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L'ISLAM AGRESSE DE HADROUG MIMOUNI
Les orientalistes du fourbi, du bakchich et du méchoui
Publié dans Le Soir d'Algérie le 27 - 03 - 2017

En 1988, Hadroug Mimouni faisait paraître L'Islam agressé aux éditions Enal, Alger. Un ouvrage remarquable, le seul publié de son vivant, et révélait un auteur d'une impitoyable lucidité doublée d'un pamphlétaire féroce.
Mais le livre ne vaut pas seulement par son contenu critique ou polémique, il regorge aussi d'informations intéressantes, de rappels historiques détaillés et de sujets en lien avec les temps présents. Usant d'un style clair, précis, didactique, d'une ironie mordante, l'auteur dissèque l'action dangereuse et malfaisante des orientalistes, décortique les agressions multiformes contre l'Islam et procède à une analyse minutieuse de certaines traductions du Coran. Des traductions dont il met surtout en lumière la version tendancieuse, pernicieuse ou délibérément erronée voulue par leurs auteurs. Enfin réédité par les éditions Mimouni, l'ouvrage a gardé toute sa fraîcheur et il offre plusieurs grilles de lecture, notamment celle qui peut aider à avoir une vue plus intelligente et lucide des choses de l'histoire, des opinions, voire des idées reçues. Le texte s'apparente à un essai et comprend une vingtaine de chapitres traitant de thèmes divers et en rapport avec les orientalistes. Grosso modo, le livre est structuré en deux parties. La première évoque les préparatifs de la mainmise de l'Occident sur le monde musulman, les grandes dates et les principaux événements qui ont marqué cette domination, le rôle joué par les orientalistes, les attaques menées contre la langue arabe, le miracle de l'Islam par le Verbe, la vision (fausse) au sujet des premiers musulmans. Sept chapitres en tout, très critiques et instructifs, suivis d'une deuxième partie, plus longue et plus analytique, consacrée au «complot contre le Coran».
Il s'agit, ici, d'une étude comparative et échantillonnée de traductions de certains passages du Coran, telles que rendues par Kazimirsky, Blachère, Hamidoullah, Denise Masson, Kechrid et autres traducteurs. 
Cette étude comparative fait la force de l'ouvrage, Hadroug Mimouni s'étant attelé à traquer patiemment et méthodiquement les erreurs, les altérations et les «fourberies» dont usent les traducteurs. Avant cela, l'auteur commence par rafraîchir la mémoire du lecteur à travers des rappels historiques, des mises au point très critiques et une manière de voir les choses qui lui est propre. Il écrit, dès l'entame : «C'est au cours de la réunion d'Aix-la-Chapelle en 1748 que fut décidée la mainmise de l'Europe sur le monde musulman. Il n'y eut ni partage de territoires ni reconnaissance de zones d'influence. Tout au plus que les régions turcomanes seraient de l'apanage de la Russie.
L'Angleterre et la France se partageant le reste (...). En 1798, Bonaparte envahira l'Egypte et la Palestine et sèmera la désolation en ces pays (...). Aucune étude sérieuse n'a été faite sur les crimes commis par son armée en territoires arabes.»
