la société qu'il est supposé régir a décidé de laisser «en rade» en passant outre ses prescriptions. Ce «code» a donc un besoin pressant de toilettage, sinon de réécriture avec des mises à jour, des bas de page contenant des notes interprétatives ou critiques... Pour en finir avec Ibn Taymiyya que j'ai déjà cité et dont les thèses jouiraient d'une grande popularité en Algérie, notons que ce faqih a récusé et combattu tout le monde : l'asharisme, le soufisme, le mutazilisme, Ibn Arabi et Al Ghazali... A ses yeux, tous sont dans l'erreur et pas loin d'être des hérétiques, sauf lui, bien entendu ! Sa postérité est assurée par une multitude de prédicateurs, dont le célèbre Cheikh Al Albani mort en 1999, que Dieu ait son âme. Les cassettes audio de ce prédicateur circuleraient partout ; il continuerait, croit-on savoir, à exercer sur ses auditeurs une véritable fascination hypnotique. Mais dans leur fond, ses prêches et fatwas sont des modèles de littéralisme obtus et de rigorisme étroit. Un exemple de cela, une fatwa qu'on trouve sur le web par laquelle il recommande à la femme musulmane de se couvrir de la tête aux pieds, afin d'éviter chez l'homme, je cite : «l'excitation des désirs charnels», «la tentation», «l'incitation à la perversion». Trop, c'est trop : il y a en effet dans ces expressions des signes évidents de misogynie, de sexisme, mais aussi de frustration et des fantasmes. Le plus désolant est que cet homme ait osé, pour les besoins de sa démonstration, parler des femmes du Prophète (QSSSL). Quelle outrecuidance ! Cheikh Al Albani — qu'Allah lui pardonne — aurait-il supporté que quelqu'un, fut-il le plus distingué des imams prédicateurs, utilisât les mêmes mots que ci-dessus pour justifier les raisons pour lesquelles son épouse, ses filles ou ses sœurs se couvrent de la tête aux pieds ? Ces genres de fatwas sexistes peuvent expliquer qu'une haute autorité universitaire ait pu récemment déclarer qu'elle s'en était remise, pour juger du degré de pudeur ou d'impudeur des jupes des femmes algériennes, aux agents de sécurité des établissements universitaires. L'un des agents de sécurité de l'université d'Alger, agissant, dit-il, en exécution des instructions du rectorat, a gravement humilié une jeune dame universitaire qui était accompagnée, il faut le souligner, de son époux. Sous prétexte que les chastes yeux de cet employé subalterne ne sauraient voir de jupe courte, l'accès à l'administration a été refusé à cette dame honorable. Pis encore, l'agent en question a intimé à cette dame qui sera peut-être bientôt avocate d'aller se rhabiller. Même le FIS, quand il était aux affaires, ne s'est pas permis, que je sache, de telles excentricités, lui qui cependant espérait nous faire porter, à nous les hommes, des «tenues islamiques» et avait instauré dans les APC qu'il tenait deux types de guichets, en fonction du sexe des citoyens et administrés ! Il s'en est fallu de peu qu'il n'instaurât comme dans les pays qui pratiquent l'apartheid entre les Blancs et les Noirs des autobus réservés aux femmes et d'autres pour les hommes... Mais pour en revenir à l'acte choquant commis par ce désormais célèbre agent de sécurité de l'université d'Alger, rappelons que cet acte, qu'il ait été commis sur instruction de son chef ou pas nous importe peu, est un méprisable double affront fait à une femme de niveau universitaire et à son mari qui l'accompagnait ! On aura décidément tout vu dans ce pays, car tout, hélas, s'est inversé dans nos malheureux cerveaux d'Algériens. Les femmes agressées et humiliées sont considérées comme coupables d'outrage à la pudeur, voire d'attentat aux mœurs, et ceux qui les agressent, les frappent et les humilient passent pour des justiciers et les gardiens de la vertu ! Ne doit-on pas se poser la question suivante : n'est-ce pas les fatwas d'Al Albani et de ses semblables, qui, revenant comme des antiennes dans les vidéos, les prêches du vendredi et les fatwas des médias, ont transformé nos adolescents en animaux en rut, puisqu'on a pu récemment voir sur le Net des jeunes sauvageons agresser publiquement de jeunes femmes et déshabiller l'une d'elles dans une rue de la capitale, en plein jour, devant des badauds amorphes. De plus, puis qu'on semble faire de l'habillement des femmes un abcès de fixation