Youcef Merahi [email protected] Pour cette semaine, je vais tenter d'être positif, jusqu'à la prochaine chronique. Même si les internautes font grise mine, je vais de mon côté pêcher, ici et là, dans mes journaux préférés, quelques bonnes nouvelles, pour tenir le coup. Le bateau qui doit réparer le fameux câble qui a cassé en mer est sur site ; il assure la réparation. Dans pas très longtemps, les amoureux du virtuel peuvent à nouveau surfer sur l'impalpable et échafauder les rêves les plus fous. Mieux encore, on nous dit qu'un second câble reliera l'Algérie et l'Espagne, à toutes fins utiles. Au cas de casse, une ancre de bateau qui entortillera notre propension au surf, par exemple, nos internautes auront une voie de secours. De recours. En voilà une nouvelle qui est bonne ! Puis, si la réparation prend du temps, c'est simple, il faut recourir à la bonne vieille méthode de la lecture : ça fait passer le temps, ça instruit, ça éveille, ça n'abrutit pas, ça «n'addicte» pas, ça sert d'ami et ça fait tourner la turbine du cerveau. Restons avec les livres, même si certains ont de l'urticaire quand on leur parle de cet anachronisme. Le Sila, vingtième du nombre, est à portée de main. D'yeux. De curiosité. Et, pourquoi pas, à portée de portefeuille pour les avides de la feuille et de l'encre. N'est-ce pas une bonne nouvelle ? Un salon du livre ! Ouais, on peut s'offrir le dernier roman de tel ou tel écrivain, mieux encore, en bonus, on peut s'offrir une dédicace. Je vois d'ici certains aigris me dire, l'index en érection, le Sila ne fait pas la culture. Il n'est qu'une hirondelle qui n'arrivera jamais à faire le printemps de la culture algérienne. S'il ne fait pas la culture (pardon pour la répétition !), le Sila fait néanmoins la lecture. En ce qui me concerne, boulimique de livres, je vais me régaler. J'ai déjà en tête une série de titres que je m'offrirai avec joie. Alors, fi aux aigris de la caboche ! Restez chez vous, laissez les amoureux du livre arpenter les allées du salon. En voilà une nouvelle qui est bonne : la JSK a enfin gagné son match. Hourra ! Voilà une info qui ravit les fans de ce club. Y compris l'opposition ! Oui, oui, il y a une opposition ; elle n'est pas politique, me semble-t-il ; elle est footballistique. Ça fait des lustres que la JSK change en bloc ses éléments, à la fin de chaque saison, cherchant l'équipe idéale qui fera renaître la JET Turbo ; c'est une manière comme une autre de courir après le résultat. Enfin ! La JSK a gagné par quatre buts, c'est magnifique. Je suis aux anges, réellement. Ça fait longtemps que ça ne m'est pas arrivé. Je regrette d'avoir loupé le match. Même si je sais que je ne reverrai jamais les boulets de canon de Ouahabi, ni les dribbles déroutants de Khalfi, ni la solidité de Haouchine, ni l'engagement de Djezzar et de Zeghdoud, ni... ni... ni... Voilà que je me mets à parler d'un «temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître». Autre temps, autres mœurs ! La JSK a empoché le gain de la victoire ; ça suffit à mon bonheur ! Je ne peux pas passer sous silence la joie de revoir la pluie, après une pénible canicule. Puis, la pluie est gage d'une bonne récolte. Puis, les nappes phréatiques vont se réapprovisionner. Puis, les barrages vont se remplir, à nouveau. Puis, on aura de l'eau pour l'été prochain, sans coupures intempestives, nchallah ! Les fellahs ont le sourire, les maires, aussi. La joie aura été totale si les avaloirs d'eau sont curés régulièrement, pour éviter des désagréments aux citoyens. Je ne veux pas assombrir l'événement, la pluie est là, c'est ce qui compte. C'est une bonne nouvelle, pardi ! Le patron du FLN, Saâdani Ammar, souhaite ériger un nouveau front, élargi celui-là à tous ceux qui veulent défendre le programme du Président. Il pousse son allégresse très loin, il demande à l'opposition de rentrer dans les rangs et de faire front commun avec le Front. Puis, il énumère les réalisations du Président, comme si c'était un cadeau aux Algériens. Au peuple, quoi ! Le logement. La paix. Les routes. La construction des universités. La diplomatie... En voilà une nouvelle qui est bonne ! Faut-il qu'on dise «merci» ? Je crois qu'il a été élu, n'est-ce pas Monsieur Saâdani, pour ça, non ? Je veux rester positif, coûte que coûte. Ce front élargi m'intéresse beaucoup : allez les partis de l'opposition, faites la queue et portez-vous sur la liste pour que l'applaudimètre résonne comme un tambour au cuir bien rodé. Ressuscitons le parti unique ! Et vive la Révolution ! Et s'il y a quelqu'un qui tousse dans les rangs, qu'il attende 2019 ! Ou qu'il la ferme, à jamais. Je suis même capable de dire que si la pluie a inondé notre ciel, c'est que le Président... Pas à ce point, tout de même ! Ici, je «tiens mon septième». Notre ministre de l'Intérieur, Nouredine Bédoui, a quintuplé ma joie. Sérieux, les amis, je ne raconte pas des histoires ; ma langue n'est pas fourchue. Hugh, j'ai dit ! Il me rassure que ma vie privée n'est pas en danger d'espionnite. Ouf, j'ai eu un moment peur. J'ai eu peur qu'on sache que je suis téléphage, insomniaque, à la limite du somnambulisme (mon toubib le confirmera, j'espère), boulimique de lecture et, à mes heures perdues, je taquine la muse, en vrai et au figuré. J'ai même failli acheter des vitres dépolies pour éviter le coup d'œil de trop. Ma vie privée est protégée par la Constitution et la législation. En voilà une nouvelle qui est bonne ! Pris par mon euphorie du moment, j'applaudis les caméras citadines qui vont surveiller les piétons qui ne respecteront pas les passages cloutés. Ouais, super ! Merci, Monsieur le Ministre, donnez-nous encore de bonnes nouvelles, pour la semaine à venir. Et restez vous-même ! Je refuse qu'on me saisisse, à travers mon mail, et qu'on me porte la contradiction. L'Algérie va bien, il n'y a pas à en douter. J'ai donné quelques échantillons probants de sa bonne santé. Bien qu'il y ait quelque chose qui me turlupine : c'est quoi ce «front élargi» ? Un nouveau parti ? Ou un gouvernement fantôme ? On risque d'avoir deux gouvernements ! O la bonne nouvelle ! «Tout va bien, madame la marquise...», dit la chanson.