Troisième date importante : 1830. «C'est à partir de 1830, souligne l'auteur, que commença la mainmise de l'Europe sur le monde musulman avec le débarquement des Français en Algérie». Hadroug Mimouni détaille ensuite la politique de colonisation entreprise depuis cette date : apports de migrants latins, massacres de populations, expropriations des terres, pillages, enfumades, déculturation, etc. Parmi les points à retenir : «La première décision des occupants a été de déclarer biens de l'état français tous les Waqfs d'Algérie. Tout ce que les Algériens avaient amassé pendant des siècles pour l'entretien de leur religion et de leur culture fut volé par cette décision. L'état français se substituera aux autorités religieuses musulmanes et nommera les imams.»  Le sabre et le goupillon (l'Armée et l'Eglise), c'était dans la logique des choses. Aussi bien, «depuis 1830, une campagne, anti-islamique est menée en France et en Occident et elle continue, avec plus de perfidie. Des milliers d'ouvrages ont été écrits sur l'Islam et le monde arabe. Pas un qui ne soit un tissu de mensonges, de haine et de mauvaise foi». Pour Hadroug Mimouni, «le sommet sera atteint en Algérie par Louis Bertrand et à Beyrouth par Lammens». Louis Bertrand (1866-1941), en particulier, «marquera toute une génération d'écrivains français. Il sera un maître incontesté pour une notable partie de l'intelligence française.  Il sera élu à l'Académie française et, pendant quarante ans, pas un seul écrivain français n'osera le contredire». Louis Bertrand se voulait disciple de Lavigerie et il défendait l'idée d'«une Afrique latino-chrétienne». Une idée «adoptée, avec plus ou moins de passion, par toute l'intelligentsia française». Louis Lammens, de son côté, se chargera des chrétiens d'Orient. La raison est simple : «Les chrétiens d'Occident ne pardonnent pas aux églises d'Orient de n'avoir pas épousé leur point de vue sur l'Islam. A travers l'histoire, les églises d'Orient ont vécu, en général, en bonne intelligence avec l'Islam.»  Et c'est ainsi que «pendant quarante ans, cet homme, se disant prêtre, va se dépenser pour faire haïr le musulman par le chrétien et, en réaction, le même phénomène se produira chez le musulman. Soutenu par l'administration française à Beyrouth, il se posera en chef incontesté de l'anti-Islam». L'auteur relève que «le deuxième rôle de Lammens était de fournir aux orientalistes de la ‘'documentation'' et une référence. Pendant un demi-siècle, ils vont l'utiliser tous ou presque tous».
Dans le chapitre suivant, consacré aux orientalistes, Hadroug Mimouni commence par faire l'historique des études d'arabe en Europe : étude du Coran à partir de traductions latines (erronées) vers la fin du XIIe siècle, fondation de l'école spéciale des langues orientales vivantes en 1797 (l'arabe venait en quatrième position après le hébreu, le turc et le persan)... Les résultats étaient bien maigres. Aussi, «lorsqu'en 1830 les Français décident d'attaquer Alger, ils ne pouvaient, en raclant les fonds de tiroirs, mettre à la disposition de leur armée que cinq traducteurs valables».
En 1832, il n'y en avait plus qu'un seul. L'année suivante, l'armée française est alors autorisée à recruter des traducteurs et autres interprètes.  Le recrutement se fit à travers toute la Méditerranée et même plus loin (...). Alors convergea vers Alger tout aventurier sachant baragouiner un peu d'arabe et un peu de français. Résultat des courses : «En 1845, ils seront une centaine et c'est avec ce monde que va commencer l'étude de la langue arabe en France. Ils seront la base de l'école orientaliste française.» L'auteur fait remarquer que «à la même période se constituait en Algérie, à Sidi-Bel-Abbès exactement, un nouveau corps d'armée qui prendra le nom de «Légion étrangère». Pour Hadroug Mimouni, les choses sont d'une clarté aveuglante : «L'école orientaliste est la sœur jumelle de la Légion étrangère. Elles sont en même temps, sur le même sol, dans les mêmes conditions de recrutement, pour le même besoin et avec le même patron, à savoir l'armée colonialiste française. Elles disparaîtront en même temps et pour la même cause : elles sont devenues inutiles avec l'indépendance des pays du Maghreb.» Et puis, il y avait toujours ce regard méprisant que d'autres (des Français) portaient sur elles : «Pour les militaires français, le légionnaire n'était ‘'qu'un repris de justice, un évadé du bagne, un sans-patrie''. Pour l'universitaire français, les orientalistes ne sont que les intellectuels du fourbi, du bakchich, du méchoui et de la fantasia ; l'universitaire français ne fraiera jamais avec les orientalistes.»