dans les débats religieux, les prêches du vendredi et les fatwas cathodiques, qu'on nous explique pourquoi les Algériennes qui ne portaient ni hidjab, ni khimar, ni voile dit «islamique», il y a vingt-cinq à trente ans, n'étaient pas agressées dans la rue par des obsédés sexuels ? Car n'en déplaise aux «prêcheurs» en eau trouble, la sécurité régnait, et les attentats aux bonnes mœurs ainsi que les outrages publics à la pudeur étaient rarissimes et quand il s'en produisait, les auteurs et complices étaient sévèrement punis. Personne n'avait l'audace ni de justifier leur comportement de délinquants ni de leur reconnaître la moindre circonstance atténuante. J'ai lu aussi sur internet, pour m'informer sur ce qui se trame dans «l'underground» de notre société, le «verbatim» d'une autre consultation donnée par le cheikh Al Albani à un croyant pris de doute à propos de la licéité des violences commises sous prétexte de djihad. Le Cheikh a beaucoup louvoyé et en fin de compte esquivé le fond du problème. Je n'ai pas lu en effet une seule fois dans cet entretien un seul mot à propos de la différence fondamentale qui existe entre le djihad et la fitna – plus dévastatrice que la guerre, est-il dit dans le Coran, au moins à deux reprises —, ni une seule mise en garde contre les assassinats que Dieu punit avec la plus extrême sévérité (S 3-v 93), ni contre les attentatssuicides, sachant que le suicide est formellement condamné par Dieu, ni contre les autres atrocités et carnages qui se commettent, sous prétexte de djihad. La seule chose que ce cheikh voulait faire passer à travers sa fetwa-entretien, c'était, me semble-t-il, ce message : le djihad doit être collectif, organisé, et dirigé par un chef unique, qu'on le nomme émir ou khalife ! On comprendra qu'il y ait encore beaucoup de gens qui préfèrent être musulmans avec Al Afghani, Abdou, Ben Badis et leurs illustres prédécesseurs les savants de l'Âge d'or et du courant mutazilite, qu'avec Ibn Taymiya ou Al Albani, ou les prédicateurs de la mouvance wahabbite ou avec les autres prétendus rigoristes qui ne sont, en vérité, que des intégristes.
De quelques réformateurs et de leurs idées
C'est tardivement, vers la fin du XIXe siècle, que s'est amorcé dans deux à trois pays du monde arabo-islamique un mouvement dédié à la renaissance de ce monde. Formé à ses débuts d'une poignée d'intellectuels, ce mouvement, issu spontanément de ce que l'on appelle aujourd'hui la société civile, était libre de toute tutelle politique ou administrative. Il avait pour leader éclairé Djamel Eddine Al Afghani (1838-1897), originaire, comme son nom l'indique, d'Afghanistan alors sous occupation britannique et aujourd'hui malheureusement sous la terreur des Talibans. Al Afghani fut enseignant à Istanbul qu'il quitta rapidement suite aux pressions exercées contre lui par les religieux turcs, connus pour aimer coiffer de gros turbans, puis au Caire. L'Egyptien Mohamed Abdou (1848-1905) était son plus proche collaborateur. Tous les deux se reconnaissaient dans les idées du mouvement mutazilite. Ensemble, ils formèrent des cercles de formation où les gens venaient débattre de questions religieuses, philosophiques, scientifiques, culturelles ou politiques, et s'instruire. Ayant fait l'objet de pressions de la part des occupants britanniques aux yeux desquels ils étaient suspects et des religieux égyptiens conservateurs, ils quittèrent Le Caire pour Paris. Ils y fondèrent en 1884 la revue El ‘Orwa al Wothqa qu'on traduit par Le lien indissoluble, et qui leur permettait, en bons communicateurs, de diffuser leurs thèses et leurs messages en direction des intellectuels arabes du Machreq et du Maghreb (Abdou a visité l'Algérie), avec pour objectif d'atteindre à travers eux les masses populaires. Pour ces deux grands intellectuels musulmans, la renaissance du monde arabo-islamique et sa modernisation passent nécessairement par : l'affirmation du rôle de la raison comme guide de la foi, une large ouverture aux sciences modernes, la relance de l'ijtihad, la lutte contre la superstition, une réforme de la langue arabe, la réforme de l' école, la réforme de l'Etat, l'adoption d'un régime parlementaire, possibilité ouverte par le principe coranique de la choura, la réforme de la justice, la promotion de la femme.
