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LITTERATURE MAGHREBINE
Apulée, l'enfant de M'daourouch
Publié dans Le Soir d'Algérie le 11 - 05 - 2016

Des historiens ont écrit abondamment sur le passé de l'Algérie (Maghreb central) qui a subi la latinité plus de cinq siècles, mais ils ont totalement ignoré le domaine des lettres.
Alors que les langues du monde ancien bourgeonnaient et s'imposaient, les Imazighen n'ont pas réussi à jeter les bases d'une littérature écrite, mais ils nous ont légué une orale très riche : contes, légendes, poèmes, chants.
Les conquêtes successives, si nombreuses, ne leur ont guère donné le répit nécessaire pour développer le tifinagh, caractères berbères dont la codification est attribuée par certains historiens à Massinissa. Le passage à la langue de l'autre, du punique des Phéniciens au latin des Romains, en passant par le grec, caractérisait la culture de cette époque.
Que le grec et le latin aient véhiculé l'essentiel de la pensée humaine à ces temps-là n'a pas empêché l'homme de lettres algérien de faire preuve de son génie créateur, par le truchement de la langue de l'occupant, à travers des œuvres dont l'originalité ne s'est pas démentie, qu'il s'agisse de L'Ane d'or d'Apulée de Madaure, des Astronomiques de Manilius, de l'Abrégé de 700 ans de guerre de Florus et, bien sûr, de la somme du grand saint Augustin, maître de la pensée scolastique du Haut Moyen-Age.
Tous ces auteurs ont néanmoins été récupérés par les autres sphères culturelles, et il serait grand temps de les rapatrier afin de remembrer l'histoire de la littérature algérienne.
Il conviendra aussi de régénérer le legs culturel oral qui appartient au fonds commun de tout le Maghreb pour le mettre à la portée des jeunes générations.
Nous ne connaissons la vie d'Apulée, l'enfant de M'daourouch, ex-Madaure, que par ses confidences. Il naquit vers 125 après J.-C. à Madaure, petite ville située non loin de Souk Ahras (ex-Thagaste), ville qui a vu naître aussi une sommité de la pensée scolastique : Aurèle Augustin, sacré saint Augustin.
Apulée avait un père qui comptait parmi les notables de Madaure.
Carthage, redevenue capitale, enrichie par son commerce et les produits d'un sol fertile, rivalisait avec Rome dans l'amour des arts et des lettres : «Carthage, muse céleste de l'Afrique, Camène d'un peuple qui porte la toge.»
Son parcours
Le jeune homme fit donc ses premières études dans cette «école vénérable de la province». Puis, selon l'usage des jeunes gens désireux de parfaire leur éducation, il partit pour la Grèce, puis pour Rome.
Si celle-ci ne doit qu'à elle-même le développement de son imagination politique, elle doit à l'influence grecque son éveil à la culture et les premières manifestations valables de son existence littéraire.
Tout ce que nous soupçonnons de ses origines intellectuelles, chants religieux, nuptiaux ou funéraires, éloges héroïques, actes et discours juridiques, tendances au drame d'origine rituelle ou populaire, fut de très bonne heure recouvert et transfiguré par l'apport hellénique.
Les Romains, nourris de lettres grecques, admirateurs des Grecs dans tous les domaines de la pensée, furent des orateurs, philosophes, rhéteurs, épistoliers, hommes politiques et poètes.
Ils assimilèrent et renouvelèrent le meilleur de la pensée grccque. Apulée séjourna à Rome plusieurs années. Il devint maître des deux langues au point de les manier l'une et l'autre en vers comme en prose avec la même maîtrise. Mais ce n'était pas seulement la littérature qui l'attirait. Son esprit avide de tout savoir était porté vers les sciences, la philosophie, la religion, le mystère.
Qui pouvait mieux qu'Athènes satisfaire ses curiosités ? La Grèce est pensée comme «Antiquité», admirée comme telle, elle continuera de l'être aux temps de la Grèce romaine et de la Grèce byzantine.
Les Grecs savent parler, ils sont les maîtres et toutes les gloires de leur pays doivent beaucoup, trop peut-être, à la littérature: grâce au talent des écrivains qu'elle a produits, Athènes a vu ses exploits célébrés dans tout l'univers comme les plus éclatants.
Le mérite de ses héros paraît d'autant plus grand qu'il a rencontré de plus habiles panégyristes. Athéniens et Romains sont représentés d'une manière si ingénument anachronique comme des clercs et des chevaliers : Athènes pleine de clergie et Rome de chevalerie...
Apulée disait : «Pour moi, voici les coupes auxquelles j'ai bu : celle de la poésie, toute d'imagination, celle de la géométrie, à la clarté limpide, celle de la musique, faite de douceur, celle de la dialectique assez austère, mais surtout celle de la philosophie universelle, pleine d'un nectar inépuisable.»
Les écoles philosophiques y perpétuaient, en l'accommodant aux tendances du siècle, l'enseignement des grands maîtres, surtout Platon et Aristote ; Empédocle compose des poésies, Platon des dialogues, Socrate des hymnes, Epicharme des mimes, Xénophon des histoires, Cratès des satires ; Apulée pratique tous ces genres et cultive les neuf muses avec un zèle égal, et s'il a plus de bonne volonté que de moyens, il n'en mérite peut-être que plus d'éloges.
