Raconter l'histoire locale des lieux, tel est le projet aux ambitions passionnantes qu'entreprend de réaliser l'auteur Ahmed Karim Labeche, depuis 2010, à travers des haltes dans le Sahel algérois, via des monographies illustrées, dédiées tour à tour aux villes de la proche banlieue d'Alger ou fahs. Grâce à un long travail de recherches menées au contact des habitants de la banlieue et après avoir fureté un riche fonds documentaire, l'auteur convoque, dans sa série d'ouvrages, le patrimoine bâti des villes, les premiers habitants, l'origine de leurs noms, leur fondation et leur métamorphose, les quartiers qui s'y sont développés, les routes qui parcourent leurs territoires, les ruisseaux et les fontaines qui arrosent les djenans, les qoubbas de marabouts vénérables, les vestiges insoupçonnés de la civilisation romaine, les haouchs et les bordjs turcs.Il entame son corpus par l'histoire de la ville de Chéraga, racontée dans un ouvrage intitulé Chéraga, une banlieue d'Alger, paru en juillet 2012. L'auteur nous y propose une virée rétrospective dans cette commune du fahs algérois, aux origines campagnardes, érigée en 1842 sur le champ de bataille de Sidi Khalef (24 juin 1830), par des colons spécialisés dans la culture des plantes à parfum, venus de la ville de Grasse (Alpes-Maritimes). Le grand saut dans le passé se poursuit dans les villages de Dély Ibrahim, Douéra, Mahelma, Souidania, et Rahmania, à travers un ouvrage intitulé Villages et haouchs du Sahel algérois, édité en juillet 2012. L'écrivain nous révèle ici la transformation des haouchs en villages, tels que Dély Ibrahim, considéré comme étant le premier village d'Algérie, bâti en 1832. Entre autres anecdotes passionnantes, on y découvre par ailleurs l'étrange destinée d'une fille d'un colon de Dély Ibrahim, qui était devenue sultane du Maroc. Sorti en avril 2013, Monographies III est le nom du troisième livre qui se compose de cinq monographies, consacrées aux communes de Draria, Baba Hassen, Ouled Fayet, Khraicia, et El Achour. Hormis le souvenir des stations romaines et des haouchs mauresques ayant autrefois laissé place aux villages coloniaux, on y dévoile les conditions de mise en application, au lendemain de la chute du traité de la Tafna, de ce grand projet colonial qui consistait à faire ériger dans l'Algérois des agglomérations toutes rapprochées les unes des autres, afin que les migrants amenés d'Europe puissent se protéger des attaques des tribus révoltées. Monographies IV, publié en septembre 2013, est également une balade via cinq brèves monographiques, où le lecteur a la possibilité de remonter le temps et revisiter une à une les villes de Koléa, Douaouda, Douaouda Marine, Fouka, et Fouka Marine. Le plaisir de la découverte est à chaque instant renouvelé, grâce à des scènes et des faits restés jusqu'ici méconnus du grand public. Djenayen Ness El Fahs ou les jardins des gens de la banlieue est le titre du cinquième ouvrage, paru en juillet 2014. Celui-ci se veut un voyage dans le temps, le lecteur est transporté dans des lieux qui ont aujourd'hui perdu leur vocation de villégiature, à l'instar d'El Biar, Hydra, et Ben Aknoun, là où des personnages de la haute société d'alors aspiraient à une vie de luxe dans des résidences princières rehaussées d'un style mauresque, et dont les murs disparaissaient sous une riche végétation, tels Djenan Er-Raïs H'midou, ou Djenan Amine Es-Sekka. Hormis ces sites enchanteurs, l'auteur évoque les tribus arrivées de l'Andalousie après la chute du dernier émirat de Grenade, ainsi que la bataille d'El Biar qui s'est achevée dans la forteresse de bordj Mouley Hassen (Fort l'empereur) au quartier les Tagarins. Bordj Erriah ou la citadelle éventée, dernier-né des ouvrages, livré le 31 juillet 2015, est une invitation à un voyage dans le passé campagnard de Bouzaréah. On y découvre comment cette ville perchée sur son promontoire a pu, au temps des deys, exercer son pouvoir d'attraction sur les hommes, au point de devenir un quartier consulaire des plus privilégiés dans tous le fahs algérois.