Ils appelaient également à l'unité de l'Oumma et prônaient sinon l'unité entre le sunnisme et le chiisme, du moins une sorte d'œcuménisme entre ces deux branches de l'islam, par l'organisation d'échanges et de consultations, la pratique du dialogue, l'instauration de relations sereines et pacifiées. Ils étaient bien évidemment hostiles à la présence étrangère dans leurs pays respectifs et revendiquaient le départ des occupants. Al Afghani, informé des médisances sur l'islam proférées par Ernest Renan, lors d'un cours donné au Collège de France, lui répliqua en lui rappelant dans un long article publié dans Le Journal des Débats, ce que fut, aux plans intellectuel, scientifique et culturel l'Âge d'or du monde arabo-islamique. Ernest Renan avait dit entre autres inepties : «L'islam est le dédain de la science, la suppression de la société civile ; c'est l'épouvantable simplicité de l'esprit sémitique, rétrécissant le cerveau humain, le fermant à toute idée délicate, à tout sentiment fin, à toute recherche rationnelle...» Apparemment, E. Renan était mal informé sur l'apport des savants musulmans des siècles précédents à la science universelle. Al Afghani est mort à Istanbul et y est enterré. Mohamed Abdou, de retour dans son pays en 1884, devint cadi, puis mufti d'Egypte. Son influence fut importante sur l'évolution de l'Egypte. On doit noter ici qu'il était, en tant qu'homme de religion, hostile à la polygamie et qu'il prit une fetwa déclarant licite les dépôts d'argent effectués auprès des caisses d'épargne qui rémunèrent les dépôts. On sait qu'il aimait dire : l'islam est venu pour libérer la raison, non pour la rejeter ou l'entraver ! En Algérie, le chef de file du courant réformiste a été, sans contestation aucune, Abdelhamid Ben Badis, né en 1889 à Constantine et mort prématurément, à l'âge de 51 ans, dans la même ville. Il a créé plusieurs écoles à travers le territoire national ; on y enseignait, à côté de la religion, la littérature, l'histoire et la géographie. Il recommandait la scolarisation des filles. Il a permis la mixité scolaire. Il a lutté contre le maraboutisme, forme dégradée du soufisme contre la superstition et de manière générale contre le conservatisme et son alter ego, l'obscurantisme. Il a édité au moins quatre journaux dont Ech-Chihab et El Baçair, et créé pour ce faire une imprimerie et une maison d'édition, sans solliciter aucune subvention publique. Il a fondé l'Association des oulémas en 1931, et créé le Congrès musulman algérien en 1936. Il a aussi favorisé la création d'associations culturelles, le scoutisme et participé, si mes renseignements sont exacts, à la formation d'un club de football, le MOC. De nos jours, il semble qu'on insiste plus sur son nationalisme que sur les réformes importantes qu'il préconisait. Cette lourde insistance sur son nationalisme dont au demeurant personne n'a vraiment jamais douté, n'était-elle pas une façon de minimiser son réformisme qui dérangeait et dérange toujours les conservateurs et tous ceux qui appartiennent au courant intégriste et obscurantiste ? C'est plus que probable ! On répète à l'envi sa fameuse phrase, «L'Algérie est mon pays, l'arabe ma langue et l'islam ma religion » , prononcée dans un contexte historique précis, et par laquelle il mettait en garde contre la politique de la puissance coloniale qui «divise pour régner» et n'assimile que pour acculturer. Mais on passe sous silence son attachement à son «amazighité», lui qui tenait à ce qu'on l'appelât aussi Es-Sanhadji. On oublie souvent (intentionnellement ?) de citer cette profession de foi qu'il a écrite dans le mensuel Ech Chihab de mai 1931, où il affirmait : «L'islam a libéré l'intelligence de toutes les croyances fondées sur l'autorité. Il lui a rendu sa complète souveraineté dans laquelle elle doit tout régler par son jugement et sa sagesse... En cas de conflit entre la Raison et la Tradition, c'est à la Raison qu'il appartient de décider.» On croirait lire Mohamed Abdou, Al Afghani et les philosophes mutazilites de l'Âge d'or de la civilisation arabo-islamique ! Et on comprend que cette profession de foi ait déplu et déplaise encore à tous ceux qui en Algérie sont attirés par le wahabbisme. On dit, du reste, que certains obscurantistes se sont bien gaussés des péripéties arrivées le jour de l'inauguration, à Constantine, de l'année de la culture arabe, à la statue de Ben Badis, à côté de laquelle de jeunes inconscients se photographiaient dans des poses ridicules. La statue a été rapidement déboulonnée et c'est tant mieux ! L'illustre Cheikh méritait un meilleur hommage que cette statue de très mauvais goût. A sa mort, ses plus proches compagnons ont repris le flambeau de la Renaissance. Mais l'histoire s'est accélérée en mai 1945 et repartit de plus belle le 1er Novembre 1954. Puis il y a eu la proclamation de l'Indépendance, suivie de la mise sur pied d'un Etat. Il s'ensuivit des crises politiques, des divisions idéologiques, des violences graves. En ces années-là, les évènements se bousculaient et les priorités changeaient vite et souvent. En conséquence, la renaissance et les réformes, au sens donné à ces deux concepts par Al Afghani, Abdou, Benbadis et ses fidèles disciples, étaient chaque fois renvoyées sine die.
Conclusion
Aujourd'hui, compte tenu des nombreuses et graves dérives constatées, il y a nécessité urgente de relancer dans ce pays le processus des réformes de fond et d''insuffler à la société algérienne la dynamique du progrès. Cette relance doit partir de l'école et de la mosquée. L'école doit produire des «têtes bien faites». La mosquée, lieu du culte par définition, doit redevenir un foyer de savoir, de culture, de civilisation, de tolérance ; on doit éviter qu'elle ne soit transformée en tribune politique. Cela n'est pas sa vocation.


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