Ses œuvres
En dehors des ouvrages qui nous sont parvenus, L'Apologie, Les Métamorphoses, Les Florides, les traités sur Socrate, sur la doctrine de Platon, sur le monde, nous savons qu'il écrivit des poèmes, des discours, des «questions naturelles», des traités d'agriculture, de géométrie, d'astronomie, de politique, d'histoire, un autre sur les proverbes, Hermagoras, une traduction du Phédon, et j'en passe. Le temps, dans sa miséricorde, a fait disparaître toutes ses compilations. Il aurait pu anéantir sans grand dommage les trois traités philosophiques, qui n'ont plus d'intérêt que pour l'historien, pour ne laisser subsister que deux ouvrages qui assurent à notre auteur une place de choix parmi les écrivains latins : le plaidoyer qu'il prononça pour se défendre d'une accusation de magie, et son roman intitulé Les Métamorphoses ou L'Ane d'or.
On connaît le sujet : un jeune Grec, Lucius, descend chez un hôte dont la femme est une sorcière. Un jour qu'il la voit à l'aide d'une pommade se transformer en oiseau, l'envie lui prend de l'imiter. Mais la servante qui doit lui fournir la drogue se trompe de boîte; en fait d'oiseau, il n'y a plus qu'un âne à mentalité humaine, exposé à toutes les mésaventures qui peuvent attendre un baudet seul et sans maître, ayant d'autre part gardé conscience de l'horreur de son sort. Le voilà donc sur la route, capturé par des brigands, vendu à l'un, vendu à l'autre, plus souvent battu que choyé, servant chez un meunier, chez un boulanger, jusqu'au jour où la déesse Isis met fin à ses malheurs en lui faisant dévorer une botte de roses qui lui rend sa première forme.
Et le roman s'achève par un livre mystique dont le contraste, avec les précédents étonnerait plus un autre que Apulée.
Des récits de tout genre, pris sans doute à diverses sources, s'intercalent dans la principale trame, comiques tragiques, licencieux ; La Fontaine y a puisé le conte du cuvier, comme il avait emprunté à Pétrone le conte de la Matrone d'Ephèse. Mais le plus beau, le plus riche et qui assure à son auteur l'immortalité, c'est le conte de Amour de Psyché : «il était une fois un roi et une reine...».
Mais qui ne sait l'histoire de la pauvre Psyché, belle et pure entre toutes, victime de la jalousie de ses sœurs, victime de la colère de Vénus, victime aussi de sa curiosité qui lui enlève son ami au moment où sa lampe lui révèle les traits, condamnée à des épreuves dont elle triomphe grâce à des secours magiques et finalement, retrouvant dans l'Olympe son époux divin dont elle aura une fille.
Est-ce une simple fable, est-ce un récit chargé de symboles ?
Psyché est-elle la représentation de l'âme que souillent les contacts terrestres avant d'atteindre l'immortalité dans l'amour divin ?
C'est une belle histoire d'amour, et c'est à ce titre qu'on la lit encore et qu'elle a inspiré tant d'artistes.
La Fontaine en a tiré un roman, Molière, avec la collaboration de Corneille et de La Quinot, une tragédie-ballet où abondent les vers exquis : «Et je dirais que je vous aime, Seigneur, si je savais ce que c'est que d'aimer.»
Quant aux peintres, aux sculpteurs qui ont traité ce thème, ils sont légion. Prud'hon, dont le talent fait de grâce s'accordait si bien avec ses modèles, a peint délicieusement Psyché enlevée par les zéphyrs. On lira le conte d'Apulée tant qu'il y aura des âmes avides de merveilleux, et des cœurs sensibles à l'amour.
L'influence des cultes orientaux avait donné une vie nouvelle aux mystères éleusiniens; les mages hellénisés, venus de Perse par l'Egypte, répandaient leurs pratiques superstitieuses. Le monde gréco-romain était envahi par les astrologues et les thaumaturges.
Apulée se fit initier à de nombreux
cultes : il étudia les sciences naturelles, en même temps, il lut sans doute nombre de «fables milésiennes» avant-goût des Mille et une nuits qu'inspiraient le merveilleux, l'aventure et l'amour...
Apulée enseignant
Muni de cet imposant bagage, il eut le bon esprit de ne pas demeurer à Rome où la percée était plus laborieuse, et reprit le chemin de Carthage qui lui fit fête. Il enseignait depuis plusieurs années, quand, vers la trentaine, repris par son amour du voyage, il partit pour l'Egypte, dans l'espoir sans doute d'y découvrir l'inconnu.
En cours de route, il s'arrêta à Oca, l'actuelle Tripoli, où il épousa la mère de Pontianus. A cette époque, il rédigea Apologie ou La Magie, livre doublement précieux, document d'époque qui nous révèle l'extension de la croyance aux forces surnaturelles, document humain où Apulée nous apparaît avec tous les aspects de son talent, verve, facilité, amour de digression et d'amplification, esprit de répartie, subtilité dans la chicane, usage parfois abusif de toutes les ressources de la rhétorique, où il nous dévoile aussi tous les aspects de sa personne et de son caractère, un parfait contentement de soi et un cynisme ingénu.
Apulée, suivi de sa femme, reprit le chemin de Carthage.
La ville le combla d'honneurs, lui dressa des statues, fit de lui son grand prêtre, son orateur et son poète officiel.
S'il n'exerça pas de magistrature publique, c'est sans doute qu'il voulut garder jalousement le titre de «philosophe platonicien» qu'il s'était donné, et se consacrer tout entier à ses études. C'est dans cette seconde période de sa vie qu'il composa Les Métamorphoses.
A. B.
Les œuvres d'Apulée : Conte d'Amour et Psyché, Apologie ou La Magie, Florides, Sur le démon de Socrate, Sur Platon et sa doctrine du monde, Les Métamorphoses ou l'Ane d'or.
-Œuvres perdues : Poèmes, discours, divers traités.
Source : La galerie des hommes célèbres de Raymond Queneau.


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