Par Malika Boussouf [email protected] Il est des jours comme ça où les choses, quand elles vous reviennent en mémoire à l'occasion d'une rencontre inattendue, sont aussi violentes que lorsque vous les avez vécues près de vingt ans auparavant. Ils n'ont pas tort ceux qui disent du monde qu'il est petit et qu'Alger est, en fin de compte, un tout petit village. Il y a deux jours de cela, en fin d'après- midi, alors que je rentrais chez moi, j'ai failli m'évanouir tandis qu'une main, derrière moi, me pressait légèrement l'épaule. Depuis les terribles évènements qui ont pilonné notre quotidien durant la décennie noire, lequel d'entre nous ne se fige pas, lorsque quelqu'un qu'il ne connaît pas s'approche de lui ? Lequel d'entre nous ne sent pas son cœur s'emballer, ne se sent pas défaillir, avant de réaliser qu'il est en 2016 et que rien d'aussi effroyable ne lui arrivera plus jamais ? Personnellement, j'en suis encore là ! Je me retourne légèrement et je fronce les sourcils, pour signifier à la femme qui me fait face, que je ne comprends pas son geste. Le regard bienveillant, la dame, gênée, me rassure sur ses intentions, tout en s'étonnant que je ne la reconnaisse pas. Je secoue légèrement la tête mais je n'ose pas un «non» catégorique parce que quelque part en moi, une petite voix me dit que cette rencontre n'est pas le fait du hasard. Lorsque cette dernière prononce le mot «Bentalha», j'ai le sentiment brutal que tout vole en éclats. Je suffoque tandis que des sanglots me secouent la poitrine et que mon ventre se tord de douleur. Sur le visage d'en face, soudain fermé, des larmes coulent abondamment et brouillent le regard. Le mal est encore là, sournoisement blotti quelque part. Je ne sais toujours pas qui est la jeune femme, sauf qu'elle est de ce triste village où je m'étais rendue en mai 1998. Au Soir d'Algérie, nous avions décidé de monter un dossier sur les enfants victimes du terrorisme. Je me souviens en avoir perdu le sommeil pendant plusieurs jours. Lorsqu'elle m'a rappelé qui elle était et raconté comment les choses avaient évolué pour elle, je lui ai demandé la permission de raconter son histoire. Nous l'appellerons Naziha !