Une chose est sûre, «créé pour le renseignement et la manipulation, l'orientalisme ne pouvait faire que cela. Il n'a pas été créé pour la culture». Quant à ceux qui évoquent «l'œuvre des orientalistes», l'auteur leur rétorque qu'ils «ont choisi les ouvrages qui seraient utiles pour comprendre l'histoire et la mentalité des musulmans, afin de mieux les dominer». Par exemple, ils ont publié Ibn Khaldoun. «Mais pas tout Ibn Khaldoun ; ils ont publié uniquement la partie qui concerne l'histoire du Maghreb et la Muqaddima, où il décrit les mœurs des Arabes et des Berbères et surtout leurs défauts, de son point de vue d'Andalou aigri et déçu.» Un distinguo, toutefois : «Il y a beaucoup de savants que l'on catalogue, injustement, comme orientalistes. Il faut faire la différence et ne pas commettre cette injustice (...). Les orientalistes s'intéresseront à la religion, à l'histoire, aux coutumes, c'est-à-dire uniquement à ce qui peut servir à manipuler l'homme musulman. Les savants étudient la civilisation musulmane en tant que civilisation.» Parmi ces savants, on peut citer H. Saladin (architecte), le Baron d'Erlanger (savant musicologue), Gustave Lebon (savant multidisciplinaire), Golvin (les arts populaires au Maghreb), l'Egyptien Mardrus (il a traduit Les Mille et Une Nuits), etc. La distinction étant faite, Hadroug Mimouni peut partir sur les traces de Massignon (celui que l'on surnommait «le petit Lawrence» ou «le Lawrence français») à qui il consacre un chapitre illustrant les agissements de ce triste personnage. L'auteur en profite pour ouvrir une parenthèse et expliquer au lecteur ce qu'étaient réellement Massignon, Charles de Foucauld et d'autres.
Autre parenthèse, également fort instructive : «Les agressions» (titre du chapitre suivant) dont sont victimes les Arabes et les musulmans, particulièrement au siècle dernier.
 L'affaire de la Palestine en est l'exemple le plus significatif. A sa création, l'appui à Israël a été total : «Jamais une telle unanimité n'a été réalisée, même pas contre le nazisme.» Hadroug Mimouni rappelle «comment l'ennemi approche les problèmes» (notamment par des accords tacites) et «comment les nôtres se font piéger», exemples à l'appui.  De Gaulle ? «Il fut un des pires et des plus hypocrites ennemis des Arabes.»  Sartre et Beauvoir ? «Pendant longtemps les Arabes se sont imaginé que Sartre et Beauvoir étaient les représentants de la Pensée française, parce que les seuls pratiquement à être traduits, alors qu'il s'agissait de deux juifs qui ont amusé le public français pendant un certain temps.»  
A l'opposé, il y a les vrais écrivains, ceux qui dérangent, bousculent les idées reçues et que le lettré arabe ne connaît pas : Mauriac, Céline, Claudel, Pierre Rossi, Aldous Huxley, etc. Dans la deuxième partie consacrée au «Coran et ses traducteurs», l'auteur commence par rappeler que «rendre le Coran dans une autre langue est impossible (...). Mais faire dire au Coran ce qu'il ne dit pas, ou lui faire dire le contraire de ce qu'il dit, c'est autre chose».  Pour les besoins de cette analyse comparative, l'auteur a adopté la démarche suivante : «Nous avons pris sept traductions dont nous analysons une partie du contenu. Nous les avons choisies soit parce qu'elles sont les plus connues, soit parce qu'elles sont les plus récentes. Nous avons analysé les traductions des sept sur le même passage coranique.»
Le texte arabe du Coran est suivi, pour chacun des traducteurs (Kazimirsky, Pesle et Tidjani, Blachère, Hamidoullah, Denise Masson, Jacques Berque...) d'un échantillon de la traduction en français et des observations, commentaires de l'auteur et de ce qu'il croit être «la traduction qui reflète le sens du passage coranique». 
Marchands de bric-à-brac ou réellement traducteurs ? «En faisant connaître le traducteur, nous sommes sûrs que le lecteur peut se faire, par lui-même, une idée de ce qu'est la traduction», peut conclure l'auteur de cette étude fouillée et qui ne manque pas de surprises, ni de sel.
Hocine Tamou
Hadroug Mimouni, L'Islam agressé, éditions Mimouni, Rouiba 2017, 256 pages.


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